Un filon en art contemporain

Cet automne, dans la très agréable Galerie Trois Points, nous avons été nombreuses à assister à la rencontre inaugurale du groupe « Nom Féminin », intitulée L’ambition et le pouvoir au féminin dans le monde de l’art. Ce groupe, créé en réaction à la sortie d’Anne-Marie Slaughter sur les échecs du « have-it-all-feminism » (Why Women can’t have it all ?) invitait à relever nos manches et activer nos neurones pour faciliter la vie des artistes de carrière. Sans prétendre tout « avoir », nous avons encore des freins à enlever, des chemins à tracer pour la reconnaissance des œuvres de femmes. Les personnes présentes à l’événement ont toutes exprimé leur souhait d’établir des liens, de soutenir les femmes artistes par un réseautage-tremplin.

Par où commencer ? Pourquoi pas en allant voir des œuvres de femmes? Une des organisatrices de la rencontre, Émilie Grandmont-Bérubé est propriétaire et directrice de la Galerie Trois Points, qui présente à partir d’aujourd’hui deux expositions solos. Il s’agit de « Compendium », de Nathalie Reis, et de « Déconstruction d’une tragédie », de Natascha Niederstrass. Deux artistes amies, aux démarches très différentes, mais qui ont toutes les deux une portée politique intéressante.

La première travaille des images et des matières évoquant l’intime étouffant. Ses natures mortes, figure autrefois imposée pour les femmes peintres, semblent plus que morte. De lourds ornements floraux aux bouquets organiques, vénéneux, noirs, évoquent la sorcellerie. Cette intimité se révèle aussi sacrilège, déplacée, car elle détourne du précieux lait maternel vers une œuvre d’art, amalgamant don de soi et engagement artistique pour un résultat bizarrement séduisant.

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La seconde mord elle aussi dans une figure emblématique de la féminité : la victime. Elle enquête sur la mort de Mary Gallagher, l’une des plus célèbres fantômes de Montréal, mais sans romantisme, avec un sang froid de détective. Les images crues nous laissent démunis devant la violence du geste, l’obscénité du jugement populaire et du discours policier. Il faut suivre les indices pour reconstruire un récit, pendant que Mary nous hante. Sa décapitée évoque aussi Méduse, la femme en art, celle que l’on ne saurait regarder, qui est punie pour sa beauté et sa rébellion.

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Les deux projets appellent à confronter ce qui a éloigné les femmes de l’art, les responsabilités familiales, le confinement dans certains rôles, la condamnation publique des déviantes. Ici, Méduse et maman se moquent des menaces et des contraintes avec une certaine cruauté joyeuse. À voir jusqu’au 29 mars 2014 à la Galerie Trois Points, 372, Ste-Catherine Ouest, espace 520.

Par Valérie Lefebvre-Faucher

 

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