Pour en finir avec les trolls misogynes

Le summum de l’injure

Women live lives of continual apology. They are born and raised to take the blame for other people’s behavior. If they are treated without respect, they tell themselves that they have failed to earn respect.

Germaine Greer

« Ignore-le. » C’est le truc qu’on vous donne toujours pour composer avec les graphomanes misogynes. La tactique du don’t feed the troll a ses mérites, mais on ne peut s’empêcher de penser, parfois, que le silence avalise cette violence langagière qui n’a d’égal que son sexisme dégoulinant.

Ça m’écoeure de lire encore une invitation à boire un verre par un veilleur libidineux qui frôle le harcèlement tant il persiste et signe au fil des jours, des semaines et des mois. Le vieux ou le jeune con n’hésite pas à répéter le tir sans avoir de réponse. Et puis, devant le silence qu’on lui oppose encore et toujours, il finit par s’insurger et fait dans l’insulte facile : « sale pétasse maquillée ». Évidemment. Alors on le bloque, et il s’offusque qu’on ne le laisse pas nous traiter de salope vertement, publiquement, librement. Bravo champion. Et si on lui consacre une fraction de notre attention pour lui dire de manger un char, ça ne prend pas boudinette qu’il revient à la charge, tout émoustillé. Je ne suis pas fan des généralisations hâtives – si seulement c’était une anecdote isolée ! Mais non, c’est récurrent et ça se répand.

Je vous pose la question sincèrement : comment en finir ? Car j’observe comme vous la multiplication sans bon sens des messages incendiaires lancés ici et là aux femmes qui ont le malheur d’exister. Sous le couvert de la boutade inoffensive, on y va de remarques viles, violentes, résolument sexistes.

Salope. Pétasse. Connasse beurrée. Frustrée. Épaisse. POURENFINIRAVECLESTROLLS

Je lis ces mots, et devant les éructations souvent concupiscentes du phallus frustré, j’ai honte et je ferme ma gueule. On a vu mieux, comme silence souverain. Je m’explique.

Le troll que je cible aujourd’hui s’attaque au corps des femmes. Oui, le sacro-saint corps des femmes, paratonnerre de la médisance phallocrate. C’est la première impression, le premier des grands jugements. Encore et toujours, ce corps dominé (adulé, sublimé, maltraité, instrumentalisé, réglementé, occupé, alouette) fait l’objet d’invectives, sur la place publique ou dans notre jardin virtuel. C’est beau, le progrès. On ne s’en sortira pas en laissant les choses aller.

On fait fi trop rapidement de ce sexisme peu subtil : il ne faudrait pas donner d’importance aux cabrioles ignominieuses du 2.0 dont tout le monde se contre-crisse au final. Pas d’accord. Il ne faut pas s’en crisser. Au même rythme effréné où se développent les médias sociaux, on voit pulluler les trolls misogynes, champions, lance au vent, de la cause plus ou moins articulée d’un patriarcat soi-disant bafoué.

La dénonciation des propos misogynes est nécessaire, en ligne autant qu’ailleurs. Le cumul des perfidies qu’on ignore forme, en quelque sorte, un consentement à la domination. On le droit de répliquer. On en a parfois le devoir. Bloquer et ignorer, peut-être. Mais aussi dénoncer. Refuser d’avoir honte. Exiger le respect.

 

Pour en finir avec la turpitude des trolls misogynes solitaires, il faut répondre ensemble.

Léa Clermont-Dion

10 Comments

  • Dénoncez ne suffit pas.
    Je note une citation de Germaine Greer en haut, mais la dénonciation des propos misogynes s’effectue depuis bien plus longtemps que La Femme eunuque et ces propos n’ont pas tant diminué (trop de passages de ce livre restent pertinent aujourd’hui).

    Il faudrait d’autres mesures: l’exclusion de certains lieux, certains sites Internet des harceleurs (dépendamment d’où sont partis les insultes); des campagnes d’informations et des peines judiciaires (très préférablement des travaux communautaires) pour les récidivistes.

    Ça ne réglera pas le problème partout, mais certaines personnes pourraient penser deux fois avant d’insulter. Et faire réfléchir ces individus est probablement ce qu’il y a de mieux à faire: ça signifie qu’ils sont en train de remettre en cause leurs propos.

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  • Marc Jalbert
    6 juin 2014

    Vous avez raison que ces gens sont ideux, mais vous leur offrez des tribunes, vous ne devez pas avoir honte, eux n’ont pas honte, c’est un jeu pour eux, souvent il ne se croient même pas, mais ils veulent vous pousser à bout, c’est cela… un troll, savez… Pouvez les dénoncer, mais dénoncer Marc44 de Montréal, bref… Les arrêter pour ça, je sais pas, ça fait bien des trolls à arrêter (faut être juste avec tous les sujets, la femme n’a pas le monopole de l’insulte dirigée, loin de là) et que fait-on de l’inverse et des gens qui s’insultes dans la rue? Devrons-nous tous devenir des psychologues urbains?

    Elle parle des idiots, et ça, il y en a dans les deux sexes, à propos de tous les sujets, mais elle a choisi un sujet de bataille et elle le surexpose sans cesse. J’imagine que c’est correct, si ça peut faire du bien à quelqu’un, mais… Un troll c’est un troll, dans tous les domaines. Heureusement, la majorité des hommes québécois sont totalement mous dans leur rapport hommes/femmes ou totalement d’accord avec la majorité des revendications féministes (sauf quelques rares qui sont des revendications de dogme inversé). C’est pourquoi les féministes d’ici utilisent des exemples d’ailleurs pour culpabiliser (regarder les articles, publications Facebook, blogs), ne se rendant même pas compte que c’est ainsi qu’elles détruisent les ponts construits par leurs prédécesseures. La majorité des hommes d’ici (à plus forte raison les 16-36 ans) sont vraiment prêts à vivre également, les dinosaures achèvent. Garder le cap, c’est bon! Exagérer l’ostracisme, c’est mal! Il faut des canaux de discussion francs et ouverts, pas du dogmatisme de bas étage. Et les trolls, damn, les gens font la part des choses, pour vrai, cachez leurs écrits et bloquez-les, ils vont se tanner à créer des faux profils…

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  • Stéphanie Carrier
    6 juin 2014

    Le problème, c’est que dénoncer un propos misogyne qui vient de nulle part et qui vient possiblement d’un groupe très restreint de personne (ne sous-estimons pas les trolls et leurs multiples profils), cela n’aide pas énormément (il faudrait vraiment se demander en quoi). Par contre, cela fait croire à plusieurs que plein d’hommes sont ainsi et de fil en aiguille, par déformation, oui, ça nourrit les trolls qui reviennent à la charge quand ils entendent un discours trop réducteur envers les hommes. En fait, d’une façon extrêmement stupide et mal habile, ils s’attaquent à la même chose que vous, c’est simplement qu’eux, visiblement, n’ont pas ce qu’il faut pour écrire un livre. Il y a beaucoup plus dans ce phénomène qu’une simple distinction homme/femme, il y a une crise de la communication humaine qui est insoupçonnée et qui attaque beaucoup plus de gens qu’à première vue. Heureusement, le Québec ne s’en sort pas si mal, je crois. En 35 ans, j’ai rarement eu affaire à des hommes irrespectueux (dans la vie, pas sur Internet), alors je dois vous dire que je suis heureuse de vivre au Québec. C’est vrai que si on regarde ailleurs, c’est souvent bien pire qu’ici ! Y a-t-il encore du chemin à faire, sûrement un peu, mais ça semble quand même affreusement plus facile de trouver un homme respectueux aujourd’hui qu’il y a 30-40 ans. Je garde bon espoir.

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  • Line Merrette
    7 juin 2014

    CertainEs n’acceptent pas que des femmes pensent, et surtout, ne pensent pas comme eux.

    Des femmes qui avaient des blogues sur l’informatique ont dû les fermer, ayant reçu des menaces de mort!

    Leur crime? Écrire sur l’informatique.

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  • sébastien haton
    8 juin 2014

    Totalement en phase avec vous pour rejeter ce sexisme systématique. La société humaine met toujours du temps à intégrer les progrès de la tolérance et de l’égalité.
    Cependant, et je pèse mes mots, je crois sincèrement qu’il ne faut jamais « nourrir le troll », comme vous le suggérez sans l’appliquer. Faire des articles, poser des réflexions, argumenter, c’est très bien et vous avez raison de le faire. Mais jamais d’attaque frontale, jamais d’insultes, le troll adore ça et s’en repaît jusqu’à l’explosion ventrale. D’autre part, je rejoins Stéphanie Carrier lorsqu’elle dit qu’il ne faut pas surestimer leur nombre.
    La seule solution anti-troll est dans le signalement systématique, la mise en abus. Les modérations sur le web sont sous-utilisées et c’est dommage. Je constate avec tristesse que les propos injurieux, sexistes, homophobes, racistes, etc. se banalisent sur le web. Cela signifie-t-il que ceux qui les tiennent sont plus nombreux qu’avant ? Certes pas, mais ils ne se sentent pas assez inquiétés. A moins qu’il ne s’agisse que d’un jeu pour vous déstabiliser… Et raison de plus pour les ignorer et demander à ce qu’on les exclue.

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  • sébastien haton
    8 juin 2014

    Tenez, pour étayer ma suggestion de réfléchir et d’argumenter plutôt que d’affronter, voici un lien vers un article que j’ai écrit pour un autre web-magazine l’année dernière :
    http://www.parolesdartistes.net/La-misogynie-ca-n-existe-pas_a1531.html

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  • jesus
    19 juillet 2014

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