Le Conseil constitutionnel supprime le harcèlement sexuel du Code pénal français

Selon l’article 222-43 du Code pénal français, le harcèlement sexuel désigne « le fait de harceler autrui dans le but d’obtenir des faveurs de nature sexuelle » et « est puni d’un an d’emprisonnement et de 15000 euros d’amende ».

Or, cet article du Code pénal n’existe plus.

La décision du Conseil constitutionnel français, datée du 04 mai 2012, d’abroger l’article en raison de sa définition  » trop floue » du harcèlement sexuel fait la une des médias français et soulève un tollé de la part des associations féministes.

L’AVFT (Association européenne contre les violences faites aux femmes au travail) était en faveur d’une révision de la loi, mais en différé, de façon à ce que le code pénal ne comporte pas de vide juridique en la matière. Or, elle déplore la décision qui a été prise par le Conseil constitutionnel, car désormais, le vide juridique établi autour du délit de harcèlement sexuel signifie l’arrêt des procédures en cours, en appel ou bien en cassation. En bref, toutes décisions non définitives. Selon son porte-parole, Marilyn Baldeck, cette annonce envoie un « message d’impunité d’une extrême gravité à l’égard des harceleurs ». Il ne sera en effet plus possible de porter plainte pour harcèlement sexuel contre son(sa) patron(ne), ou collègue.

Comme nous pouvons le constater jour après jour en lisant les nouvelles, l’Europe, donc la France, connaît une période de crise avec un chômage record de 10.9 % : une situation dont certains employeurs seraient plus que tentés de profiter.

Cette décision fait suite à la demande en cour de cassation d’un ancien député du Rhône, Gérard Ducray, d’examiner la constitutionnalité de cet article. En effet, M. Ducray a été jugé et condamné pour harcèlement sexuel en appel en 2011 : cela ne lui a apparemment pas plu. Il a donc, le 29 février dernier, questionné le Conseil constitutionnel sur la validité constitutionnelle de cet article. Ce monsieur est aussi un ancien député et secrétaire d’Etat au Tourisme. Comme dirait nos consoeurs d’Osez le féminisme :

« le symbole est fort, hélas ! »

Sources :

Communiqué de presse du Conseil constitutionnel

Communiqué d’Osez le féminisme

Article du Monde

Article de l’Express

Par Éléonore

 

6 Comments

  • ropib
    7 mai 2012

    Mais n’est-il pas encore possible de porter plainte pour harcèlement moral ? Je ne vois pas bien la spécificité du harcèlement sexuel, si ce n’est qu’il peut être, à la rigueur, un facteur aggravant.
    J’ai entendu à la radio qu’il y avait, dans la notion de harcèlement sexuel, l’idée de « faveur sexuelle ». Or si nous considérons tout relation sexuelle comme faisant partie de la vie privée, et même de l’intimité (ce n’est pas obligatoire, mais disons que dans notre culture c’est une chose cohérente et en tous cas il est illégal d’avoir des relations sexuelles en public), il est tout à fait naturel que le relation sexuelle souhaitée soit une faveur. De même j’ai du mal à comprendre pourquoi on ne pourrait pas avoir du désir pour quelqu’un, même au travail (sinon, attendu que le salariat n’est qu’une spécificité du travail qu’on rencontre à peu près à tous les coins de rue, c’en est fini de l’humanité), et il faut admettre que le désir est, par définition, asymétrique c’est à dire que homme ou femme, quand on ressent du désir, on est sujet et l’autre est objet. Ce qui est important c’est de ne pas aliéner l’autre définitivement, c’est à dire de laisser à l’autre la capacité de redevenir sujet à soi-même (a priori il ne cesse de l’être à lui-même).

    C’est le harcèlement qui pose problème, pas le sexe. Et l’asymétrie du désir n’est pas l’apanage des hommes mais des dominants -> il ne s’agit pas de faire changer de main cet apanage, il ne s’agit pas non plus de chercher une symétrie impossible (faire reculer les hommes sans conquérir cette asymétrie), mais de garantir la possibilité d’un dialogue a posteriori de l’expression du désir, par la loi, mais aussi a priori, par l’éducation à égalité au droit d’éprouver du désir pour quelqu’un.

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  • Berenice
    16 mai 2012

    « il est tout à fait naturel que le relation sexuelle souhaitée soit une faveur. »
    Ça dépend de quel point de vue on se place. Ici c’est clairement du point de vue de celui qui demande, réclame une faveur. Du point de vue de celui dont on attend quelque chose ce n’est peut-être pas perçu comme une faveur. Moi par exemple je considère que pour avoir une relation sexuelle avec un homme je dois en avoir envie, et ne pas le faire pour « lui rendre service », lui faire une « faveur ». Et si je n’en ai aucune envie, si ça me dégoute ce n’est même plus lui faire une « faveur » c’est « céder » à une injonction, une pression, un harcèlement, une violence.
    Si je me fais racketter, et que je donne mon déjeuner à un petit camarade, peut-être que pour lui, je lui fait une « faveur » (et franchement ça me parait d’une mauvaise foi atroce, parce que lorsqu’on menace quelqu’un pour obtenir quelque chose de lui on sait très bien ce qu’on fait, hein!) mais de mon point de vue je lui donne mon déjeuner parce que j’ai l’impression de ne pas avoir d’autre choix.
    « Ne pas avoir d’autre choix » n’est pas la définition exacte de « faire une faveur »… Pas dans mon système de représentations en tout cas.
    Tout ce que dit cette formulation « faire une faveur » c’est la façon dont est perçu l’abus de pouvoir par le législateur et rien d’autre. Demander à une victime de rédiger l’article de loi et vous verrez qu’elle n’utilisera pas le terme de « faveur ».

    Cette histoire de « faveur » me fait penser à cela :

    Définition de l’opprimé

    Il est hors de question que l’oppresseur aille comprendre de lui-même
    qu’il opprime, puisque ça ne le fait pas souffrir : mettez-vous
    à sa place.
    Ce n’est pas son chemin.
    Le lui expliquer est sans utilité.
    L’oppresseur n’entend pas ce que dit son opprimé comme un langage
    mais comme un bruit. C’est dans la définition de l’oppression.
    En particulier les « plaintes » de l’opprimé sont sans effet, car naturelles.
    Pour l’oppresseur il n’y a pas oppression, forcément, mais
    un fait de nature.
    Aussi est-il vain de se poser comme victime : on ne fait par là
    qu’entériner un fait de nature, que s’inscrire dans le décor planté par
    l’oppresseur.
    L’oppresseur qui fait le louable effort d’écouter (libéral intellectuel) n’entend pas mieux.
    Car même lorsque les mots sont communs, les connotations sont
    radicalement différents. C’est ainsi que de nombreux mots ont pour
    l’oppresseur une connotation-jouissance, et pour l’opprimé une
    connotation-souffrance. Ou : divertissement-corvée. Ou : loisir-travail. Etc. Allez donc causer sur ces bases.
    C’est ainsi que la générale réaction de l’oppresseur qui a
    « écouté » son opprimé est, en gros : mais de quoi diable se plaint-il
    ? Tout ça, c’est épatant.
    Au niveau de l’explication, c’est tout à fait sans espoir. Quand
    l’opprimé se rend compte de ça, il sort les couteaux. Là on comprend
    qu’il y a quelque chose qui ne va pas. Pas avant.
    Le couteau est la seule façon de se définir comme opprimé. La
    seule communication audible.
    Peu importent le caractère, la personnalité, les mobiles actuels de
    l’opprimé.
    C’est le premier pas réel hors du cercle.
    C’est nécessaire.
    Christiane Rochefort

    Ainsi je ne trouve pas que le harcèlement sexuel ressemble à la demande d’une faveur, celui qui harcèle, peut-être, mettons, laissons-lui le bénéfice du doute. Mais alors que faire pour qu’il comprenne, à part sortir les couteaux?
    cela les libèrera peut-être de leur surdité?

    j’en ai assez, plus qu’assez et il n’est pas mentionné dans cet article le fait que le même conseil constitutionnel à abrogé la loi française sur l’INCESTE il y a quelque temps car la définition de la « famille » était trop « floue »…

    La France est si belle et il fait bon y vivre, en plus chez nous, on a vraiment le sens de la famille! Et la « séduction à la française » quelle merveille!

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  • Reda MAI
    18 mai 2012

    « Il ne sera en effet plus possible de porter plainte pour harcèlement sexuel contre son(sa) patron(ne), ou collègue. » ce n’est pas le cas. En effet, meme si il existe un vide juridique sur le harcelement sexuel dans le domaine du prive ce qui pose un probleme pour les affaires en cours et les personnes desireuses de porter plainte, le harcelemet sexuelle est defini et reste en cours dans le code du travail et est considere comme un delit (les coupables peuvent encourir d’une peine de prison).
    De plus le harcelemet sexuel peut toujours etre poursuivi dans le code civil. Effectivement, on peut toujours poursuivre une personne pour dommages et interets.
    Cependant ce vide jurique n’a pas lieu d’etre et la decision aurait du etre differee en attendant la redaction d’une nouvelle loi.

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  • Berenice
    19 mai 2012

    Effectivement, lorsque la loi sur la garde à vue a été jugée inconstitutionnelle, les « sages » n’ont pas jugé utile d’interdire la garde à vue en attendant.
    Le brave monsieur qui a présenté sa requête connait personnellement 3 des membres du conseil constitutionnels, des potes, comme qui dirait.
    En ce moment les « sages » examine la constitutionnalité de l’accouchement sous X…
    La ministre a affirmé que la nouvelle loi était déjà en cours de rédaction.

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  • christine gamita
    4 juin 2012

    Le sexe de la victime n’est pas important, alors qu’il est le mobile, il n’y aurait donc que le moral qui compte ? Le problème dans tous les féminicides, c’est que l’important c’est le sexe et le genre féminins, pack perdant, tiré le mauvais numéro… http://susaufeminicides.blogspot.fr/2012/05/feminicide-du-harcelement-sexuel-en-qpc.html

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