Antichrist ou misogynie cinématographique

Antichrist de Lars von Trier. Un amalgame d’images cauchemardesques vous donnant la nausée, vous détournant d’Orphée, vous frappant au visage. Je partage l’avis selon lequel Antichrist est un antifilm.

La perversité de cette « œuvre » ne repose pas tellement dans sa violence graphique, mais plutôt dans son propos diffus, difficile à circonscrire. Le synopsis, un reflet des visions horrifiques du réalisateur, est révélateur: un couple, Willem et Charlotte (incarnés par Willem Dafoe et Charlotte Gainsbourg) font l’amour alors que leur enfant se défenestre. Charlotte sombre dans la folie et fini par castrer son mari.

C’est la misogynie perméable à ce film qui dérange et traumatise. La succession de scènes dans lesquelles Charlotte sombre dans la folie et agresse violemment son mari semblent confirmer la nature dérangée et castratrice de la femme. Et si telle n’était pas l’intention du réalisateur, alors pourquoi présenter délibérément une image dégoûtante (voir animale) de l’accouchement, intégrer le symbole féminin () au titre « Antichrist », faire référence à l’Eden, et finalement, exploiter le tabou de la mère insensible à son enfant? Par ailleurs, la dichotomie des sexes se révèle intrinsèque au film alors que la première scène présente explicitement les organes génitaux du mari et de la femme et que, de la même manière, Willem en Charlotte finissent avec les organes génitaux tranchés.

Au regard de sa violence et de son propos vide, Antichrist de Lars von Trier laisse un goût amer. Au nom de l’art, on nourrit l’image de la femme castratrice, cinglée. La misogynie se présente franche, déconcertante.

Je vous invite à lire l’excellente chronique de Nathalie Petrowski sur la représentation misogyne de la femme dans le septième art.

On a longtemps cru que les misogynes étaient une espèce en voie d’extinction. Espérons que ce qui se passe en ce moment un peu partout dans le monde n’est qu’un dernier râlement avant leur disparition.

Quelles sont vont réactions à Antichrist?

15 Comments

  • madtv
    14 novembre 2009

    étrange ce film esperont que la distortion que l’on voit reste un divertisement

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  • Stéphanie
    14 novembre 2009

    On dirait que ce film véhicule un autre message, soit qu’une mère est coupable aussitôt qu’elle délaisse, ne serais-ce qu’un instant, les tâches liées à son « rôle » maternel.

    Il faut bien sûr faire ici abstraction du fait que la sexualité est nécessaire pour concevoir un enfant. Dans l’imaginaire collectif, la mère est encore désexualisée, elle ne peut donc pas vouloir du sexe et encore moins le vouloir pour le plaisir.

    C’est encore le bon vieux trio vierge/maman/putain. Si vous n’êtes plus vierge, vous ne pouvez être que « maman » ou « putain ». La maman est punie symboliquement parce qu’elle s’est abaissée au rang de « putain », en plus d’être castratrice.

    Elle ne pas l’amour toute seule lorsque son fils se défenestre mais la responsabilité de l’homme dans le rapport sexuel est évacué pour mieux souligner la culpabilité de la femme. Le couple « homme et femme » souffrant de la mort de leur enfant devient un couple composé d’une femme coupable et folle qui mutile un homme innocent.

    De plus, la mère désexualisée étant traditionnellement « pure » dans l’imaginaire collectif, la mère sexualisée doit donc être représentée comme quelque chose de dégoûtant. C’est peut-être pour cette raison que l’accouchement est présentée comme un acte répugnant alors que tout le monde s’entend habituellement pour trouver que c’est une belle chose.

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  • Sara
    14 novembre 2009

    absolument daccord, stéphanie.

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  • Philippe
    14 novembre 2009

    ATTENTION des parties du film sont dévoilées dans ce qui suit
    J’ai vu le film hier, donc ma réflexion n’est pas encore achevée, mais voici quelques pistes lancées comme ça.
    Le film est assez provocateur, mais n’est pas à mon avis l’équivalent de Salo de Pasolini ou de films extrêmes dans l’image. Je crois que son contenu est en fait plus dérangeant aux premiers abords, car il personnifie la femme comme étant le mal. Cependant, je crois qu’avec un peu d’analyse, nous pouvons relativiser.
    « She »(on ne nomme jamais le personnage de Charlotte Gainsbourg, peut-être pour la rendre représentante de la gente féminine) est constamment dominée pas « He », Willem Dafoe. Elle est extrêmement sentimentale, il est trop rationnel. Elle est en constante recherche d’attention de sa part. Nous pourrions même prétendre que la source de ses maux vient du fait qu’il la néglige et cela pourrait expliquer le pourquoi de ses actions. Elle « laisse » son enfant mourir durant l’acte sexuel (alors qu’elle a manifestement son attention), elle ne lui permet pas de partir – littéralement – , elle en vient même à vouloir le tuer, car elle sait pertinemment qu’il veut la quitter, chose qu’elle ne tolèrera pas. Simple maladie mentale ou symbolique de quelque chose de plus profond? Parions sur la deuxième hypothèse.
    Le film montre par ailleurs qu’elle étudie en vue de terminer sa thèse sur le gynocide. Après plusieurs lectures, elle en conclue que les hommes ont raison de tuer toutes ces femmes, car ce sont ces dernières qui en fait sont le mal. Elle se laisse donc berner par une idéologie déviante. C’est à ce moment qu’elle commence à perdre la raison: elle ne sait plus écrire, elle entend des voix, etc. Elle réalise ainsi le fait qu’ELLE est la source de tous ses maux, étant une femme…
    Anti christ (au lieu de Dieu), une vision où la femme serait au centre de cette idéologie? Comme Edenne le mentionne, le titre explicite ce fait. Je crois qu’il est légitime de croire que Von Trier ne tend pas vers une misogynie pure et simple. Il n’en fait pas non plus l’apologie, mais la critique. Il le fait principalement par la nature elle-même, élément neutre pouvant être perçu différemment selon la vision des choses. Pour la misogynie véhiculée par Gainsbourg, la nature est en fait l’œuvre du diable, donc oui l’accouchement est quelque chose de mauvais et ce qui se produit dans les bois est mauvais. Les trois animaux tuent d’ailleurs leurs propres enfants, ce sont donc trois mères. Le renard dit cependant que le chaos règne… il est donc légitime de se demander si cela est la normalité ou simplement une réaction de la vision misogyne des choses. N’oublions pas que ces trois animaux, qui au départ ont tué leurs enfants, sont finalement ceux qui aideront Dafoe à tuer la femme, celle qui s’est convertie au mal, à la misogynie. D’ailleurs, lorsqu’il la tue, l’épilogue du film montre toutes les femmes tuées par ces gynocides revenir à la vie. La « nature » reprendrait-elle le dessus ?
    Comme je l’ai dit, j’ai vu le film hier, donc je ne suis pas convaincu de ce que j’avance, mais honnêtement, je vois mal le film être un réquisitoire sur la misogynie. Peut-être suis-je trop optimiste ou trop naïf, mais bon.
    Également, il ne faut pas oublier que c’est elle-même qui tue son enfant, comme l’arbre tue ses graines par centaines, ou les trois animaux qui font la même chose. Donc je ne crois pas qu’on peut qualifier le film sous le regard d’une femme qui délaisse son rôle de mère, car elle laisse son enfant mourir, ce qui est très différent.
    Qu’en pensez-vous?

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  • Thomas
    15 novembre 2009

    Il m’apparaît injustifié de condamner ainsi Lars von Trier.

    Antichrist, comme la plupart des films du réalisateur danois, met en scène un personnage féminin en intense souffrance. Ceci étant dit, Antichrist ne possède pas la pofondeur de Dancer in the Dark, ou de Dogville. Lars von Trier en est parfaitement conscient.

    Il s’amuse donc à obséder les spectacteurs en les gavant de symboles ésotérico-érotico-machins, lesquels ne font que cacher la véritable nature du film: un « trip » de direction photo, doublé d’une vision personnelle d’une descente aux enfers psychologique.

    Au final, l’expérience mérite d’être vécue, mais ne correspond pas, à mon avis, à une quelconque démonstration mysogine.

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  • Anne-Marie
    16 novembre 2009

    Je trouve assez facile de faire le procès de Von Trier sous prétexte qu’il représente une femme folle et violente. Au contraire, j’ai beaucoup apprécié les parallèles entre folie et nature délirante, sorcellerie et corps grotesque… c’est du pur romantisme! Castration, oedipe, meurtre du fils… Von Trier est un réalisateur dérangeant qui a inscrit son film dans une spirale freudienne. Tout ça est tellement grotesque, je ne peux pas m’empêcher de croire qu’il y a une certaine ironie derrière un renard qui dit que le chaos règne en regardant la caméra. D’ailleurs, le public était hilare au FNC. Bref, à mon avis, rejeter Antichrist et son réalisateur pour sa mysoginie – il y aurait de toutes façons beaucoup d’autres raisons de ne pas aimer le film – c’est manquer un peu de recul.

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  • Marie-Anne
    16 novembre 2009

    Je n’ai pas vu le film Antichrist (et je pense bien m’épargner cette expérience). Cela dit, le commentaire d’Anne-Marie m’a accrochée. Elle soutient que le film de Trier ne peut qu’être ironique vu la grossiéreté du symbolisme, des références freudiennes, du renard parlant etc.

    Je suis d’avis que l’ironie a le dos large. Au risque d’être prise pour une féministe sans humour, je crois foncièrement que l’on tente souvent d’éviter des débats (pas ici, en général) sous le prétexte qu’une oeuvre d’art, de cinéma, de photo etc. est ironique. L’ironie est une arme à double tranchant. Il faut savoir très très bien l’utiliser pour passer un message et que ce message soit compris. Je sens une confusion dans le cinéma d’aujourd’hui entre grossièreté et ironie. Le fait de mettre des éléments grossièrement en évidence est-il pour autant ironique ou symbolique ?

    La violence peut-elle être traitée de manière ironique ? Ou n’est-ce que de la provocation, comme Edenne le soutient ?

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  • Anne-Marie
    17 novembre 2009

    @ Edenne : Ta sélection de « nombreux critiques » repose sur deux journalistes de La Presse, dont un qui détaille chaque semaine les excitantes tribulations des participants d’Occupation Double. Plusieurs autres « nombreux » ont posé une analyse différente sur le film :
    1. Martin Bilodeau (Le Devoir), « La révolution spirituelle de Lars Von Trier »
    http://www.ledevoir.com/culture/cinema/273022/la-revolution-spirituelle-de-lars-von-trier
    2. Jacques Mandelbaum (Le Monde), « Lars Von Trier organise le chaos du couple »
    http://www.lemonde.fr/festival-de-cannes/article/2009/05/19/antichrist-lars-von-trier-orchestre-le-chaos-du-couple_1195068_766360.html

    @ Marie-Anne : Je me suis peut-être mal exprimée, mais je ne prétends pas que Antichrist ne peut être qu’ironique parce qu’excessif. C’est seulement qu’en tant que spectatrice, je comprends le film en rapport à un ensemble d’oeuvres du réalisateur danois, qui a toujours eu une posture ironique, perverse, dérangeante (je pense aux Idiots, qui pourrait être analysé comme une insulte directe aux déficients mentaux)… et franchement ironique. Je continue à lire le film comme une fable sanglante, « entre le fantastique et le conte d’horreur  »grimmeux » » (Bilodeau).

    Von Trier est un auteur extrêmement réflexif, ultra-conscient des mécanismes du (et de son) cinéma. Je persiste à croire que le condamner sans bémol pour ses représentations de folles-martyres, c’est manquer un peu de recul, oui. Il existe un tas de productions culturelles beaucoup plus dangereuses et moins réfléchies, à mon avis.

    … et vous voulez rire? Tout ça vient d’une étudiante à la maîtrise en cinéma… avec une spécialisation en études féministes : )

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  • Isabelle N.
    17 novembre 2009

    J’ai moi aussi lu plusieurs fois le mot « mysogine » en référence soit au film, soit au réalisateur, ici entre autre:

    http://www.lecinema.ca/critique/1710/

    Cela dit, je suis d’accord pour dire qu’il ne suffit pas de montrer une femme sombrant dans la folie pour mériter cette épithète.

    Et comme Marie-Anne, je pense que je vais m’épargner cette expérience!

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  • Anne-Marie
    17 novembre 2009

    Mon problème avec votre argumentaire, c’est qu »exploiter le tabou d’une mère insensible à son enfant », utiliser le symbole ♀ dans le titre ou baser son intrigue sur la dichotomie des sexes, dans mon cas je ne trouve cela ni misogyne, ni antiféministe. On peut questionner des choix filmiques, oui, mais rejeter en masse un « n’importe quoi cinématographique » sous prétexte de misogynie, c’est se priver d’un questionnement de fond. Au même titre que je ne renie pas l’oeuvre Polanski.

    Je ne vis pas mon féminisme par ce type de procès ou dans la condamnation unilatérale, tout simplement.

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  • aurélie
    20 novembre 2009

    je trouve le film très mauvais mais je suis foncièrement contre toute forme de censure qu’on évoque ici à demi-mot.

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  • sainkho
    1 août 2011

    je suis d’accord avec Philippe… très sensible à la misogynie que j’appelle plutôt gynophobie, j’ai adoré antechrist et n’ai pas du tout trouvé ce film misogyne… au contraire… il joue sur les peurs masculines… et nous les offre en spectacle… l’homme est tout autant responsable de la mort de leur enfant… et en effet toutes ces femmes qui engloutissent l’homme à la fin : peur de la nature qu’on a diabolisé et la femme avec… etc… je n’ai pas vu la misogynie vraiment pas… je trouve le personnage de l’homme même assez désagréable et prédateur, et je pense que le choix d’un william dafoe n’est pas innocent… il cherche sans arrêt à la contrôler elle etc…

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