Lettre à Anne-Marie Losique

« L’homme de communication » Olivier Bruel a publié cette lettre sur sa page Facebook. C’est de loin le meilleur texte que j’ai lu sur le sujet.

Madame Losique,

Avec une semaine de retard, je viens de regarder votre prestation à Tout le monde en parle. Faisant partie des mâles pubères – et donc de votre cible, comme on dit en marketing –, je dois vous dire une chose : je ne vous crois pas. Et tous les gens autour de moi, jeunes, vieux, hommes, femmes, hétérosexuels, homosexuels, riches, pauvres, pour peu qu’ils aient un peu de jugement, ne vous croient pas plus.

Non, nous ne croyons pas à votre pitch de vente, nous ne croyons aucun de vos arguments, ni à votre épanouissement de femme, ni à la touchante dédicace à votre mère, ni à votre innocence, ni à votre spontanéité calculée. Nous ne voyons que trois choses : la superficialité que vous affichez jusque dans votre chair rabotée; le plan marketing de votre entreprise médiatique; et surtout, votre immense hypocrisie.

Vous avez un produit à vendre. Vous avez un concept. C’est parfait.

Madame Losique, n’essayez pas de nous faire avaler votre recherche d’unicité alors que vos attributs plastiques hurlent votre besoin de ressembler aux cohortes de pornstars qui hantent nos écrans. Ne fustigez pas la dominance machiste en servant votre érotisme démagogique aux cro-magnons de salon. Ne prétendez pas nous faire découvrir les beautés du Québec grâce à votre pathétique livre de fesses. Mais surtout, lâchez donc ces emmerdeuses « qui nous dominent et veulent que toutes les femmes se ressemblent »! Ouvrez vos yeux – si c’est chirurgicalement possible – et demandez-vous de quel côté est le conformisme en 2010 : du côté des Barbie modifiées ou de celui de celles qui veulent être respectées pour ce qu’elles sont?

Vous êtes une femme d’affaires qui a assimilé l’impérissable notion selon laquelle le cul fait vendre. L’affront est suffisant pour que vous vous enrichissiez sans nous bullshiter avec votre éthique de synthèse. Nous sommes la génération Internet : rien d’autre ne nous choque que le mensonge.

Maintenant, pour voir si Losique rime vraiment avec logique, permettez-moi de vous tendre le miroir de votre prestation.

Je suis un homme d’affaires aux dents longues et je remercie mon père de m’avoir légué ses belles valeurs : la supériorité masculine et la domination de la femme. Pour financer mon futur empire médiatique dont le fer de lance est une chaîne thématique nommée Gino, je publie un livre de photos où je pose, habillé de cuir, au milieu de jeunes filles soumises et dénudées. Invité à TLMEP à titre de freak-du-dimanche, j’arrive en me pavanant dans mon t-shirt Playboy (pour bien montrer mes allégeances) et je défends ma position avec bonne humeur, renvoyant dans le même vestiaire puritains, féministes et philosophes. À la question de la provocation, je rétorque en me grattant l’entrejambe que j’achète mon linge en spécial sur la rue Ste-Catherine, et je demande à Danny ce qui peut bien le choquer. À la question du manque d’attention, je réponds que pas du tout; c’est l’épanouissement de ma personnalité qui m’a mené où je suis. Merci Papa. Et les millions que j’accumule? C’est pour montrer aux Américains qu’on peut penser big, nous aussi! Oui, Mesdames et Messieurs, je suis un visionnaire, un guide, un libérateur! Et je sors du plateau sous les applaudissements d’un public qui vient de découvrir avec ravissement que ce qu’il croyait être un penchant honteux était en fait une opinion.

6 Comments

  • Valérie
    6 octobre 2010

    «Et je sors du plateau sous les applaudissements d’un public qui vient de découvrir avec ravissement que ce qu’il croyait être un penchant honteux était en fait une opinion.»

    Et des anges descendirent du ciel, une harpe à la main, chantant :

    -Aaaallleluia.

    (Je m’en mords les lèvres depuis deux semaines. Surtout à cause de son histoire de femme qui veut être elle-même et blablabla.)

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  • Catherine
    6 octobre 2010
  • Stéphanie
    7 octobre 2010

    Mon passage préféré:

    « Mais surtout, lâchez donc ces emmerdeuses « qui nous dominent et veulent que toutes les femmes se ressemblent »!

    S’il y a une industrie qui demande aux femmes de se conformer à un moule, c’est bien celui de la pornographie!

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  • Marie-Élaine
    7 octobre 2010

    Je pensais justement écrire quelque chose sur le même sujet!

    Intéressante, cette lettre. Et je suis plutôt d’accord pour dire que le fait qu’AML utilise le corps des autres femmes qu’elle-même pour faire des $$$ est assez ordinaire. Je suis aussi déçue que malgré son autoproclamée liberté et ouverture d’esprit, elle ne fait rien pour remettre en question les codes normatifs de la porno. Dans ce que j’ai vu du contenu qu’elle produit, il y a surtout des filles, minces, blanches (ou à peine racialisées… pour l’exotisme), hétéros mais lesbiennes « pour le show »… C’est fait principalement pour le regard de l’audience mâle hétérosexuelle. Pas très empowering.

    En même temps, Losique reste une de nos trop rares femmes d’affaires québécoises. Elle a produit beaucoup de télé, dont des shows (pas juste de soft porn) vendus à travers le monde. J’imagine aussi qu’elle a dû être saprément fonceuse pour devenir et rester chef d’une entreprise de communications.

    À l’instar d’une Sarah Palin, je crois qu’on peut être en désaccord avec la manière et les idées d’AML, mais il faut faire attention de ne pas basculer dans le sexisme (ce que je ne reproche aucunement à ce billet, par ailleurs). Traiter Losique de nunuche me semble réducteur, et je me méfie également d’un discours mainstream qui vilipende la sexualité affirmée des femmes.

  • MisterD
    14 octobre 2010

    Quand je regarde les « produits » que vend Anne-Marie Losique, et en conséquence, l’idéologie de marque qui s’y rattache, il me vient en tête
    une petite scène de vie dont j’ai été témoin et qui m’avait frappé à l’époque.

    Un jour, je suis allé au McDo. À la table à côté de moi se trouvait un petit groupe d’hommes âgés dans la 60aine qui discutaient entre eux.
    J’ai entendu les bribes de conversation suivantes : « Ouain, facque t’es tu retournée depuis ? L’autre fois, j’ai essayé Vanessa, j’te dis qu’elle était
    pas mal bonne. J’ta r’commande ! », « ah, moi quand j’y vas, j’suis habité avec Crystale, on commence à bien s’connaître, est fine ».

    Ouaip, ces messieurs discutaient de leurs « expériences » avec des danseuses, comme s’ils jasaient de chars, de n’importe quoi d’autre… Mais ce qui
    m’a surtout surpris, c’est qu’en les écoutant, ils en venaient à confondre un bien/service qu’ils achetaient avec de l’argent, et une relation humaine avec une vraie personne.

    Et c’est là, je crois, l’hypocrisie de Mme Losique : de faire du « PR » au nom de ces produits de l’industrie du sexe, pour les « humaniser », nous faire oublier que ce n’est pas juste de l’argent, que ce n’est pas juste pour FAIRE de l’argent, mais bien parce que les filles, elles le veulent bien, parce qu’elles ont juste ça à faire…

    Parce qu’on le veuille ou non, le sexe ça vend. Il y a des millions d’hommes, comme ces hommes âgés, et qui assurément constituent la clientèle visée de Mme Losique, qui en viennent à croire qu’une relation avec une femme, c’est de la payer pour l’avoir, la contrôler. Et c’est là un très grand danger pour les femmes et pour la société, tout ça au nom de l’argent, comme d’habitude.

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