Femmes, prise de parole et visibilité

C’est suite à une chronique de Nathalie Petrowski, Chapeau, les filles (Cyberpresse du 16 janvier 2010), portant sur trois dramaturges québécoises, que je me suis demandée si la situation des femmes au théâtre en tant qu’auteures était à ce point dramatique qu’il faille en faire mention.

J’ai fait l’exercice de trouver le nom d’écrivaines s’étant livrées à l’écriture dramatique : seules Françoise Loranger, Marie Laberge et Clémence Desrochers me sont venues à l’esprit; puis de metteures en scène québécoises, pour ne trouver que le nom de Denise Filiatrault.

J’ai tenté la même chose avec le cinéma. Des réalisatrices, je ne connaissais que Léa Pool, Micheline Lanctôt et Manon Barbeau. Sur le moment, j’ai mis sur le compte de mon ignorance, mes réponses incomplètes, jusqu’à ce qu’une recherche sommaire dans Wikipédia me donne les résultats suivants : à la catégorie réalisateur québécois, sur un recensement de 214 noms, il n’est fait mention que de 14 réalisatrices; pour les metteurs en scène : 32 noms, 5 femmes.

L’écriture dramatique, la scénarisation, la mise en scène et la réalisation de par leur prise de parole devant public (contrairement à l’écriture de roman par exemple qui s’adresse au public, un lecteur à la fois), contient un élément éditorial fort. Un point de vue est proposé, et l’artiste, de par la visibilité du produit final, doit pouvoir défendre le point de vue apporté par l’œuvre.

Bien sûr aujourd’hui, il y a plus de femmes directrices d’entreprises de toutes sortes ou à la tête d’importants conseils d’administration, mais leurs paroles et leurs visibilités demeurent localisées dans un cercle restreint, ou cachée à l’intérieur des statistiques. Comme ces 25.6% de femmes élues à l’Assemblée Nationale en 2007, ou l’à peu près 30% de femmes (tous domaines inclus) présentes dans les médias.

Je me demande d’où vient ce clivage entre le nombre de femmes dans la société (50.4% en 2005) et cette sous représentation dans les métiers qui exigent une prise de parole entendue de tous. Est-ce le malaise devant des professions compétitives ou le manque de confiance en soi? La « nature féminine » ou – encore – la question de l’éducation?

5 Comments

  • Marie J.M.
    23 janvier 2010

    Je lance une autre idée à propos de ce qui influence peut-être la moindre proportion de prise parole publique par les femmes. Il me semble que l’on associe culturellement la voix masculine à l’autorité et au message sérieux, tandis que l’on associe la voix féminine au message de plaisir et léger. Exemple: les bulletins de nouvelles sont plus souvent portés par des voix masculine et les magazines culturels par des voix de femmes. Il ne s’agit bien sûr pas d’une étude exhaustive, mais d’une impression personnelle sur ce que je vois et entends autour de moi…

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  • Marie-Élaine
    23 janvier 2010

    Je suis surprise que l’entrée wikipedia pour ‘metteurs en scène québécois’ n’inclue pas Martine Beaulne ni Alice Ronfard…

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  • Marie-Élaine
    23 janvier 2010

    … ou Marie-Thérèse Fortin!

    Spontanément, il me vient aussi en tête 3 femmes directrices de théâtre à Montréal : Fortin au Théâtre d’aujourd’hui, Pintal au TNM et Ginette Noiseux à l’Espace GO. Ce n’est pas encore la parité, mais on ne peut plus dire que ces femmes sont des exceptions.

    Au cinéma par contre, les québécoises ont encore une place à prendre. Je trouve qu’on donne beaucoup plus facilement la parole à de jeunes réalisateurs qu’à de jeunes réalisatrices. Combien d’Anaïs Barbeau-Lavalette pour 12 Podz, Éric Tessier, etc.?

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  • Tanya
    23 janvier 2010

    À ce sujet, voici une récente publication de Pol Pelletier sur l’usurpation historique du Théâtre Expérimental des Femmes par L’Espace Go:
    http://polpelletier.info/Pol_Pelletier/De_Pol_a_vous.html

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  • Caroline L.
    23 janvier 2010

    Merci Tanya pour le lien. Je n’avais lu que l’article du Devoir ci-joint: http://www.ledevoir.com/culture/theatre/281283/anniversaire-du-theatre-espace-go-pol-pelletier-lance-une-guerre-des-dates
    Et je suis quelque peu dubitative devant le dernier commentaire de madame Noiseux: «Pol est un personnage peu banal, explique Ginette Noiseux. Elle me fait rire. Et je l’aime. Je le dis sans mesquinerie. Certes, comme carte de fête, c’est un peu spécial. Mais elle vient de me rajeunir de dix ans. C’est flatteur!» Ce qui me fait penser, par la bande que Pol Pelletier n’est pas dans l’erreur en écrivant son commentaire. Le théâtre et le cinéma sont des industries, avec des valeurs qui semblent avoir évacué toutes revendication qu’elles soient féministes ou autres.
    C’est vrai Marie-Élaine que des femmes dirigent des théâtres, mais pouvons-nous dire que ces derniers nous présentent une voie particulière, au diapason de nos réalités? Je ne crois pas qu’elles offrent un théâtre avec un propos « éditorial » différent des autres établissements.
    La même chose peut s’appliquer aux bulletins de nouvelles. Deux femmes sont à la tête des bulletins d’information les plus importants au Québec, mais le point de vue éditorial est complètement évacué de ce type d’émission. J’essaie d’imaginer une femme à la place de Jean-Luc Mongrain, je crois qu’elle se ferait rapidement taxer d’hystérique 😉

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