« RT if you think Pauline Marois is a bitch »

Alors qu’il y a quelques semaines, les médias majoritaires faisaient état d’une vague de misogynie s’abattant sur les réseaux sociaux, une Vancouvéroise, Diamond Isinger, a mis en ligne le Tumblr Madam Premier qui répertorie les commentaires misogynes ou sexistes et les appels à la violence lancés contre l’une – ou les cinq – des premières ministres des provinces canadiennes (article en français ici). Or, à la violence des commentaires rassemblés dans Madam Premier et au « sexisme continuel » que voulait rendre visible Isinger, il y a une réponse possible que formulait déjà en 1984 La Vie en rose.

motsdedesordreL’éditorial du mois d’octobre 1984 réagit à la récente accession au pouvoir politique de plusieurs femmes et donc, par extension, aux derniers gains féministes, en colligeant les voix de plusieurs femmes / féministes à travers le monde, réfléchissant ainsi aux multiples façons d’aborder, désormais, le mouvement. Au fil des citations, une chose demeure : le pouvoir que cherchent les féministes de tous horizons, c’est celui de changer le monde1, de « changer la vie » selon les termes de Rimbaud.

À l’image du regroupement que crée, par le texte – par l’éditorial – La Vie en rose en 1984, il faut aujourd’hui nous regrouper, encore, pour faire acte de résistance collective au sexisme ordinaire que traduisent tous les «  stupid bitch of the premier » du monde. Il faut faire le pas du politique et faire circuler les voix et la réflexion féministe dans la Cité, pour qu’elles ne sombrent ni dans la noirceur, ni dans le mutisme.

Marie-Andrée Bergeron
@MarieABergeron

 

Le pouvoir selon elles ! 

« Qui exerce un pouvoir n’est jamais innocent », écrivait Christiane Rochefort dans Les Enfants d’abord. En ces jours de victoires politiques pour les femmes – Geraldine Ferraro aux États-Unis, 28 nouvelles députées à Ottawa, dont 14 Québécoises – la phrase résonne comme un avertissement. Pourtant, tout indique que les femmes et des féministes sont prêtes à risquer leur « vertu » pour accéder à un pouvoir qu’on ne saurait plus ignorer. Mais la question est loin d’être tranchée… comme vous le verrez en lisant ces réflexions sur le pouvoir, formulées par des féministes dont certaines sont plutôt modérées (Simone de Beauvoir) et d’autres indiscutablement radicales (Ti-Grace Atkinson).

« Regardez et admirez béatement votre époux lorsqu’il parle et couvrez-vous sagement les genoux » – voilà encore à quoi ressemblent les femmes dans les hauts échelons du gouvernement.

Bella Abzug, The Gender Gap

J’ai toujours pensé qu’il faut prendre les instruments des mains des hommes et s’en servir. Je sais que les féministes sont très divisées sur la marche à suivre. Les femmes doivent-elles occuper de plus en plus de postes, entrer en compétition avec les hommes ? Cela implique sans doute d’acquérir certains de leurs défauts en même temps que leurs qualités. Ou bien faut-il, au contraire, refuser complètement cette démarche ? Dans le premier cas, elles accèdent à plus de pouvoir. Dans le second, elles se réduisent à l’impuissance. Bien sûr, si c’est pour prendre le pouvoir et l’exercer de la même façon que les hommes… ce n’est pas ainsi qu’on changera la société. Or, à mon avis, le véritable projet des féministes ne peut être que de changer la société et la place de la femme dans la société.

Simone de Beauvoir, Simone de Beauvoir aujourd’hui

Une démarche d’émancipation n’a de sens que si elle se fixe un objectif de prise de pouvoir ou de partage de pouvoir.

Claire Bonenfant, Revue Statut de la Femme

Pour une fois, je voudrais être gagnante, je voudrais qu’on soit toutes gagnantes. Et j’aime, j’appuie et je rends hommage au courage de toute féministe qui ose réussir, quel que soit son champ d’intervention, la femme qui poursuit son psychiatre pour viol – et gagne ; la femme qui se présente comme gouverneure – et gagne ; la jeune fille qui dénonce les cours obligatoires (pour filles seulement) d’économie domestique de son école – et gagne.

Robin Morgan, Going Too Far

La toute première conquête à poursuivre, c’est de devenir plus nombreuses à tous les niveaux de pouvoir et de décision. (Je sais que les féministes n’aiment pas le mot pouvoir, mais je trouve qu’il serait temps de le prendre en compte si l’on ne veut pas rester d’éternelles naïves)…

Madeleine Van Raemdonck, Attachée auprès du Premier ministre pour la condition féminine en Belgique

Même les hommes les plus puissants ne peuvent pas nous donner le pouvoir. Nous devons le comprendre. Cela veut dire qu’il nous faut agir, cesser d’attendre que les hommes ou même d’autres femmes nous disent quoi faire.

Gloria Steinem, Ms. (avril 1981)

Les syndicats ne me font pas plus peur que la ménopause.

Margaret Thatcher, Châtelaine (1979)

Je ne puis dire si les femmes sont meilleures – mais je puis affirmer qu’elles ne sont sûrement pas pires.

Golda Meir, ex-Première ministre d’Israël

Pour obtenir ce qui nous importe, il sera peut-être nécessaire de perdre tout le reste.

Bernadette Devlin, The Price of my Soul (1969

Pour nous la politique ne concerne pas seulement l’usine ou le bureau mais également les chambres à coucher et les cuisines.

Emma Bonino, députée italienne, F. avril 1980

Enfin… le pouvoir est-il intrinsèquement négatif ? Associé à l’autonomie, à l’initiative, à la connaissance et à la compétence, il présente un rôle utile en termes de coordination, de planification et de réalisation. Que les femmes dévaluent souvent leur travail va de pair avec la crainte ou le refus instinctifs du pouvoir comme concept global.

Louise Constantin, Sans fleurs ni couronnes

Je m’étais bien juré en entrant en politique de ne pas devenir un homme politique. Je voulais vivre cette expérience avec ma différence et forcer ce milieu résolument imperméable aux conditions de vie des femmes à me reconnaître comme femme politique. J’y ai laissé des plumes, mais je ne regrette rien de ce choix fondamental.

Lise Payette, Les femmes et l’information, Rapport FPJQ

La question des femmes sera réglée quand elles auront le droit, comme les hommes, d’être médiocres à des postes importants.

Françoise Girard, ex-députée, journaliste française

Plutôt que réclamer une part du gâteau réservé aux hommes, ne ferions-nous pas mieux de fabriquer un autre gâteau?

Patricia Mische, Revue Statut de la Femme

Je ne crois pas que l’on puisse combattre « de l’intérieur », on est à l’intérieur ou bien à l’extérieur, et seule notre présence témoigne de notre place (…) Quand on ne peut pas détruire des postes de pouvoir, on peut certainement s’abstenir de les occuper ! On va vous arracher le pouvoir des mains, on va vous l’arracher justement là ou vous êtes, et ça ne va pas vous plaire. Et ça va faire mal.

Ti-Grace Atkinson, Odyssée d’une amazone

La Vie en rose, octobre 1984 (p.5)

 

Les éditoriaux de La Vie en rose sont rassemblés dans l’ouvrage Les mots de désordre.

3 Comments

  • Prose
    1 avril 2013

    On m’a fait remarquer une erreur sur twitter : il s’agit de Françoise Giroud et non de Françoise Girard ! 🙂

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  • Lucie
    2 avril 2013

    C’est Françoise Giroud qui est l’auteure de la citation qu’on attribue ici à Lise Payette: «» La question des femmes sera réglée quand elles auront le droit, comme les hommes, d’être médiocres à des postes importants ».

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  • Élsabeth
    2 avril 2013

    À Lucie: les auteures des citations sont en-dessous et non au-dessus des citations. Lise Payette a dit: « Je m’étais bien juré en entrant en politique de ne pas devenir un homme politique… »

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