Redéfinir la réalité trans avec Janet Mock

janet-mock-book-coverJ’éprouve une grande admiration pour Janet Mock qui s’est exposé deux fois plutôt qu’une au comportement agressant d’un interviewer pour combattre l’invisibilisation des femmes trans racisées. La tentation de me commander son autobiographie « Redefining Realness » sur Amazon était grande, mais j’ai finalement opté pour la version électronique plus abordable.

Je me suis à peine rendu jusqu’à la page 50 que j’ai déjà surligné une belle collection de citations. Non seulement est-ce un témoignage très sensiblement rédigé d’une vie au parcours unique, c’est aussi un essai qui rassemble réflexions personnelles et les ressources d’autres écrivaines féministes noires. L’œuvre commence en partageant les mots d’Audre Lorde, mais on pourra aussi s’appuyer sur les réflexions de Zora Neale Hurston, de James Baldwin et de bien d’autres pour comprendre toutes les ramifications du vécu de Mock.

Sans plus tarder, voici quelques passages qui m’ont marqué. Pardonnez la traduction libre, l’œuvre original est en anglais.

Dans un passage où elle nous confie combien il fut difficile de s’associer au mot trans sans avoir l’impression qu’elle se réduisait à une étiquette, elle confie:

J’ai combattu pendant des années ma perception de ce qu’est la féminité trans. J’avais intériorisé le point de vue tordu, biaisé de notre culture et les préjugés persuasifs envers les femmes trans.

– Janet Mock, Redefining Realness, p. 12.

Le fait qu’il puisse exister un point de vue qui n’est pas celui de la société majoritairement cis, majoritairement hétéro; le fait qu’un point de vue majoritaire ne soit pas pour autant vrai est un fait qui échappe à beaucoup de LGBT+ qui débutent leur quête d’émancipation. Trop d’alliés biens pensants croiront faire un pas en avant en disant à un proche « pour moi tu n’es pas gai » ou « tu peux d’identifier comme homme, femme, extraterrestre, je m’en fous, pour moi tu es un humain », alors que l’individu appartenant à une minorité du genre ou de l’orientation sexuelle aurait davantage besoin de validation que d’une acceptation individuelle qui s’appuie sur un effacement d’une partie de son identité.

Quand on est prêt à accepter quelqu’un que lorsqu’on ferme les yeux sur une partie de son identité, c’est parce qu’on est incapable de se dire que l’expérience trans ou une orientation sexuelle marginale puisse être chargée d’autres choses  que des préjugés honteux et réducteurs. D’enseigner à une minorité qu’on ne l’accepte que pour les parties d’elle qui appartient à la norme, c’est de la couper de beaucoup de ressources qui pourraient profiter à son estime de soi: le fait d’avoir un point de vue unique sur la société, le fait d’appartenir à un groupe plus large et à une histoire qui témoigne de force et de solidarité dans l’adversité. Mais comment est-ce que les hétérocis pourraient être conscients de tout ça?

On m’a appris à croire que mon silence me protègerait, me bercerait, me permettrait d’atteindre, d’exceller dans une vie bien à moi. Mon silence et mes accomplissements m’aideraient à évoluer dans le monde sans le jugement de l’autre et me sépareraient des stéréotypes et de la stigmatisation.

– Janet Mock, Redefining Realness. p. 13.

La culture occidentale nous apprends que le mérite personnel vaincra toujours les limitations injustes, mais c’est un mensonge. Même en gagnant un gros salaire, en atteignant la célébrité et l’amour, la société permettra toujours à l’attaque hétérosexiste et cissexiste d’exister. En voyant un proche homosexuel, lesbienne ou trans comme « juste un humain », on ne le protège pas des attaques et de la stigmatisation qu’il ou elle subira. Tout ce qu’on fait, c’est de refuser d’être témoin et allié contre les injustices que vivent les minorités. Je n’ai pas besoin de quelqu’un qui me parle comme si j’étais sans orientation sexuelle parce qu’il est inconfortable avec la mienne. Je n’ai pas besoin de quelqu’un qui me parle de mon partenaire du même genre avec aisance dans toutes situation, comme s’il n’y avait aucun danger à me coming-outer au travail ou à l’école. J’ai besoin de quelqu’un qui reconnaît la différence qui existe entre nous et qui est prêt à suivre mes indication.

À propos de la grande visibilité dont Janet Mock à profité et de la façon dont elle est utilisée comme exemple de success story, l’écrivaine dit:

Si je suis l’exception, la supposée image de succès, alors qu’arrive t-il de mes sœurs avec qui j’ai grandie dans les rues d’Honoluku qui « n’ont pas réussi »?

– Janet Mock, Redefining Realness, p. 16.

Les hétérocis ont une vision si négative des LGBT+, et ils sont tellement convaincu de l’universalité de leur perception qu’ils sont prêt à divorcer les minorités de leur identité, comme si c’était quelque chose que tous souhaitent. J’ai beaucoup plus d’ami.e.s LGBT+ qu’hétérocis, et ce sont des gens de ma communauté qui ont eu le plus grand impact positif sur ma vie. Mon sentiment d’appartenance et mon amour pour mon identité me retiendrait de rejoindre la majorité hétérocis, même si c’était possible.

Je retourne à la lecture de mon livre, mais n’hésitez pas à vous le procurer ou à en exiger la commande dans votre bibliothèque locale.

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Par Raoule Nadeau, plume de mauvevaillance.com

 

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