Hey Fille

Photographe: Ioana Alexandra Page Facebook: https:::www.facebook.com:EgamiPicture: Modèle: Arielle Chartrand

Photographe: Ioana Alexandra Page Facebook: https://www.facebook.com/EgamiPicture/ Modèle: Arielle Chartrand

Hey fille, te rappelles-tu quand ta mère racontait que la première fois qu’elle t’a prise dans ses bras, elle t’a dit d’oublier ton après-bal ? Tu t’en foutais jusqu’en secondaire 5. Là, t’as supplié ta mère de te laisser y aller. Elle a accepté.

Hey fille, essaie d’oublier, c’est le meilleur conseil que je peux te donner. Laisser les choses derrière soi c’est libérateur. Quoique, des fois, oublier c’est pas le best. Des fois, tu peux te servir de ce qui s’est passé dans ta vie pour faire avancer une cause, pour ouvrir les yeux des autres.

Hey fille, c’est pas de ta faute, ok? Pas de ta fucking faute s’il était dérangé. Je l’avoue, ça fait chier. Tu te sens comme une moins que rien. Tu fais ta forte de même à le bitcher pis à le regarder de haut. The fact is: t’as peur, hein? Je me trompe? Bien sûr que non, je me trompe pas, j’te connais trop bien.

Hey fille, t’as le droit d’avoir peur. C’est plus que correct, même. Pis ceux qui disent que c’est pour l’attention, que t’aime juste ça te faire réconforter, bah, c’est des cons. La peur, ça se choisit pas. Tu te lèves pas un matin en te disant « tiens, me semble que ça serait trippant d’avoir peur des gars ». Non. La peur, c’est laid, pis ça se règle pas en écoutant Paris Tristesse de Pierre Lapointe. Ce qui est arrivé à ton après-bal, ça s’oublie pas.

C’est arrivé une fois, pis là t’as la chienne. Simple as that. Il s’est frotté sur toi pendant que tu dormais, tu pouvais rien faire. T’étais complètement dans les vapes. T’as senti son érection contre ta cuisse, tu l’as senti sa main agripper/tirer sur tes vêtements, tu l’as senti t’embrasser dans le cou pendant que tu étais couchée et pas si wasted que ça en passant. T’as tout senti ça. Mais, t’étais certaine que c’était un rêve. Ton corps lui, il avait compris. Il s’est mit à trembler comme une feuille. T’as commencer à respirer fort. Tu dormais, mais tu savais que dans le fond, ce rêve là est calissement trop réaliste. Pis quand t’as commencé à te réveiller, t’as compris ce qui se passait. Le seul hic, c’est que ton corps voulait plus du tout bouger, tes yeux voulaient même pas s’ouvrir parce que tu voulais pas qu’il sache que t’étais réveillée. C’était terrible, hein? Je le sais. T’as essayé de te tourner dans ton sommeil pour qu’il comprenne que, hey, elle dort, je la lâche. Mais non, à la place il t’a embrassée dans le cou. T’as fini par te lever. En quelque secondes seulement, tu étais enfermée dans la salle de bain pis tu pleurais, tu te regardais dans le miroir pis bordel que tu te sentais sale. Tu pleurais, tu tremblais, tu manquais d’air, t’avais mal. Hey fille, c’te gars là c’était un de tes amis. Un bon ami a qui t’as tout dit, tout ce qui se passait chez vous. T’as pleuré ce soir là, pis le lendemain aussi. Pis personne t’a crue. Parce que tsey, une agression sexuelle, sans pénétration c’est pas vraiment une agression, right? Pis, tu l’as sûrement cherché un peu, right? Pis, t’exagères sûrement un peu. Pis, ouin, je suis pas pour arrêter de lui parler parce qu’il t’as supposément fait ça, hein? T’es peut -être juste un peu too much.

Ben non, t’as rien exagéré. C’est toi qui l’a vécu, pas eux. Toi, tu l’sais comment t’as feeler pendant des jours, même des semaines. Tu le sais comment tu feel encore juste à y penser. Eux, ils étaient pas là, mais ils auraient dû, parce que c’est là que la solitude a solidement frappé. Y’en a juste un qui t’a aidée. Lui, y t’a parlé, y t’a aidée ce soir là, il a même attendu que tu te calmes un peu. Le pire là-dedans, c’est que c’était la première et la dernière fois que tu lui parlais à ce gars là. Pis tu lui dit merci, merci, merci et merci encore parce que ça allait tellement pas bien ce soir là que je sais pas ce que t’aurais fait. T’es retournée te coucher par après. Entre deux de tes amies. Pis t’as pleuré. Pis t’as sursauté dès qu’une des deux te frôlait. À l’aube, t’étais déjà debout, pis tu te sentais sale, encore. Tu t’es levée avant tout le monde, t’as nettoyé un peu les bouteilles qui gisaient là. Pis en passant dans un des couloirs de la place, t’es arrivée face à face avec le dude qui t’a fait passer une nuit infernale. Il t’a demandé s’il pouvait te parler, pis tu lui a presque craché au visage de ne plus jamais te regarder, de ne plus jamais te parler et de plus jamais t’approcher. Il t’a dit qu’il voulait juste parler. Pis t’as répondu que vous étiez supposez juste dormir donc fuck off. Il est parti pas mal honteux. Pis toi t’as recommencé à trembler. Dans la journée, pour se protéger, il est aller dire qu’il avait rien fait. Personne l’a confronté, c’pas de leur affaires après toute. Pis toi, t’as pris ton trou.

Ça fait presqu’un an, pis t’en parles ouvertement. Pis t’en as toujours parlé ouvertement. Ce que lui t’a fait, c’était pas ton choix. En parler, oui. Si t’en parles pas, ça te hante par en dedans. Faque, t’en parles souvent. Peut-être que comme ça, les autres à qui ça arrive, on va les croire. Lui, il continu comme avant. Il a ses amis, sa blonde et tout le kit. Pis comme dans le livre de Ingrid Falaise, tu te rappelles de lui : M pour Monstre. M pour son nom.

Hey fille, bravo.

Tu vas ouvrir les yeux a ben du monde.

Moi je t’aime, pis c’t’un peu normal, parce que pas s’aimer soi-même dans des moments de même, on a pas besoin de ça.

Renaude

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