Un Québec hanté

À toutes celles qui exorcisent notre société du mal, en conjurant les fantômes de l’Islam drapé sous des voiles. En cette période d’Halloween, les hijabs hanteront nos quartiers, avides d’âmes pures et blanches à avaler. Ces manifestations ostentatoires effrayeront les plus superstitieuses d’entre vous, qui fermerez à double clé la porte de l’entendement, or, ne vous a-t-on jamais dit que les fantômes n’existaient pas? Je pardonne les petits halloweeneux d’avoir cette crainte de l’inconnu, cette peur de l’autre, car leur imagination magnifie les légendes, cependant, je questionne ceux qui de leur parent, renforcent leur phobie des squelettes et des chats noirs. On devraient plutôt sevrer leurs enfants des films de peur et les élever en leur expliquant la différence, en instituant des valeurs au sein du foyer, faute d’en reléguer la tâche à des agents extérieurs. En accusant la société et ses professeurs coupables des échecs survenus en classe, la tâche des parents se restreint plutôt aujourd’hui à médicamenter ces petits à qui on accole des acronymes fantaisistes : TDA, TOC ou TED.

La transmission des valeurs se fait habituellement par le truchement du noyau familial, or, l’identité du Québec reste-t-elle tellement floue et obscure que nous ne pouvons qu’en définir les contours en opposition à d’autres valeurs? Et quelle opposition? La Bible et le Coran se basent sur des valeurs qui se recoupent et ce n’est que dans leur application, dans le cas de TOUTES les religions, que s’opèrent certains glissements extrémistes. Et j’évite de parler des autres religions, parce c’est d’un Québec ethnocentriste et islamophobe dont il s’agit ici. Une phobie flaccide, irrésolue par l’ignorance et par l’indigence famélique de notre esprit de solidarité.

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Comment peut-on se dire d’un féminisme englobant quand la seule issue à cette politique de l’exclusion réside dans l’enfermement de certaines femmes musulmanes, qui faute de pouvoir exprimer leur identité, devront se retirer de la vie sociale. Ces femmes à qui on impose l’émancipation, si comme vous dites souffrent du joug d’un mari trop autoritaire feront vite de retourner à la chaumière sans plus aucune chance de s’intégrer. Et si l’affranchissement passe par l’autonomie d’un travail rémunéré, aucune chance d’inclure ces femmes au bastion révolutionnaire plutôt tranquille des femmes d’ici. Et si elles sont ici très justement, dans un pays « libre », n’ont elles pas toutes les dispositions nécessaires permettant des choix relevant des libertés individuelles? Elles n’ont pas besoin du mépris paternaliste d’une charte qui insulte l’auto-suffisance de TOUTES femmes croyant à l’égalité homme-femme.

L’instrumentalisation du féminisme ce fait aussi à des fins électoralistes et nationalistes servant de paravent à des pulsions xénophobes et racistes : et relève plutôt d’une hypocrisie crasse qui dévoile enfin le vrai visage d’un peuple transi par la peur anxiogène de se voir assimilé. Jamais plus notre province ne pourra espérer un projet unificateur de souveraineté, puisque tous ceux à qui on a promis l’intégration, le soutien et l’acceptation subiront l’ostracisme et se reclueront par sentiment de non légitimité et d’étrangeté. Les pôles vont se radicaliser, la fermeture de l’un à l’autre va s’accentuer et ce sont les femmes, encore une fois qui vont faire les frais d’une politique grossière.

Qui plus est, en les inféodant à cette politique, nous les renvoyons à cette infériorité millénaire, à ce statut de citoyenne de seconde zone incapable de choisir par elle-même, à ce diktat foncièrement paternaliste dont nous tentons de nous libérer depuis trop peu. C’est d’autant plus grotesque de voir certaines disciples de cette charte s’agiter contre l’aliénation du religieux quand elles sont elles-mêmes asservies à l’homélie tyrannique du botox et des produits de beauté. Ces femmes qui participent publiquement à l’aliénation du Québec, en instaurant des concours de vedettes instantanées, en établissant les étalons de la norme, en gavant de pauvres téléspectateurs de rêves d’argent et de célébrité, tout en bourrant des lecteurs d’un sensationnalisme exalté par des nouvelles sordides servant la convergence débridée. Elles portent elles mêmes les stigmates violents d’une burqa de chair en se soumettant à la gouverne de la jeunesse éternelle et des impératifs de minceur annihilant les formes de la vie. Elles reconduisent les clichés et les stéréotypes qui maintiennent les québécoises dans l’aliénation de la perfection et font la promotion du sexisme dans sa forme la plus déguisée, la plus subreptice, ce qui est tout aussi dangereux pour la liberté.

Ces femmes soi-disant oppressées par les années duplessistes, ramène la loi archaïque de la persécutée qui devient à son tour persécutrice. Ces schémas renouvellent notre médiocrité millénaire et en cela, il ne faut pas leur en vouloir car elles ne savent pas ce qu’elles font,  tout comme cette activiste et ses sbires qui ne font que du spectacle à l’Assemblée nationale. Leur agitation maladroite, leur revendication chaotique, leur ignorance de l’histoire du mouvement des femmes et l’absence de modèle corporel alternatif, assimilent directement ces femmes au sensationnalisme sans contenu des journaux à potins. Qui plus est l’irrégularité de leur propos est sous-tendue par le corps comme lieu de combat. Or, ces corps dans la norme, jeunes, beaux, minces, purs et exhibés semblent discriminer la pluralité de forme et d’âge, en étant en pleine adéquation avec un système d’exclusion renforçant l’image distortionnée des femmes à leur corps. On voit bien là l’ampleur de l’aliénation de ces occidentales orgueilleuses, fières et « libres ». D’autant plus qu’aujourd’hui nous célébrons l’Halloween, on peut comprendre que certaines femmes se peinturlurent en sorcières,  que certaines se transforment en revenantes d’un Québec de souche et que d’autres déterrent les vieux squelettes du désir de plaire… mais dites-moi, chères halloweeneuses, jusqu’où allons-nous faire durer la fête des morts?

 

Anonyme

*Ce texte ne représente pas la position de Je suis féministe. L’équipe administrative de JSF étant diversifiée, nous n’avons pas de position unique sur la Charte des valeurs*

 

 

 

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