Girl Power?

GIRLPOWER

Voilà un moment que j’avais envie d’écrire sur l’essor d’un nouveau féminisme auquel plusieurs femmes de ma génération adhèrent. Ce nouveau girl power, comme elles disent. Elles se leurrent. Ce féminisme place les modèles féminins de Victoria’s Secret et les Rihanna dénudées bien avant les Simone de Beauvoir et les Hannah Arendt malheureusement déjà oubliées.

Ce féminisme exige de la femme de reprendre le contrôle de son corps pour être considérée comme un individu à part entière, non plus seulement comme un objet de désir asservi à l’homme. Non, les hommes ne peuvent plus nous dire comment nous habiller ou quoi porter. Si je porte un soutien-gorge ou une mini jupe, c’est mon choix. Et pourquoi pas ne pas ajouter quelques paillettes ? Et un peu de couleur ? Après tout, il faut bien harmoniser avec la couleur de mon rouge à lèvres (le préféré de Rihanna, en plus).

Ce féminisme qui annonce que ce corps nous appartient, et ce, dès maintenant. Si on le charcute, le maquille, le dénude, il n’y a pas de problème. Après tout, c’est notre choix. Un choix bien pensé, à l’abri de toute pression sociale. Personne ne m’a dit que mes seins seraient plus sexy s’ils étaient plus gros. Personne ne m’a dit que mes cuisses seraient plus attirantes si elles étaient plus fines. Personne ne m’a dit que mes cheveux seraient plus beaux s’ils étaient plus longs. En 2013, si je veux être belle, je sais quoi faire et je vais le faire. Pas parce qu’on me l’a dit ou parce qu’on me l’impose, mais parce que je l’ai appris. Nous sommes libérées de ce temps où nous étions esclaves.

J’ai appris que je dois être belle si je veux qu’on m’écoute. J’ai appris que mon visage et mon corps sont ma porte d’entrée dans ce monde. Les pensées sexistes d’hier sont devenues les normes d’aujourd’hui. Et ces normes sont devenues acceptables et souhaitables. Voici une prisonnière qui décide elle-même d’aller derrière les barreaux. Une prisonnière qui ne se débarrasse pas de ses chaînes, qui se fait croire que c’est son choix et que, finalement, ça ne serre pas trop les poignets si on n’y fait pas attention.

Je suis dégoûtée de voir le même type de femme partout : au Centre-ville, sur Facebook, dans les magazines. Une femme créée du bout des orteils jusqu’au cuir chevelu et qui ne sert qu’à alimenter le fantasme des hommes. Un fantasme lui aussi façonné de toutes pièces qu’on leur enfonce dans la tête à coups de porno et de magazines sexy(istes). Les femmes ne sont plus des objets de désir passifs. Maintenant, elles recherchent l’objectivation en voulant séduire un maximum d’hommes et ce, à tout prix. Elles sont nées pour plaire à des hommes engendrés pour être satisfaits.

Toutefois, il est beaucoup trop facile de s’en remettre à la simple excuse de la construction sociale. Combien de fois j’entends, autour de moi, des hommes et des femmes qui se disent féministes, mais qui ne peuvent s’empêcher d’avoir des comportements et des pensées sexistes. « C’est la faute de la société », clament-ils. «C’est la faute du système prostitutionnel», renchérissent-ils. Je ne veux pas de ces excuses. Je ne veux pas de ce monde.

Je ne veux pas d’un monde où ma fille se fera constamment répéter que c’est ainsi et que, malheureusement pour elle, ça ne changera jamais. Je ne veux pas de ce monde où ma fille se sentira obligée de séduire et de mettre son corps de l’avant. Je ne veux pas d’un monde où elle comprendra que son rôle sera toujours de paraître et qu’elle ne sera reconnue pour le reste (si cela arrive) que si son physique (par chance ou par travail acharné) correspond aux standards de beauté.

Je veux un monde où toutes les femmes seront d’abord respectées et considérées pour ce qu’elles ont à dire et non pas pour ce qu’elles ont à montrer. Je veux aussi d’un monde où les hommes réaliseront qu’ils ont un grand travail de déconstruction à faire, qu’ils ne pourront plus sortir l’excuse du « Ce n’est pas moi : c’est la société ».

Il faut briser ces chaînes et réaliser que ce nouveau féminisme n’est qu’un autre moyen de garder les femmes soumises. D’ailleurs, ce nouveau féminisme n’est pas si nouveau et n’est pas si féministe. Il laisse croire aux femmes qu’elles se libèrent de l’emprise patriarcale, qu’elles sont libres d’être belles, qu’elles sont libres de séduire. Être nue sur la couverture d’un magazine et défiler en sous-vêtements pendant que des hommes piaillent, est-ce la liberté, l’atteinte ultime de l’égalité entre les sexes ? Non. Le sexisme a simplement trouvé une façon de se maquiller.

Bienvenue dans la modernité, bienvenue dans le nouveau monde, bienvenue à toutes. Mais dis­-moi, petite, toi qui vient de découvrir l’école, la lecture. Toi qui te passionnes pour la littérature ou la science. Dis­-moi, où sont tes talons hauts? Ces talons qui te permettront d’atteindre les plus hauts sommets?

 

Cet article sera aussi en ligne dans la semaine du 29 juillet sur Point de fuite.

 

20 Comments

  • Sara
    23 juillet 2013

    Ce texte me fait réagir de deux façons. D’un côté, je suis d’accord pour dire qu’on a perverti le mot « féminisme » pour lui donner un côté plus cool, peut-être plus intéressant et moins sérieux pour certaines, mais d’après moi ça fait juste dénaturer le concept. De l’autre côté, je trouve que le jugement qui ressort de ce texte est un peu trop sévère, et qu’on oublie que beaucoup de progrès a été fait depuis les années 50, où les femmes étaient encore la propriété de leur mari, où elles ne pouvaient pas être propriétaire de quoi que ce soit, même pas de leur propre maison… Je pense que le « Girl Power » est un probablement un détour dont on aurait pu se passer, mais un détour qui ne va pas nécessairement dans la mauvaise direction, qui nous fait perdre un peu de temps, mais pas trop quand même! Et il n’en tient qu’à nous de faire de Simone de Beauvoir notre héroïne super cool et intéressante!

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  • Alex
    23 juillet 2013

    Apres avoir pense a quelques repliques j’en suis venu a la conclusion que l’auteure est simplement malheureuse dans sa vie. Parce qu’elle ne pourra jamais changer le monde comme elle veut.

    Voici un sourire pour egayer ta journee 🙂

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  • Sophie
    23 juillet 2013

    Article très juste! Je ne veux pas de ce monde non plus! Et je déteste la résignation et tout ce qui empêche les femmes de s aimer pour ce qu elles sont… Qui les empêchent d explorer tous les rôles possibles de leur vie. Merci encore!

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  • christine gamita
    23 juillet 2013

    Pas de résignation- Combattre pour que par le Droit pénal soit institué un interdit, celui des féminicides, tous sans restriction, de l’excision féminicide au viol féminicide et toutes formes de dégradations issues de vieilles coutumes du système patriarcal phallocrate et viriarque qui se la joue phallocrite mais surtout table sur la dispersion de nos moyens http://susaufeminicides.blogspot.fr/p/cest-de-la-carte-tentative-darticle.html
    il est vrai que le mot est parti du mauvais pied, au début utilisé pour parler d’une pathologie masculine… le féminisme est en train de terminer sa mue par les cyberactions fémnistes qui commencent à prendre du muscle !

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  • Katharos
    23 juillet 2013

    Vous savez, il on peut apprecier quelque chose tout en reconnaissant ses aspects plus problematiques. Il est meme possible detre passionnee de rouge a levre tout en admirant Simone de Beauvoir. Je comprends votre frustration face au mouvement du ‘girl power’, et votre critique est legitime, mais le mepris que vous manifestez envers « ce type de femmes que vous voyez partout et qui vous degoutent », et votre condescendance envers les interets typiquement feminins (mode, maquillage, celebrites) se rapprochent dangeureusement du ‘girl hate’ et me laissent avec un gout amer.

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  • Pauline
    24 juillet 2013

    Merci pour ce poste, avec lequel je suis entièrement d’accord. Le comble de l’oppression est de réussir à faire croire à l’opprimé qu’il n’est pas opprimé, qu’il est libre. Et le fait que des jeunes filles et femmes se croient libres de s’épiler, se maquiller etc.. malgré la douleur, le coût financier et la perte de temps représente un renforcement de la domination masculine.
    Contrairement à Sara, je pense que oui, nous allons dans la mauvaise direction. On peut critiquer, comme le fait Katharos, la « girl hate », mais ici c’est autre chose : c’est un rejet d’un certain aveuglement de certaines femmes. Personnellement, je m’épile et j’entretiens mes cheveux longs. Mais je sais que c’est un conditionnement social, je sais que je trouve mes jambes lisses plus jolies simplement parce que la société me renvoie que les jambes des femmes doivent être lisses.
    Vous voyez la différence?

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  • Sara
    24 juillet 2013

    Moi ce que j’en pense c’est que tant qu’on apprend de nos erreurs et qu’on se rend compte qu’on est en train d’errer, on devrait trouver le bon chemin à suivre dans pas longtemps! Je me répète, mais il ne faut pas oublier tout le chemin qui a déjà été parcouru en seulement cinquante petites années (ce qui n’est pas beaucoup au point de vue historique)!

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  • Philou
    26 juillet 2013

    Du slogan « Mon corps m’appartient », on semble effectivement assister à une dérive post-moderne. « Mon corps m’appartient et c’est MON CHOIX de faire ce que les hommes veulent que je fasse. »

    En tant qu’homme, je suis moi aussi embêté par ce « nouveau féminisme ». L’empowerment par la danse-poteau? La prostitution comme vecteur d’émancipation féminine? Montrer vos seins pour obtenir ce que vous voulez dans la vie?

    Évidemment, chaque personne fait ses propres choix, mais l’aliénation sociale est forte et plus pernicieuse que jamais. Et je ne peux m’empêcher d’être mal à l’aise en voyant ces jeunes femmes revendiquer ce « nouveau féminisme » qui ne fait, ultimement, que renforcer ces privilèges masculins dont je ne veux pas…

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  • Guihome
    28 juillet 2013

    Une belle reponce a ce poste ce trouve ici meme, sur ce blog: le risque de passer pour une mauvaise feministe, a lire, un different point de vue.

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  • Quéta
    17 août 2013

    Ce qui me dérange dans ce post, c’est qu’il n’est pas du tout pris en compte un point essentiel: la liberté. Moi je voudrais que les femmes arrête tout simplement de faire ce qu’on attende d’elle. J’entends par « on » les féministes comme les girls power. Je voudrais que toutes femmes puissent s’affranchir de la pression sociale et qu’elles arrêtent de se sentir obligé d’adopter les codes vestimentaires qu’impose les principes de tel ou tel mouvement. En effet c’est soit : TOI FÉMINISTE MODERNE TU T’HABILLERAS EN CONFORMITÉ AVEC LE FANTASME DE LA GENTE MASCULINE ou TOI FÉMINISTE D’HIER TU BANNIRAS TOUT STYLES VESTIMENTAIRES OU COMPORTEMENT QUI METTE EN AVANT LES COURBES GENEREUSES DONT TU ES DOTÉE. Pfffff Le choix de vivre en se foutant bien du JUGEMENT et des codes; c’est mon féminisme à moi…

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  • Caroline R.
    19 août 2013

    MERCI à toutes et à tous pour vos commentaires.

    Petits rappels: l’agressivité verbale, les sermons et les insultes ne sont pas toléré.e.s.

    Aussi, SVP essayer d’utiliser les guillemets plutôt que les majuscules (qui équivaux à crier).

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  • Jennifer C.
    26 août 2013

    À mon avis, le féminisme n’est pas un look mais un mouvement qui vise l’égalité des sexes. L’apparence n’a rien avoir avec cela et je trouve que ce poste met beaucoup trop l’accent là-dessus. Cette idée qu’il ne faut pas être maquillé ou ne pas porter des vêtements sexy pour être considéré comme une féministe est extrêmement dépassée. Je crois qu’en 2013 les femmes ont la liberté de faire ce qu’elles veulent de leurs apparences sans être jugé par les autres(ce qui est positif). Je pense aussi que nos actions sont plus importantes que notre allure. Une belle fille avec des gros seins(faux ou pas) n’est pas moins féministe qu’une autre et ne cherche pas automatiquement à plaire aux hommes à tout prix. Cependant, si une fille n’est pas capable de sortir de chez elle sans être pomponnée il y a un problème car il ne faut pas se définir seulement avec notre image. Pour finir, je voudrais dire que je trouve qu’il y a beaucoup plus de bon côtés que de mauvais à ce nouveau girl power si on a une bonne estime de soi.

    PS: Je suis en désaccord avec tout ce qu’à dit Philou. Le fait que j’aime me maquiller et porter de beaux vêtements ne sous entend pas que je fais ce que les hommes veulent que je fasse….Il ne faut pas exagérer quand même. Je le fais pour moi c’est tout!

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  • Dominique Beaulieu
    27 août 2013

    En quoi est-ce que s’habiller sexy pour plaire aux hommes serait un problème? C’est naturel d’attirer le sexe opposé. Pourquoi croyez-vous que je fais du gym? Pour être en forme … et pour me rendre plus attrayant pour la gente féminine. Et c’est très bien comme ça!

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    • Fannie B
      27 août 2013

      Je crois que vous n’avez pas lu correctement ce que j’ai dit.
      Le problème c’est quand ce choix de plaire n’est plus vraiment un choix. Quand on pousse les femmes à plaire, quand on leur dit que leur seule façon de réussir c’est avec leur corps, c’est là le problème.
      Et je crois que vous êtes de mauvaise foi de dire que je voudrais que les hommes soient homosexuels. Franchement.

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  • Rachel
    5 septembre 2015
  • Clara
    21 mars 2020

    Hello les filles !
    Un article admirable, qui défend les valeurs des femmes !
    Soyons fière de nous et de notre corps !
    Voici un lien vers une petite boutique fait maison où je vend des petits goodies/accessoires avec pour design et conviction le « Girl Power » !

    Bonne journée les filles !

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