L’égalité sur les bancs d’école: Mythes et réalités

On entend beaucoup parler ces jours-ci des taux d’échecs scolaires chez les garçons, et de la diminution – eu égard aux dernières années – de la proportion d’hommes dans les universités. On propose à gauche et à droite toutes sortes de solutions.

À la recherche d’explications – et de solutions – à ce phénomène, on pointe du doigt la réussite scolaire des filles, et, au niveau universitaire, l’enrôlement massif des femmes. Notamment, on suggère fortement que le système d’éducation se serait trop « féminisé » pour que les garçons y réussissent et choisissent d’entreprendre des études post-collégiales. On prétend que le fait de s’asseoir pendant des heures dans une salle de classe, à écouter un professeur parler, à obéir à des consignes et à être évalué objectivement est une méthode d’apprentissage qui favorise nécessairement les filles, parce que modelée sur leur « caractère » et leur « façon d’apprendre ».

Je m’excuse, mais toute cette histoire, c’est de la merde.

Premièrement, est-ce qu’on peut sortir de cette attitude patriarcale et s’enlever de la tête une bonne fois pour toutes que, juste parce que les femmes – ou les filles – réussissent quelque chose et prennent leur juste place dans la société, ça ne menace pas nécessairement les hommes? C’est justement ça, le principe de l’égalité: tout le monde est égal, a la même valeur, personne n’est supérieur moralement à l’autre. Suite à un article récent dans le Globe and Mail, qui parlait du fait que dans certains programmes universitaires au Canada, la proportion d’étudiantes atteignait presque les 80%, les éditeurs du Globe ont cru bon d’en rajouter dans un éditorial sur le même sujet. On y suggérait que, faute de remédier à ce « déséquilibre » en favorisant (!) les hommes de race blanche (!!), un groupe social maintenant défavorisé (!!!), on pourrait assister à de véritables cataclysmes sociaux, tel que (I shit you not), la fin de la famille telle que nous la connaissons. La logique derrière cette affirmation? Ben là, les femmes ne se marieront plus pour procréer, car il n’y aura plus d’hommes également ou (encore mieux!) davantage éduqués qu’elles…

(Parce que s’il y a une caractéristique de « la famille telle que nous la connaissons », c’est bien l’infériorité professionnelle et éducationnelle de la femme… Après tout, on aime tellement ça se sentir dominées dans le couple!)

Maintenant, remarquez bien qu’à chaque fois que la patriarchie (et la définition sociale des genre que prône cette idéologie) se sent menacée, des groupes anti-féministes nous sortent l’épouvantail de la destruction de la famille… Récemment, il y avait le mariage gai (c’est donc épeurant l’idée de l’égalité dans le couple!). Avant, c’était l’avortement, la prohibition du viol entre conjoints, la contraception, l’indépendance financière de la femme mariée, le droit de vote…

Qui l’eut cru, la terre tourne encore!

L’autre élément de ce « débat » qui m’énerve au plus haut point est l’hypocrisie derrière la mobilisation en faveur des garçons. Oui, je suis à 100% d’accords que tous les élèves – garçons et filles – devraient avoir toutes les chances derrière eux pour bien réussir à l’école, et apprendre à aimer l’effort, le travail et l’étude afin de devenir plus tard de bons citoyens productifs. On prétend qu’on aurait indûment favorisé les filles en adoptant des méthodes pédagogiques « féminines » et en laissant majoritairement les femmes enseigner à nos enfants.

De un, dans le bon vieux temps du cours classique et de l’école avec les bonnes soeurs et les Jésuites, la seule méthode pédagogique, c’était de s’asseoir sur sa tite chaise en bois pas confortable, de se la boucler et d’ouvrir grand ses oreilles. Gare au petit énervé qui voulait courir partout et sauter sur place au lieu de se pencher sagement sur ses déclinaisons latines ou son catéchisme. À cette bonne vieille époque, les filles réussissaient moins bien que les garçons à l’époque, et les femmes à l’université étaient une rareté.

L’explication vintage pour ce phénomène n’était pas que le système d’éducation était trop adapté aux garçons. Non. C’était les femmes qui, naturellement, étaient stupides et inférieures intellectuellement aux membres du sexe fort.

Ce qui a changé depuis le temps, c’est que les femmes et les filles, petit à petit, se sont faites une place sur les bancs d’école. Et – malheureusement – comme dans bien des domaines, on dirait que les hommes ont pris cette avancée féministe non pas comme la chance de partager davantage de sphères de leur existence avec l’autre moitié de la population, mais plutôt comme un envahissement de leur rôle traditionnel. Soudainement, on dirait que les hommes ont abdiqué leur droit d’être performants à l’école, d’être instruits et – surtout – de valoriser l’éducation. De caractéristique valorisée comme typiquement masculine, l’éducation est devenue une caractéristique féminine.

Honnêtement, combien de gars un peu nerds ou juste bons à l’école se sont faits traiter de « fifs », de « tapettes », etc.?

Une étude récente (également mentionnée dans le Globe and Mail il y a quelques semaines, j’ai par contre égaré le lien) faisait état de la réussite scolaire comparée chez les garçons et chez les filles, par origine ethnique et intégration à la société canadienne. Les résultats démontraient de façon fort intéressante que les taux de réussite chez les deux sexes est le même chez les enfants asiatiques de première ou deuxième génération.

Comme quoi le problème se situe – encore une fois – dans la classification (masculine vs. féminine) des valeurs véhiculées par notre société.

Si nous voulons que tous nos enfants aient la même chance de réussir dans leur parcours académique, nous devons impérativement nous défaire de cette dichotomie handicapante. Nous devons rechercher constamment l’égalité. Le féminisme, à mes yeux, est une des voies menant à cette fin, en ce qu’il vise – par-dessus tout – le droit de tous et chacun, indépendamment de son sexe, de vivre selon ses valeurs et ses caractéristiques individuelles.

11 Comments

  • Marie-Hélène
    13 décembre 2009

    Wow! Merci d’avoir abordé le sujet de façon féministe!

    Il y a un point que tu as peu abordé, mais qui s’intègre bien à cette critique. On parle de plus en plus de programmes et de façon d’intégrer les garçons à l’école, notamment en valorisant la non-mixité (pauvre petits, à l’adolescence ils seraient dérangés par l’allure des filles) et en voulant différencier les styles d’apprentissage (plus de sport pour les gars, de la compétition, etc).

    Bref, ces arguments s’appuient sur le fait que les filles et les garçons seraient différents de nature… Comme quoi les stéréotypes ont la vie dure!

    J’ai l’impression que ce discours envahit de plus en plus nos écoles et nos médias. Et j’ai de la peine de m’entendre dire en classe que mon action en tant qu’enseignante ne permettra pas aux garçons réussir car je suis une femme. J’ai peur aussi pour ces petites filles qu’on décrit comme étant calmes, sages et obéissantes. Ce ne sont pas des qualités qui mènent très loin… et c’est pourtant celles qu’on leur attribue de nature.

    Aussi, pour celles que ça intéresseraient, Condition féminine Canada a publié en 1997 un mémoire sur la manière dont les discours masculinistes ont envahi la réussite scolaire des garçons.

    [Commentaire hors-sujet? Abusif? Spam?]

  • piquoi
    13 décembre 2009

    vous devriez être contentes que les filles réussissent mieux à l’école, non ?

    ça n’a pas l’air d’être le cas !

    En France, nous avons droit au discours inverse. Les filles réussiraient moins dans les filières scientifiques et techniques parce que le fameux système patriarcal ne leur inculque pas l’esprit de compétition.

    Comme quoi à thèse fumante, thèse fumante et demie !

    [Commentaire hors-sujet? Abusif? Spam?]

  • Marie J.M.
    14 décembre 2009

    Oui, je suis contente que les filles réussissent bien à l’école (mieux n’est pas nécessaire, je ne tirerais pas ombrage que les garçons réussissent bien eux aussi).

    Ce que je trouve pesant (je suis enseignante), c’est lorsque l’on explique la faible réussite des garçons par la présence de profs féminins et par l’utilisation de techniques d’enseignements qui favoriseraient les filles parce que plus passives. Un gars réussit, c’est qu’il a travaillé ; une fille réussit c’est parce qu’elle est favorisée par le système d’enseignement. De plus, on déresponsabilise le gars de ses difficultés: s’il échoue c’est la faute des enseignantes et de leur façon d’enseigner.

    [Commentaire hors-sujet? Abusif? Spam?]

  • Imace
    14 décembre 2009

    @ Piquoi : Non.

    Les filles en France ne réussissent pas moins dans les filières scientifiques et techniques, quand elles s’y trouvent, elles ont des résultats aussi bons que ceux des garçons.
    Le discours critique des féministes, c’est « elles sont découragées de s’orienter vers ses filières ». Et le problème, c’est qu’in fine ce sont celles qui rapportent le plus en terme de rémunérations.

    Anecdote au passage : mon prof de physique m’a mis 8/20 pendant 2 ans, à tous les contrôles en 1ère et en terminale. Y compris un jour où j’avais recopié la copie d’un voisin abonné aux 17, et lui la mienne. J’ai pourtant eu encore 8^^.
    Il me disait que je n’avais rien à faire dans une filière scientifique, que je ne réussirai jamais. Qu’il ne comprenait pas ce que je faisais dans sa classe. J’ai répondu « moi non plus », j’ai séché les 3 derniers mois de cours.

    Comme je suis une élève sérieuse et brillante, j’ai bossé chez moi. J’ai eu 15 au bac en maths, 15 en physique, 14 en bio, 17 en maths spé. Et la mention bien. Et mes notes en maths m’ont permis par la suite de réussir les concours d’entrée à mon école de commerce.

    Oui, mais voilà. Entre temps j’ai renoncé à faire une prépa scientifique pour m’orienter vers une carrière scientifique. A cause d’un con parmi mes profs, et du désintérêt de mon entourage qui n’a pas contrebalancé son influence néfaste.

    C’est ça, que les féministes reprochent au système français. Les attitudes qui vont presser les filles massivement vers des études moins rémunératrices.

    Ca s’appelle le plafond de verre : ça a permis de faire coexister 20 ans de meilleurs résultats scolaires des filles (plus nombreuses à réussir le bac, à faire des études universitaires, études en moyenne plus longues que les garçons) avec le maintien d’inégalités professionnelles criantes (car on s’arrange pour les envoyer vers des filières dévalorisées et on dévalorise les filières les plus féminisées).

    En conclusion, je vais contrefaire l’adage présidentiel : « être une fille, c’est travailler plus pour gagner moins ».

    [Commentaire hors-sujet? Abusif? Spam?]

  • Isabelle N.
    14 décembre 2009

    Comme dit Marie JM, le problème réside plutôt dans l’explication qu’on donne de cette non-réussite scolaire des garçons. Si les garçons vont mal, c’est la faute du système, forcément, pas de la leur!

    Je vous partage l’avis d’un ami enseignant: le problème, selon lui, est qu’on n’enseigne plus aux garçons la valeur du travail et de l’effort. Tout est censé être facile pour eux: quand on demande aux enfants ce qu’ils veulent faire dans la vie, les petites filles répondent « médecin » en étant conscientes que cela nécessite beaucoup d’études et d’efforts. Les petits garçons, eux, veulent être Spiderman et ne sont pas intéressés par les études!

    Évidemment, comme ils passent leur temps devant les ordinateurs et les jeux vidéos au lieu d’aller jouer dehors, rien d’étonnant à ce qu’ils soient si nombreux à avoir des troubles d’attention en classe! Et cela a peu à voir avec le nombre d’enseignantes femmes!

    Mais comme dit mon ami, enseignant à Montréal depuis 10 ans: le problème, souvent, ce ne sont pas les enfants, mais plutôt les parents…

    [Commentaire hors-sujet? Abusif? Spam?]

  • piquoi
    16 décembre 2009

    @Isabelle

    vous concluez par  » …Mais comme dit mon ami, enseignant à Montréal depuis 10 ans: le problème, souvent, ce ne sont pas les enfants, mais plutôt les parents…  »

    oui mais plutôt la faute de la mère ou du père ???

    [Commentaire hors-sujet? Abusif? Spam?]

  • Marie-Anne
    16 décembre 2009
  • Isabelle N.
    16 décembre 2009

    Je crois que Piquoi devrait remporter la palme d’or de la question inutile et stupide.

    [Commentaire hors-sujet? Abusif? Spam?]

  • Marianne
    16 décembre 2009

    Ahahaha! C’est tellement drôle, j’ai envie de laisser ce commentaire inutile juste pour rire…

    🙂

    [Commentaire hors-sujet? Abusif? Spam?]

  • Caro
    18 décembre 2009

    J’avoue…
    Moissi!!!

    Non, mais!
    Pour revenir au thème de l’Article:
    Je trouve intéressant d’aborder le double-standard entre les réussites et leurs causes. Encore une fois, on assiste à une valorisation du travail masculin…

    En ce qui concerne la driscrimination positive, afin d’attirer plus de gars en enseignement… Je pense que c’est de mal poser le problème. Si les gars n’y vont pas c’est que c’est mal accepté et surtout mal payé! De plus, ils ont peur des poursuites pour pédophilie… Il faudrait donc REVALORISER ce champ de compétence et que l’on accepte socialement qu’il y ait des hommes SEULS dans une classe avec nos enfants!

    [Commentaire hors-sujet? Abusif? Spam?]

  • jean-michel
    23 décembre 2009

    En France on a aussi un peu le même phénomène qu’au Quebec mais moins accentué car les jeunes hommes dominent encore certaines formations prestigieuses qui mènent aux fonctions de pouvoir (grandes écoles scientifiques, ecole nationale d’administration..);
    Néanmoins, la tendance est claire à savoir une progression constante de la part des filles dans le cursus scolaire et universitaire ainsi que dans l’accès aux carrières accessibles par concours (ou la discrimination sexiste est beaucoup plus difficile), y compris dans les bastions masculins traditionnelles (ex: progression fulgurante des jeunes femmes dans la police où elles constituent plus de la moitié des nouvelles promotions d’officier(e)s et de commissaires de police).

    Ceci dit il faut faire attention aux statistiques : parfois certaines professions se féminisent parce que les hommes les plus ambitieux et doués fuient certaines professions qui se dévalorisent financièrement (enseignement, santé, en France y compris pour les médecins, en particulier les généralistes..)
    Inversement les secteurs les plus rémunérés dans la finance, le droit (grands cabinets d’affaire), le sport (qui ne demande pas d’étude poussée) restent très masculins.

    Et puis pour le Québec et le Canada en général je me demande s’il n’y a pas un facteur spécifique, à savoir la forte proportion d’emplois manuels bien payés dans des secteurs très importants chez vous comme les mines, l’exploitation forestière etc qui sont surtout occupés par des hommes; il y a peut-être quelque part un reste de schéma trappeur/aventurier/chercheur d’or/chasseur qui demeure forte dans l’imaginaire des jeunes hommes chez vous et qui valorise autre chose qu’un cursus scolaire brillant débouchant sur des métiers « intellectuels ».

    [Commentaire hors-sujet? Abusif? Spam?]

Post a Comment