Gueule de bois

feminisme_0Samedi dernier, c’était la Journée internationale des femmes, moment de «trollitude» par excellence. Sur les réseaux sociaux, j’en ai lu des vertes et des pas mûres, mais la palme va à un de mes contacts Facebook personnel.

Et, tenez-vous bien, il s’agit d’une femme.

Elle a notamment écrit qu’elle ne voyait pas «le rapport entre qui je suis fondamentalement et le fait d’avoir un vagin». How funny. Allez donc dire ça à une victime d’agression sexuelle.

Ce contact a par ailleurs assimilé les revendications des femmes à un manque de confiance en elles et à une mentalité de personnes «nées pour un petit pain».

À croire que c’est la faute des femmes si elles sont payées moins cher que les hommes à travail et compétences égales. Que c’est toujours de leur faute aussi si elles sont souvent celles qui se retrouvent dans la précarité du travail à temps partiel pour mieux gérer la conciliation famille-travail et sont à 80 % à la tête des familles monoparentales du pays. De vraies dindes n’est-ce pas!?

Selon cette même personne, les femmes devraient simplement faire preuve de davantage d’assurance.

Ok je vous l’avoue, j’ai comme un peu, beaucoup, pogné les nerfs.

Mais, avec le recul, je dois admettre que je peux comprendre les motivations derrière ce genre propos de la part de femmes. J’estime qu’il s’agit ni plus mi moins que d’une posture de refus, de déni, une une forme de wishfull thinking découlant d’un précepte volontariste: il n’y a pas d’iniquités si je ne veux pas qu’il y en ait.

C’est aussi croire que sa volonté et ses désirs sont suffisants pour influer sur le monde qui nous entoure. Et c’est surtout nier tous les facteurs systémiques et historiques nuisant à l’atteinte de l’égalité de fait entre les femmes et les hommes.

J’imagine que cette femme n’est pas la seule à refuser d’admettre la nécessité du féminisme. Moi aussi, cela a déjà été mon cas. Gavée dès la petite enfance d’épisodes de Passe-partout, où tout le monde il est beau, tout le monde il est fin, j’ai longtemps cru que l’égalité était acquise et que le féminisme était une vieille affaire en macramé fleurant les boules à mites.

Et puis, j’ai déchanté. J’ai regardé autour de moi et j’ai vu dans les salles de rédaction des femmes comptant des années d’expérience être moins payées que des jeunes hommes. J’ai vu ces mêmes salles dirigée par des hommes et encore des hommes. Et, les soirs bien arrosés, j’ai écouté les confidences d’amies violées, qui, par un ami en qui elles avaient confiance, qui, par un membre de la famille. Je les ai vues se taire. J’ai vu des familles se ranger du côté de l’agresseur. J’ai vu, j’ai vu, et j’ai vu.

Croyez bien que j’aurais préféré ne pas voir. Que je préférerais vivre dans un monde différent où il y aurait égalité, respect et sécurité pour les femmes. Le misérabilisme, très peu pour moi. Je crois dans la capacité des femmes à s’entraider, se battre, se mobiliser. Mais je sais aussi tout ce qui reste à faire. Je sais surtout que je n’aurai pas assez d’une vie pour contribuer suffisamment.

Alors, bien sûr qu’il faut se prendre en main, se responsabiliser, comme professait ce contact sur Facebook, et c’est justement ce que les femmes ont fait en remportant le droit de vote, après avoir mené une chaude lutte de tous les instants.

Et c’est ce que font les féministes d’aujourd’hui en réclamant, notamment, l’équité salariale partout dans les entreprises, petites, moyennes et grandes, et le secteur public. À compétences et travail égal, salaire égal, ce n’est pourtant pas si difficile à comprendre il me semble?

Parce que c’est de cela dont il s’agit, d’une lutte pour l’obtention de droits qui devraient aller de soi et qui pourtant tardent à venir.

Parce qu’il n’y a pas de bons ou de méchants, pas d’un côté les femmes et de l’autre les salauds. Non, il y a seulement une société et des mentalités lentes à évoluer.

On peut quand même se réjouir du chemin parcouru et cultiver l’espérance que nos luttes porteront fruits.

En terminant, je voudrais tout de même remercier cette femme qui m’a inspiré le présent billet. Ses propos me permettent de réaffirmer tous les principes auxquels je crois profondément.

 

Par Marilyse Hamelin, La Semaine rose

Image: capture d’écran Télérama. Dessin Pénélope ©

 

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