Dialogues: Sissi de la Côte

Dialogues est une série d’entretiens avec des nouvelles voix féministes de la blogosphère québécoise. Cette série inclura autant des blogues, des Tumblrs, des personnes écrivant sur différentes plateformes ou encore des personnes actives sur Twitter. 

Aujourd’hui nous donnons la parole à Sissi de la Côte, auteure du blogue du même nom.

1) Comment présenter en quelques mots ton blogue? D’où vient le titre?sissidelacote2

En tant que lesbianiste, mon devoir est de m’assurer que Bianca Gervais, actrice Québécoise et Déesse cosmique, connaisse tous les bonheurs et la sérénité que pourra apporter l’abdication de ses privilèges hétérosexuels, seulement utiles dans une société patriarcale, système d’oppression obsolète à démolir au plus vite, pour joindre les Forces Amazones Mondiales (FAM) et se convertir au lesbianisme. Ainsi, je lui conçois des cours pour l’initier au mouvement et préparer le monde à être digne de voir grandir la divine progéniture de Bianca Gervais.

Pour ce qui est du titre de mon blogue, Sissi, c’est mon nom de Princesse Amazone, puis je suis originaire de la Côte-Nord.

2) Tu écris sur une personnalité publique québécoise, Bianca Gervais, pourquoi? Est-ce de la fiction, de l’humour? Quelle est ta démarche?

Bianca Gervais, personnage ubiquiste de mon enfance et adolescence (Watatatow, Le monde de Charlotte, Un monde à Part, les voix des jumelles Olsen, …), est, à mon humble avis, d’une importance sous-estimée dans le paysage québécois. Bianca a l’omniprésence d’une déesse avec, en bonus, une proximité à l’être humain trop rare chez les Dieux. Elle connaît l’imperfection, elle fait des erreurs et elle apprend, comme nous. C’est ce qui la rend si parfaite. Une autre sorte de perfection.

Bien évidemment, j’en beurre massivement épais, tellement que les gens ne savent jamais vraiment discerner la part de réalité avec la part d’exagération humoristique. Il faut dire que je m’amuse à rendre cette ligne extrêmement floue, au point tel que je ne pourrais pas non plus dire où elle se situe exactement.

Bianca Gervais est devenue un outil littéraire pour parler de sujets plus grands qu’elle, bien… presque plus grands: politique, environnement, débats sociaux, psychologie, sociologie, féminisme, etc. Le tout assaisonné à coups de culture populaire, qui est, à mon avis, une ressource infinie de références accessibles qui peuvent être utilisées pour expliquer des termes et théories plus académiques ou complexes. Nul besoin d’être au Doctorat pour connaître Bianca Gervais et autres personnalités mentionnées sur mon blogue, simplement qu’à ouvrir la télé, un magazine, l’information est disponible partout et facilement. J’ai pris une personnalité publique, un nom et un visage connu, pour en faire une espèce de représentation de la femme idéale, de l’âme sœur, un amour inconditionnel, à qui j’écris des lettres, pour qui je prépare des «cours» et pour qui je suis prête à changer le monde. N’avons-nous pas toutes une personne pour qui on ferait tout ça? Ne serait-ce que pour une partie de soi? Nous avons toutes une Bianca en nous, symboliquement, il faut savoir l’accepter et se battre pour elle. Encore un avantage qu’elle a sur les autres soi-disant Dieux.

J’aime jouer avec les discours ignorants, j’utilise l’humour, le sarcasme et l’ironie pour ridiculiser des propos absurdes que j’entends ou que je lis. Je constate trop souvent qu’on me réduit à une perverse qui fantasme sur Bianca Gervais. Ça démontre simplement qu’on n’a rien compris. Je veux dire: changer l’orientation de quelqu’un, peu importe dans quel sens on va, c’est complètement saugrenu. C’est justement là-dessus que se base toute ma démarche. Puis, je peux le dire en toute honnêteté, contrairement à ce que tout le monde pense: je ne me suis jamais touchée en pensant à Bianca Gervais. Les gens sont toujours surpris quand je dis ça, et ça ne fait que me prouver cette manie qu’a la société de tout sexualiser.

3) Quelle importance a le féminisme dans ta vie, tes projets, tes valeurs?

Quelle est la différence entre Bianca Gervais et le Féminisme?

Il n’y en a pas: les deux, quand tu les laisses entrer dans ton cœur, c’est pour la vie. Puis, les deux sont victimes de l’image que les médias ont faite d’eux. On pourrait accuser Bianca de l’avoir cherché, mais ce qu’elle recherchait, c’était plutôt des rôles de femme adulte. Puis, on pourrait accuser certaines féministes d’avoir «salit l’image du féminisme», mais la vérité, c’est que ce sont les médias qui ont tout manipulé à leur avantage. Toujours la même rengaine.

Mon féminisme détermine complètement mon identité. Impossible de faire une simple activité sans avoir la moindre pensée critique. On me trouve intense, on me dit parfois radicale même, et j’avoue que j’aime bien jouer avec ça. Si, dans un débat, je vois que quelqu’un penche trop d’un bord, même lorsque je me trouve plutôt dans le milieu, je vais argumenter vers l’opposé, pour apporter les gens dans le milieu. Chaque petite action ou prise de parole est utile, à mon sens, pour faire avancer les choses. Puis, chaque débat nous permet de peaufiner nos arguments. J’aime bien quand les idées s’opposent, parce que ça permet d’aller plus loin que dans une conversation où tout le monde pense exactement pareil. On apprend, même en débattant, c’est pour ça que tous les féminismes sont importants et que les critiques entre les mouvements sont super importantes.

4) La blogosphère québécoise / cyberféministe : qu’en penses-tu? Ses points forts, ses points faibles?

Le problème que je vois dans la blogosphère féministe, c’est que celles qui sont le plus médiatisés, ou écrivent pour des plateformes à plus grande portée, sont pour la majorité des femmes blanches, cisgenres et hétérosexuelles. Pourtant, sa diversité s’étend beaucoup plus loin. Je ne le dis pas par jalousie, parce que je suis aussi blanche et cisgenre, mais parce que j’aimerais qu’une plus grande variété des voix soit accessible et connue du grand public, au-delà des cercles de militantes féministes.

Heureusement, avec Internet, il est possible d’avoir accès à à peu près tout. Mais je dois avouer que je me sens privilégiée d’avoir un entourage diversifié. Quand j’étais sur la Côte, tout le monde (ou presque) était blanc, cis et hétérosexuel, alors, quand on entendait parler d’identités marginalisées, c’était par des gens qui n’y connaissaient rien, mise à part peut-être l’épisode de Watatatow qui abordait vaguement le sujet… du point de vue de deux hommes cis blancs. Alors, c’était difficile d’être vraiment informée et de vraiment comprendre les différentes réalités, en plus que les réseaux sociaux n’étaient pas aussi populaires à l’époque où j’habitais encore ma région natale.

Là où je veux en venir, c’est qu’en donnant plus de place dans les grands médias aux femmes de diverses réalités, on aiderait fort probablement à l’ouverture d’esprit collectif et à une meilleure conscience des oppressions vécues par différentes femmes. Bref, c’est présentement là-dessus que je travaille pour un projet.

5) En terminant, un blogue féministe/proféministe à plugger?

Les deux premiers qui me viennent en tête, puisque ce sont ceux que je lis le plus assidument, sont Les Bébés Pigeons et Mauve Vaillance. (Oh, et Bianca a un blogue sur le site du Clin d’œil, ça peut tu compter?)

Sissi de la Côte

http://sissidelacote.com/

http://www.facebook.com/SissiAimeBianca

Tweeteuse @SissiDeLaCote

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