La Corrida de l’amour et autres mauvais titres… que j’adore.

J’ai fait un peu de ménage récemment. Une grosse boîte m’est tombée dessus, bien pleine de romans Harlequins. J’ai pris quelques-uns et j’en ai ris un bon coup… un peu honteuse d’en avoir autant.

Et là les souvenirs se sont enchaînés: des après-midis passés dehors à lire ces histoires invraisemblables, des soirées à me vider le cerveau dans ces mondes imaginaires qui me faisaient du bien. Oui oui, il est vrai que le roman Harlequin célèbre et utilise tous les clichés possibles. De la jolie Brittany, femme de carrière, qui ne demande pas mieux que de se faire prendre sauvagement par Brock, homme chaud originaire de la Sardaigne qui doit procréer au plus sacrant pour avoir un fils et faire honneur à son vieux père teinturier… à la jeune et frêle Madison, tout juste sortie d’Alabama, qui est rongée par la honte de s’être laissée ensorceler par le karma espagnol de Fernando dans La Corrida de l’Amour lors d’un voyage entre filles. Bon. Juste le titre me fait rire. Mais toujours est-il que j’ai dévoré ce petit roman au moins deux fois entre mes 15 et 24 ans, et que toutes mes amies l’ont lu, soit pour en rire un bon coup ou pour juste lire une histoire abracadabrante et « cheesy » à l’os.

Le Roman Harlequin est-il anti-féministe ? Je ne crois pas que nous ayons besoin d’une thèse de doctorat pour nous en convaincre. Mais puisque les statistiques semblent démontrer que le public typiquement féminin aime ça, est-ce qu’on peut simplement réduire ce petit rituel de lecture à une contemplation envieuse de ce que nous ne serons jamais ?  Est-ce qu’ensuite on a raison de se plaindre qu’il est difficile de se contenter de son quotidien ?  (Celle là elle est tirée par les cheveux, je vous l’accorde)

Je caricature. Le roman Harlequin, avec les années, s’est « modernisé ». Il n’est presque plus rare de voir un personnage masculin qui élève son enfant seul, une femme PDG et ‘froide’ (mais bien sûr qui fait du dénie car elle ne souhaite que se laisser aller dans les bras de King, le pas-trop-riche fermier australien). À qui s’adresse le roman Harlequin ? Pourquoi est-il si populaire ? Son évolution et la variété des collections offertes par cette maison d’édition d’origine canadienne (Toronto, précisément) et maintenant française, laisse croire que de génération en génération il trouve preneuse. En lisez-vous, parfois ?

Il est difficile de parler du Harlequin sans tomber dans l’exagération, dans le sarcasme, mais au fond… je l’aime bien, King le fermier. Et Candy la mannequin de New York, sans oublier Brock le chaud lapin de Sardaigne… mais le Harlequin reste un petit péché qui fait tourner la roue patriarcale et qui réduit, au moins à chaque page, le rapport homme/femme (oui oui, ce n’est encore que pour les hétéros…) à un combat charnel et à des jeux de pouvoir mal équilibrés.

Et vous ? Qu’en pensez-vous ? Devrions-nous bannir ces romans ? Les aimer tout simplement ? Ou devrions-nous plutôt chercher à « comprendre » et à expliquer le petit bonheur qu’ils procurent à plus de 12 millions de lectrices ?

J’ai toujours ce drôle de rapport à la littérature dite « féminine »… j’ai l’impression d’imposer des idées et d’être terriblement arrogante quand je dis à ma mère, ou à ma tante: « Mais pourquoi préfères-tu Danielle Steel et Mary Higgins Clark à Anne Hébert ?! » … vivre et laisser vivre, peut-être ? Je n’ai pas encore de réponse à ce questionnement, mais ça fait longtemps que je me contente de les encourager à simplement lire ce qu’elles aiment tout en restant critiques et à relativiser en me disant que… je vais aller m’acheter un bon Harlequin chez le libraire de livres usagés.

8 Comments

  • Stéphanie
    1 novembre 2009

    Je ne crois pas que l’on doive bannir les romans Harlequin, même si je trouve qu’ils sont encore moins intellectuels que des derrières de boîtes de céréales! 😀 Chaque genre littéraire a le droit d’exister même si je trouve que c’est une perte de papier et de temps.

    Cela dit, je ne crois pas que « …le public typiquement féminin aime ça », mais plutôt que le lectorat de Harlequin est surtout féminin, grosse nuance! Nous sommes beaucoup à ne pas être attirées par les nombreux clichés de ces « soaps » écrits.

    Lorsque j’étais en secondaire 5, j’ai fait un exposé oral sur les romans Harlequins, plus précisément sur les raisons expliquant pourquoi je ne les aimais pas (clichés, stéréotypes sexistes, manque d’originalité, etc). J’avais l’impression qu’une fois qu’on en a lu un on les as tous lus.

    Il m’arrivait de lire des romans pour adolescentes où il y avait une histoire d’amour cul-cul parrallèle à l’intrige principale mais je ne pouvais jamais embarquer complètement dans l’histoire parce que je passais mon temps à me dire « Ben voyons, elle va pas l’embrasser, elle viens de le rencontrer! » ou « Elle va quand même pas le laisser piquer sa crise de jalousie sans réagir! » ou autres réflexion du genre. 🙂

    Bref, ce n’est vraiment pas dans mes goûts. mais c’est vrai que ça doit être comique à lire entre amies pour se moquer des clichés! Un peu comme de regarder « L’amour a ses raisons »…

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  • Isabelle N.
    2 novembre 2009

    J’ai pour ma part deux excellents souvenirs lies aux romans Harlequin: dans mon ancienne vie, j’étais libraire, et je me portais toujours volontaire pour refaire l’ordre alphabétique du petit tourniquet de ces romans : des heures de plaisir! Je sais qu’on ne doit pas juger un livre à sa couverture, mais c’est fascinant d’en voir plusieurs du même coup : les titres et les images très mal photoshoppées sont à se tordre de rire!

    Mais d’un autre côté, j’ai passé tout un été avec ma grand-mère aux Iles de la Madeleine à lire toute sa collection (une fois que j’eu fini mes Lucy Maud Montgomery, sur laquelle on pourrait avoir un autre débat féministe) et c’est un souvenir précieux, comme ma chère grand-maman est décédée peu après.

    Une prof de français nous a fait lire au secondaire un article dénonçant le manque de réalisme de ces romans, plus spécifiquement dans leur représentation de la sexualité. C’était troublant de lire certaines scènes plutôt brutales dans lesquelles Kittie tentait de résister tant bien que mal au charme de Brett, mais finissait par se laisser aller au plaisir d’être dominée par lui. Gulp…

    Je crois cependant que les temps changent et que cette entreprise s’ajuste. Il y a toutes sortes de collections aujourd’hui, dont une plus humoristique, Red Dress Inc, dans laquelle j’ai lu, tenez-vous bien, un roman à la fin duquel la fille choisissait de rester célibataire! Révolutionnaire, je sais.

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  • Marie-Elaine
    2 novembre 2009

    Je pense qu’on peut lire des romans Harlequin sans s’empêcher de voir leurs failles ou leurs limites. On peut tirer du plaisir de certaines lectures, même si elles font tiquer notre sens critique!

    Je n’en ai moi-même jamais lu, mais je peux facilement établir un parallèle entre ce genre de romans et les vieux Sweet Valley High et Frissons que je relis depuis quelques années avec bonheur (merci, Village des Valeurs). Des héroïnes pour qui le paraître et « aller à la danse avec le garçon le plus populaire de l’école » est le but ultime de leur existence… Pourtant, j’ai un plaisir fou à dévorer ces petits livres de 200 pages ou moins. On y retrouve une exploration de la sensibilité et de (l’éveil de) la sexualité féminine tels que peu d’autres médiums le permettent. Je prends également un malin plaisir à voir jusqu’où l’auteur-e ose pousser les clichés…

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  • Tanya
    3 novembre 2009

    Même si, comme tu le dis, pas besoin de faire une thèse de doctorat pour savoir que les romans Harlequins ne sont pas féministes, je pense qu’il ne sont pas dangereux précisément à cause de leur manque de réalisme. Même si les couvertures sont retouchées, les positions et les situations dans lesquelles se trouvent les protagonistes sont si extravagantes qu’il est difficile d’y croire. Même chose pour les histoires abracadabrantes qui leur arrive. Dans cette mesure, autant les lire et se divertir innocemment avec un peu d’exotisme, puisque c’est tellement évident que la vie, ce n’est pas «ça».

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  • suzanne
    6 novembre 2009

    Tanya écrit: puisque c’est tellement évident que la vie ce n’est pas  » ça  »

    je suis grand-mère je n’ai jamais lu de roman Harlequin, mais , les films américains de mon temps m’ont fait rêver….trop
    je sais que les jeunes filles d’aujourd’hui sont beaucoup plus évoluées, je me demande si ces histoires sont aussi innocentes qu’on peut le croire….? Vous vous exprimez bien les filles…bravo

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  • Jean-Philippe B.
    10 novembre 2009

    Personnellement,j’ai découvert ces romans par le sketch de Dany Boon, puis par ma prof de Français à l’occasion d’un cours sur Madame Bovary,j’en ai lu un ou deux(de la collection Luna),c’est vrai que ça ne monte pas haut mais toutes les femmes ne sont pas des Kévina ou des Bovary,c’est à prendre à un certain degré…

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  • edlinefree
    5 janvier 2010

    L’offre de littérature érotique à destination des femmes me semble réduite.
    Je ne suis pas sure que le lectorat des Harlequin et autres romans roses soit uniquement féminin, pas plus que le visionnage de films porno soit uniquement masculin,
    mais j’aime à croire que la spécificité de chaque sexe pourrait etre un facteur d’émancipation de l’autre (sexe).
    Ceci dit, je classerais plutot Harlequin dans de la littérature érotisante jouant sur des fantasmes que l’on prete traditionnellement aux femmes ( sans doute blanches, d’éducation catholique, hétérosexuelles strictes, classe sociale à déterminer)et qui sont le plus souvent passifs et répondant à leur équivalents masculins.
    Je vais chercher sur votre excellent blog s’il y a une discussion sur le sujet de la littérature érotique féminine au cas où je serais trop hors sujet dans celui-ci.
    Permettez-moi aussi de vous remercier pour cet espace de liberté 🙂

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  • Marie-Eve
    25 mars 2010

    À lire, si le sujet vous intrigue (et si vous comprenez l’anglais): Reading the Romance: Women, Patriarchy, and Popular Literature

    L’auteure explique que les lectrices d’Harlequin opère une subversion, puisqu’elles peuvent imaginer les personnages autrement (par exemple, s’imaginer être le Brett-tout-puissant plutôt que la jeune Kittie, ou alors, que la femme PDG froide est une femme racisée). Je n’ai pas eu l’occasion de lire Reading the romance au complet, mais si ces livres Harlequin vous semblent anti-féministes, il est peut-être bon de reconsidérer/nuancer vos propos avec cet ouvrage… Très intéressant comme vision !

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