Nelly Arcan et l’omniprésence de la Laideur.

Je me lève ce matin, le sourire aux lèvres, le regard fatigué d’avoir bien fêté la veille. J’apprécie le soleil automnal qui passe à travers la fenêtre, l’air est clair. Je suis contente d’être en vie. J’ouvre la télévision, Nelly Arcan n’est plus. Quelle horrible nouvelle. À la télévision encore, on parle de suicide. «C’était une femme d’une extrême intelligence», affirme un collègue de travail. «Nous devons voir la souffrance qui se trouve derrière ce geste» ajoute un homme qui travaille à la prévention du suicide. «N’avait-elle pas déjà abordé le sujet dans ses livres ?» demande l’animateur. «Oui, j’ai lu Folle étant adolescente» répond une lectrice. Et jamais, on n’a parlé de la Laideur, qui est omniprésente dans l’ensemble de son œuvre, fondement de la souffrance. Nelly Arcan, Isabelle Fortier de son nom, était une femme lucide. Dans une entrevue accordée à La Presse, elle disait :

«Je réfléchis tout le temps là-dessus. Le désir de plaire, je n’arrive pas à savoir si c’est une structure proprement féminine. Si un jour, les femmes vont transcender cette position-là, de ‘désirer le désir’, d’être la femelle obtenue, plutôt que d’obtenir. Advenant que c’est impossible, je trouve qu’on est vraiment mal foutues. Parce que c’est un extrême désavantage, c’en est presque révoltant, ça voudrait dire que, toujours, la femme va être fixée à son corps. Si la nature du désir féminin c’est d’être désirée, c’est un désir doublement aliéné.»  (La Presse, 26 août 2007)

Pas une fois, durant cette émission, n’a-t-on parlé de ce que signifiait que d’être une femme pour Nelly Arcan, la féminité étant pourtant un élément central de son œuvre. On a même éclipsé son genre à deux reprises, en y référent en termes d’«auteur talentueux» et «chroniqueur». C’était une auteure très talentueuse, monsieur, et une chroniqueuse entière, vous saurez. Et elle avait la haine, je crois. Vous n’en avez pas parlé, monsieur l’animateur. Cette haine, je l’ai sentie aussi, adolescente. On se trouve tellement laide et le monde mille fois plus encore.

«C’est à l’adolescence que ça s’est gâté, enfin, il me semble, et à l’école secondaire mes copines étaient plus jolies que moi, les unes comme les autres, elles n’ont jamais rien su de ma haine de les voir ainsi plus jolies que moi car je me suis toujours révoltée en silence, dans le confort de mes fantasmes, dans un recoin de l’esprit où il est possible d’être morte et vivante à la fois, d’assassiner mille fois ceux qu’on aime et de se suicider en se représentant la consternation de la famille, mais pourquoi s’est-elle donnée la mort?»  (Putain, 2002)

Une lectrice se posait cette même question ce midi. Ne sentez-vous pas, madame la lectrice, qu’il y a quelque chose qui se pervertit dans les relations humaines? Et que ce quelque chose rend la vie souffrante aux êtres particulièrement sensibles? De loin j’entrevois la Laideur et déjà elle me trouble.  Elle est là, qui aseptise tout à grands coups de publicités, de vidéoclips et d’articles de magazines. Constamment nous regarder dans le miroir pour nous assurer que nous sommes bel et bien des femmes. Dans Le Courrier de Louise, cette semaine, un homme demandait aux femmes de s’habiller en femmes, de porter des robes et des talons hauts. Une jupe ne coûte pas cher, disait-il. Quel imbécile. J’ai de la chance, pensai-je. J’aime un homme qui m’aime et par notre amour nous érigerons des murs contre la haine.

Je penserais probablement différemment si j’avais été au cœur de la Laideur. Si j’avais dans la tête un vieil édifice crade où les hommes se succèderaient pour venir me pénétrer par tous les orifices. Peut-être qu’à travers l’air clair de l’automne je les entendrais geindre et que dans mon regard fatigué, je ne pourrais voir que le dépérissement à venir.  Le plus sincèrement du monde, j’ai l’impression que ça aurait pu être moi, cette putain.  Parce qu’il est beaucoup plus facile qu’il n’y parrait que d’aller se prostituer.  Il ne faut pas nécessairement être dans la rue.  J’ai rencontré cette possibilité sur Internet, je devais avoir dix-huit ans.  Coucher avec un homme régulièrement et me faire payer pour, pourquoi pas?  Quelle serait la différence lui et les rencontres de fins de soirée?  Malgré ma confusion d’alors, j’ai refusé.  Et j’en suis extrêmement heureuse aujourd’hui.  Seulement, je me souviendrai toujours à quel point cela me semblait facile, moi jeune étudiante simili-libérée, intelligente et tellement au-dessus de ses affaires.

Nelly Arcan n’est plus fixée à son corps. Elle n’aura plus à plaire à personne. J’espère que l’on réfléchira à la violence dont elle a témoigné dans ses livres. Car à travers ces récits, l’écrivaine voulait dresser un portrait du monde contemporain :

«Ce qui est important pour moi c’est de refléter le monde d’aujourd’hui, et si on trouve mes livres provocateurs, c’est que, probablement, le monde dans lequel on vit est très provocateur, à certains égards. On vit dans un monde très hygiénique, très ‘politicaly correct’, très propre. Mais il est par ailleurs extrêmement violent, déshumanisant aussi, à certains égards. Dans le commerce des corps par exemple, dans la manière de survaloriser l’image par rapport au reste. Et dans ma manière d’écrire, je provoque, mais ce n’est pas une provocation qui vise à choquer les gens, mais plutôt à leur montrer dans quel monde on vit.»  (La Presse, 25 septembre 2009)

Malheureusement, je devine déjà ce que l’on dira la prochaine fois qu’on discutera publiquement de l’hypersexualisation et de l’industrie du sexe.  On traitera les féminites de puritaines et de grosses laides frustrées.  Richard Martineau critiquera la présidente du Conseil du Statut de la Femme, il dira : «je ne dis pas qu’elles devraient s’habiller comme les chanteuses des Pussycat Dolls. Mais, bon, quand on se présente devant les médias, on s’arrange, non? On se maquille, on passe chez le coiffeur… On porte des vêtements qui nous mettent en valeur.» (12 juin 2008).  Et lorsque qu’une talentueuse auteure qui correspond enfin à ces standards sera invitée à Tout le monde en parle, on la ridiculisera au lieu d’écouter ce qu’elle a à partager.  Martin Matte lui mattera le décolleté, Guy A. Lepage lui demandera de frencher une technicienne sur le plateau.  Pas sur le plateau Mont-Royal.  Sur le plateau de l’émission.  Pour rire.  Je m’en roule par terre.

J’en conclus donc que pour avoir de la crédibilité, la banalité sans maquillage c’est zéro.

Si vous comptiez vous payer une chirurgie (et la crédibilité nécessaire pour parler de sexualité), oubliez le projet, on vous le remettra sous le nez.
Pour qu’on nous prenne au sérieux, peut-être vaudra-il tout simplement mieux être mo…yennes.  Dans la moyenne.
Très mauvaise blague à part, comment combattez-vous la Laideur qui vous assaille?

16 Comments

  • mathieu gros-louis
    5 octobre 2009

    Bonjour valérie!!!
    Je suis content que quelqu’un réagisse comme ca a propos de mademoiselle arcand..Sérieusement, je trouve que son décès a vraiment trop passé sous silence compte tenu de la  »pourriture » a Falardeau …bref je suis content de te lire ca mas fait du bien quand meme:) J’espère que tu réécrieras bientot:)

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  • Marie-Anne
    5 octobre 2009

    Merci Valérie pour ce texte ! C’est un super bon texte de départ. Bienvenue sur le blogue, c’est une chouette communauté d’idées tu vas voir!

    C’est vrai qu’elle était justement un peu victime de son propos sur l’image et l’apparence, la Nelly Arcan. C’est l’impression que j’ai, de loin, car je ne connais pas son oeuvre, et à peine lu quelques unes de ses chroniques. Je peux pas vraiment me prononcer, mais je trouve que ton texte a su mettre en relief sa personnalité dans ses écrits et son traitement médiatique dans l’opinion générale…

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  • Valérie
    6 octobre 2009

    Oui, elle était clairement victime de son image et ce, malgré toute son intelligence. En fait, je crois que c’est en partie pour ça que ce suicide m’a autant touchée. Car on pense souvent qu’un bon sens critique est tout ce que ça prend pour résister à la pression de l’apparence. Pourtant, tous ces messages sont vicieux. Ils s’infiltrent dans notre esprit et surtout, dans notre regard. En tout cas, je sais qu’il y en a qui sont beaucoup trop sévères envers elles-mêmes. Ça m’arrive aussi. Dans Putain, Nelly Arcan écrivait qu’il n’y a que deux types de femmes, les schtroumphettes et les larves. Ce n’est pas les autres qu’elles jugeait ainsi, mais elle-même! Et qui n’a pas parfois cette dichotomie en tête lorsqu’elle se regarde dans le miroir? Les gens ayant passé Nelly Arcan en entrevue avaient-ils compris cela? Ou était-ce en dehors de leurs moyens? Et depuis quand ne peut on pas écrire à propos des choses dont on se sait victimes? Ça ne me semblait pas contradictoire du tout. Il est normal de mieux connaitre les effets négastes des phénomènes qui nous touchent particulièrement.

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  • Myriam Bizier
    6 octobre 2009

    Ton texte m’a beaucoup touché Valérie, tout comme le suicide de cette femme. Ce nœud dans l’actualité et dans nos cœurs de femme cet automne est quelque chose de mystifiant pour moi. Ton texte met en lumière certains en jeux cruciaux.

    Voici une autre vidéo:

    Une entrevue avec Nelly Arcand, la dernière entrevue avant son suicide, à propos de son dernier roman, à TV5:
    http://www.tv5.ca/emissions/emission/club-social-avec-nelly-arcan-100242177.html

    Une entrevue plus respectueuse et éclairante.

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  • Anne-Sophie
    6 octobre 2009

    Valérie, cette analyse si humaine et profonde de Nelly Arcand et de son rapport au monde me donne des frissons! Merci de nous avoir partagé tes réflexions, elles sont inspirantes et particulièrement touchantes. Merci de nous avoir offert cet article, ainsi que de toutes les portes qu’il a ouvertes dans mon esprit!

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  • Caroline
    7 octobre 2009

    Quel curieux hasard.
    Valérie, je discutais dernièrement avec ma mère et elle me disait qu’elle trouvait ironique que Nelly Arcand dénonçait l’obsession de la beauté des femmes de notre société, alors qu’elle-même se soit « tout fait refaire ».
    J’adore ton commentaire à savoir pourquoi ne peut-on pas écrire et dénoncer un système dont on se sait victime.
    Lors de ma conversation « mère-fille » s’expliquai à ma chère mère que les femmes pouvaient par exemple, dénoncer le système patriarcal, tout en se sachant victimes de ce dit système, et ce, même si elles en faisaient partie et y participaient. (S’en est suivi une longue discution sur le supposé « matriarcat » québécois, et moi d’expliquer, dictionnaire à l’appui, ce que le patriarcat et le matriarcat voulaient dire… mais, bon c’est un autre débat qui n’a pas rapport ici!)

    Ça me fait drôle de voir que d’autres féministes partagent mes opinions et utilisent à peu près le même genre d’arguments pour expliquer leur point de vue.
    Merci!
    P.S.: idem pour l’anthropologue pamphlétaire Falardeau! 😉

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  • Valérie
    7 octobre 2009

    Bonjour, j’espère que vous allez bien. Merci pour vos commentaires, j’apprécie, c’est toujours un peu énervant de se prononcer sur un tel sujet. J’ai lu une nouvelle entrevue de Nelly, celle-ci y traite d’une conception du genre tout à fait audacieuse, à savoir que notre genre n’est pas défini par-rapport à nous mêmes, mais en fonction du sexe des êtres humains qui nous attirent. Une piste de réflexion inusitée.

    http://www.cyberpresse.ca/arts/livres/200909/25/01-905606-exclusif-transcription-dune-entrevue-de-patrick-poivre-darvor-avec-nelly-arcan.php

    Et oui Caroline, c’est bien vrai que ça fait tout drôle d’accéder à des visions du monde similaire aux nôtres. C’est en partie ce qui me troublait tant dans les écrits de Nelly Arcan. J’avais l’impression de toucher à quelque chose d’essentiel dans la construction contemporaine de la féminité.

    Je discute souvent avec ma mère. Ce n’est jamais de tout repos !!!

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  • Jeanne
    13 octobre 2009

    « Si la nature du désir féminin c’est d’être désirée, c’est un désir doublement aliéné »

    Ce paragraphe m’obsède depuis la mort de Nelly Arcand, en fait depuis que je l’ai lu.

    Début cinquantaine, j’ai un bon travail dans un milieu d’hommes. Je vis seule par choix et avec plaisir. Je n’ai plus rien à me prouver. Je suis confrontée chaque jour à cette image de femme qui vieillit. Le vieillissement à deux vitesses entre les hommes et les femmes me touchent particulièrement. Au point que j’ai du me demander si en traitre que je suis je n’aimerais pas mieux être un homme ? Question sans réponse …que je me donne encore quelques dizaines d’années pour affronter.

    Tout est pourtant dans cette phrase, passer d’être désirée à être désirant. Ne pas croire que c’est une question de peau ou de sexualité mais bien un choix de position fondamentale. Etre désiré et ainsi laisser la place à tous les rêves de l’autre dans la vie à deux, être désiré et correspondre à l’image du désir de l’autre. Désirer et se propulser vers ses propres rêves, désirer et correspondre à l’image de soi que l’on porte.

    Tout est dans cette phrase et elle va m’obséder longtemps.

    A méditer encore et encore

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  • Stéphanie
    14 octobre 2009

    Dès l’enfance, la fonction d’une fille semble être de correspondre à un idéal fait de paraître. Plaire, correspondre à ce qu’on attend d’elle. Être jolie, bien mise, ne jamais cesser d’être esthétique, même dans le sport. Être au service des autres aussi.

    Plus tard, les jeunes filles continuent tout « naturellement » de chercher à se conformer encore et encore. Le volet sexualité viens simplement s’ajouter à la liste qui s’est formée au fil des années dans la tête et qui contient « Tout ce que vous devez savoir pour être un parfait objet de désir ». Le désir de l’autre évidemment. Apparence, comportements, émotions même. Car vos émotions aussi doivent être conformes.

    Conformes à quoi? À d’autres femmes, réelles ou imaginaires. Les femmes réelles sont très différentes les unes des autres mais on ne le réalise pas. On se dit qu’on est la seule à penser comme on pense, à ressentir ce que l’on ressent, alors on se dit que la norme est tout simplement ce qui n’est pas nous.

    Il ne reste plus de place pour le désir féminin lorsque celui-ci étouffe tout le reste et qu’il amène tant de femmes à observer anxieusement leurs consoeurs transformées à la fois en ennemies et en modèles.

    Avant de se demander si elles sont désirables, les filles doivent apprendre à se demander quels sont leurs propres désirs. Ce n’est pas dans les yeux d’une autre personne que l’on doit chercher la confirmation que nous sommes dignes d’être aimées et désirées. Ça ne peut venir que de nous.

    Je n’ai lu que des chroniques de Nelly Arcand (et entendu quelques entrevues) mais je ne vois pas comment on pourrait affirmer qu’elle n’avait pas la crédibilité pour traiter des sujets qu’elle abordait. Peu importe ce qu’on pourrait dire sur son physique ou son passé, elle avait une sincérité, une lucidité et une authenticité qui a malheureusement échappé à ceux qui la jugeaient de l’extérieur.

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  • Nicola
    14 octobre 2009

    Toute cette question d’une idée de la beauté qui tyrannise les femmes (et les hommes) est vraiment d’actualité, et Nelly Arcan, déjà vivante et encore plus morte, en est un puissant témoignage. Une femme contradictoire à mes yeux, mais cela semblait assumé, elle-même prise au piège dans ce qu’elle dénonçait. Ce qui nous empoisonne l’existence, c’est bien cette idée de la beauté qui monopolise tout et nous dicte quoi désirer, ou bien quoi faire pour l’être. Les femmes d’abords, bien sûr. Mais aussi les hommes en tout cas, moi. J’en ai marre d’être mitraillé à longueur de journée par toutes ces images, et de voir toutes ces femmes essayant désespérément d’y ressembler. On en vient à être complètement brainwashé, à tous désirer la même chose, à être obsédés par cet espèce d’objet sexuel qui n’a plus rien d’humain. Moi, en tant qu’homme, je veux toucher à la beauté, la vraie, chez la femme. Mais je la trouve rare. Ma copine qui se regarde constemment dans le miroir avec ce doute dans les yeux, cette question qu’elle se et me pose inlassablement, suis-je assez belle? Mes seins sont trop petits n’est-ce pas? Est-ce que tu me désire encore? On fait souvent des blagues sarcastiques en disant que tous les gars préfère les gros seins. Les femmes aussi, peut-être même plus, on leur a foutu ça dans le crâne et on continue de frapper sur le clou. Un gars ne peut même plus aimer les petits seins de sa blonde car elle-même n’y croit pas. J’en ai marre.

    Marre de cette beauté en canne.

    J’excerce le métier de photographe, et je m’efforce de capturer la vraie beauté, l’humaine beauté, la touchante.

    Pas la pute de beauté.

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  • Karine
    17 mai 2010

    LECTRICES RECHERCHÉES

    Pour une étude sur les personnages de femmes représentés dans cinq récits d’autofiction :

    Borderline et La Brèche de Marie-Sissi Labrèche

    Putain et Folle de Nelly Arcan

    Le dégoût du bonheur de Mélikah Abdelmoumen

    Bonjour,

    Je suis étudiante à la maîtrise en communication à l’Université de Sherbrooke. Mon mémoire porte sur les personnages de femmes représentés dans cinq récits d’autofiction et sur la perception qu’en ont les lectrices qui font partie de la « génération X ».

    Je suis donc à la recherche de femmes de 29 à 50 ans pour connaître leurs opinions sur les récits en question, soit Borderline et La Brèche de Marie-Sissi Labrèche, Putain et Folle de Nelly Arcan et Le dégoût du bonheur de Mélikah Abdelmoumen. Que pensez-vous des auteures, de leurs œuvres et des personnages qu’elles mettent en scène? C’est ce que je cherche à connaître dans le cadre de ma maîtrise.

    Je souhaite réaliser des groupes de discussion ou entretiens collectifs. Ce type d’entrevue se veut convivial. Il ne s’agit pas de réfléchir sur la valeur littéraire des récits, mais de discuter des thèmes qui y sont abordés et qui vous ont touchées. Vous aurez ainsi la chance d’échanger sur des sujets qui vous intéressent avec d’autres femmes de votre génération.

    Pour participer, vous devez avoir déjà lu (dans le passé) au moins un des cinq livres à l’étude. Vous aurez quelques semaines pour lire un autre titre de votre choix avant la tenue du groupe de discussion auquel vous serez conviée.

    Vous êtes intéressée? Je serais heureuse de vous donner tous les détails et de répondre à vos questions. Vous pouvez communiquer avec moi à l’adresse courriel suivante : karine.bellerive@usherbrooke.ca.

    Au plaisir de vous entendre,

    Karine Bellerive

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  • Celui que tu veux
    24 novembre 2010

    Que d’hypocrisie !

    Avez-vous lu son oeuvre, je veux dire toute son oeuvre ? Si oui, êtes-vous comme les critiques qui classent son dernier comme de la pure fiction, une femme suicidaire qui délire ?

    Dites Valérie, avez-vous compris son truc de miroir ?

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  • Valérie
    24 novembre 2010

    Vous comprenez mal mon propos.
    Si vous lisez l’ensemble de «mon oeuvre», vous comprendrez que j’aborde ce malaise qui gangrène nos sociétés comme un trait bel et bien réel de nos cultures occidentales… Je ne crois pas qu’elle délire, au contraire : elle était lucide. C’est en fait ce que je tentais de défendre par ce billet, il y a déjà deux ans. Cela dit, je n’aborde pas les récits comme de pures fictions, mais comme des constructions littéraires d’une certaine réalité. Je retournerai à mon livre pour voir ce truc de miroir, j’espère que vous ne laissez pas entendre qu’il y a bel et bien des entreprises qui font ainsi le commerce de la mort…

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  • Georges Tormen
    9 janvier 2017

    On lui doit un poème:

    Nelly

    Elle n’était pas comme les autres
    Elle n’était pas les autres
    Elle se sentait moins que les autres
    Elle était pourtant bien plus que d’autres
    Déjà au tout début
    Encore plus aujourd’hui qu’elle n’est plus

    Elle était née
    D’une existence dont elle questionnait
    Anxieusement le projet
    Dans les arcanes de la chair elle s’interrogeait
    Au bord du vide
    À l’orée du vertige et de l’impulsion
    Là où le plaisir et la douleur s’étreignent
    Au point de suffoquer
    Elle avait cédé
    Comme on cède à une tentation
    À une pulsion
    Pour s’éprouver

    Elle était née une seconde fois
    De la parole dont elle attendait
    Du labeur la délivrance
    Dans les circonvolutions de l’écriture s’aventurait
    À la limite du dit et du cri
    Là où le réel et l’imaginaire s’entrelacent
    Au point de défaillir
    Elle s’était abandonnée
    Comme on cède à une passion
    À une inclination
    Pour s’éprouver

    Elle s’était ouverte au regard des autres
    Emmaillotée qu’elle était
    Encore dans ses langes
    Arborait dans ses récits scabreux
    Dans ses personnages fictifs et délictueux
    Dans les anfractuosités même du « je »
    La féminité apostrophée

    C’est alors qu’elle connut l’opprobre
    De se livrer à l’écriture en public
    La nudité de ses écrits obsédait
    Les regards épidermiques des voyeurs
    Qui pistaient dans ses récits tapageurs
    De la jouissance le détail pervers
    Alors qu’elle par une contre-performance
    Qui faisait débander littérairement
    Traquait ses fantasmes dans le moindre dire
    Et malgré le réel qui lui échappait évitait le délire

    Mais il y avait une épreuve à surmonter
    Celle de l’illusion du vrai
    Du soi renvoyé dans le miroir
    De l’apparence de jeunesse à la beauté retrouvée
    Et du corps remodelé
    Par le scalpel de la chirurgie esthétique
    Elle plaidait pour la rédemption du corps
    À défaut de telle
    Exigeait sa réhabilitation plastique

    Car être tout naturellement
    Désirée désirante aimée aimante
    Fille sœur amie épouse mère amante
    Exigeait d’elle-même de faire sauter
    Les interdits de l’écriture voilée
    Qui bâillonne la femme mystifiée
    Ce qui était tout un challenge
    Faire table rase se réinventer réconcilier
    Sa vie son écriture sa blessure
    Sa lie sa déchirure sa césure

    Même si elle avait choisi de se distancer analytiquement
    De ce qu’elle avait exposé à tous les regards
    Le journal intime de son parcours
    Ses secrets d’alcôve
    Ses frémissements ses frayeurs ses erreurs,
    Ses afflictions ses fictions
    D’une manière certaine
    Elle continuait à écrire sa vie
    Et à vivre ses écrits
    Encore une fois elle avait tout dit
    De nouveau en elle le silence
    Immense intense lourd
    Impalpable invivable sourd
    Elle était seule

    Au bord du vide
    À la limite de l’instinct et de la volonté
    À la limite de l’impensé et du non-dit
    Là où le plaisir et la douleur se refusent
    Là où le réel et l’imaginaire s’abusent
    Elle a cédé
    Comme on cède à une tentation
    À une pulsion
    Un peu comme on se jette dans le vide
    En toute lucidité
    Pour s’éprouver

    Elle n’aura pas atteint la cinquantaine
    Elle n’aura pas eu oui-non d’enfants
    Elle n’aura pas habité la banlieue
    Comme ses amies
    Elle n’aura pas non plus exposé
    De ses nouveaux personnages
    Les nouvelles péripéties
    Pas davantage
    Et à jamais les mots pour incarner
    Sa vie son écriture sa blessure
    Sa lie sa déchirure sa césure

    Elle n’était pas comme les autres
    Elle n’était pas les autres
    Elle se sentait moins que les autres
    Elle était pourtant bien plus que d’autres
    Déjà au tout début
    Encore plus aujourd’hui qu’elle n’est plus.

    De Georges Tormen

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