La revanche des « chicks » (ou Ariane ne comprend rien au divertissement).

 

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( « Portrait of a young woman reading », Dean Cornwell, 1892.)

Je suis tout simplement incapable de mettre mon sens critique à « off » au nom du sacro-saint divertissement, et, croyez-moi, ce n’est pas parce que je n’ai pas essayé. À chaque saison chaude, j’essaie tant bien que mal d’alléger mes lectures, de regarder des films plus humoristiques et moins existentialistes, d’écouter des chansons plus pop et moins torturées. Résultat ; je me mords toujours l’intérieur des joues après approximativement 7 minutes de ces activités culturelles auto-imposées.

Par exemple, par un beau soir de semaine caniculaire, j’ai visionné le film (très intellectuel) « Bachelorette » ; un long-métrage ayant comme public cible les femmes de 18 à 35 ans, je dirais, et qui alignait les actrices avec beaucoup d' »indie-cred ». Kirsten Dunst partage la vedette avec Lizzy Caplan et Rebel Wilson dans une comédie (un-peu-pas-mal-vulgaire) légèrement tirée par les cheveux. Bon, jusque là, rien à signaler.

SAUF QUE. J’aimerais que l’on m’explique pourquoi il serait impensable que ce soit «la grosse fille avec une face de cochon» qui se marie en premier parmi sa « gang de filles »? ENTENDONS-NOUS, je suis tout à fait en désaccord avec la description faite du personnage de Rebel Wilson, que je trouve personnellement très charismatique et cute. Je suis simplement over-tannée des personnages de grosses filles un peu connes que toutes les actrices ayant un surplus de poids selon Hollywood semblent devoir incarner. Pensons à la charmante Melissa McCarthy qui, hormis son rôle dans la série culte Gilmore Girls, semble cantonnée à ne jouer que des filles-pas-de-classe dans des navets de la pire espèce.

SAUF QUE. J’aimerais que l’on m’explique pourquoi le personnage de Kirsten Dunst, une fille en contrôle sur sa vie, hyper-organisée en plus d’être sublime en toutes circonstances, ne demande, C’EST CERTAIN, qu’à être remise à sa place…en étant baisée sauvagement sur un comptoir louche de salle de bain, bien entendu, et ce par un homme arrogant. Parce qu’une fille qui agit « LIKE A BOSS » est nécessairement bossy, ce qui est négatif et demande à être corrigé par  nul autre que le sacro-saint pénis.

Je ne comprends simplement pas pourquoi ces clichés sont beurrés plus épais que le beurre de pinottes sur mes toasts (et ça, croyez-moi, c’est épais) et ce, dans un film s’adressant AUX FEMMES et fait PAR UNE FEMME. Il me semble que nous devrions être les premières à prouver qu’un film peut être léger, bon, intelligent et divertissant sans tomber dans la facilité et les clichés offensants pour la gent féminine.

Et il en va de même pour la grande majorité des livres s’adressant aux femmes écrits par des femmes et nommée la « chick-lit ». Si j’avais à choisir UN terme qui m’irrite particulièrement, ce serait d’ailleurs celui-là. Celui qui englobe tous les livres futiles ayant comme thématiques le magasinage, le prince charmant et les gins toniques, les potins, les talons hauts et la crème glacée mangée au litre après une peine d’amour. Comprenons-nous ; je n’ai rien contre ces dames qui trouvent ce genre de littérature divertissant, mais je m’inquiète quant aux messages véhiculés dans ceux-ci (ou plutôt ; par l’absence de…).

Je me hérisse toute entière à l’idée que des maisons d’édition en mal de revenus brainstorment des idées avec comme principe que les femmes sont une espèce frivole et superficielle qui ne demande qu’à se pâmer devant des histoires de beaux gosses riches et de sacoches Michael Kors.

J’aimerais tout simplement réfléchir à l’offre et à la demande ; exigeons-nous donc vraiment d’être assommées à grands coups de divertissement facile et boboche, vulgaire et sexiste, rempli de clichés et de préjugés? Suis-je simplement trop snob et paranoïaque?
J’aime penser que non.

J’aime penser que bientôt, nous créerons nous-même les films et les livres qui abattent les hauts murs des idées pré-conçues de ce que sont les femmes.

J’aime penser qu’il y aura plus de Chloé Robichaud et moins de Leslye Headland, plus de Martine Delvaux et moins de Sophie Kinsella.

Et vous?

8 Comments

  • Anne-Renaud
    15 juillet 2014

    Merci merci merci! Je me sens moins seule à faire des ulcères à présent! Le monde de la soi-disant «féminité» m’énerve au plus haut point! Cette culture sans âme qui fait la promotion de magazines à potins, films bonbons et autres curiosités m’horrifie. On vend aux femmes qu’il faut être bonne, belle et féminine. Pour atteindre cette «perfection» la meilleure voie est la superficialité, la naïveté et l’acceptation du patriacat… AHHHHHH!!! J’aimerais ne pas être torturée par la situation mais impossible pour moi de ne pas ressentir notre «charmante civilisation» comme un mirage qui ne tient pas ses promesses.

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  • Odile
    15 juillet 2014

    J’ai le même problème, ce qui fait que je ne consomme quasiment aucun  »divertissement léger » ou à peu près. Parce que c’est décevant à chaque fois de devoir s’identifier soit à une nouille molle où un grand con auquel le monde semble appartenir. En général, si y a un animal dans un film, c’est à lui que je m’identifie le plus.

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  • Marylie Savoie
    15 juillet 2014

    Je t’aime!
    J’ai écouté Scott Pilgrim vs The world cette semaine j’ai j’ai fini avec les mains couvertes de mordillement parce que je me retenais devant mes amis de commenter ce film atroce!
    Et la ‘littérature féminine d’été est selon moi plus du Kathy Reich avec son personnage fort, magnifique et humain ( Temperance Brennan) ou si on tient VRAIMENT à aller dans les histoires d’amour : Pride and Prejudice , les 4 filles du Dr March , ou les oeuvres de Benoite Groulx qui se lisent tellement bien à la piscine!

    Ah , je me suis faite à l’idée..Le féminisme me rends mésadaptée sociale et je dois commencer à l’assumer et savourer Ainsi soit-elle plutôt que de m’imposer Bridesmaids

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  • typhaine
    15 juillet 2014

    C’est clair que, quand on est féministe, c’est pas simple de se divertir ou de s’évader par le biais d’un film ou d’une série télé sans en ressortir complètement découragée.

    Ton texte m’a rappelé ce petit clin d’oeil de The Onion : http://www.theonion.com/articles/woman-takes-short-halfhour-break-from-being-femini,35026/

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  • MarieClaire
    15 juillet 2014

    Merci aussi de me faire sentir moins seule! Et j’ai maintenant un mot pour mieux dénoncer : le « sacro-saint » divertissement! Parce que s’il y a un outil champion du maintien du statut quo (et donc qui fait réagir les gens qui s’y sentent bien!), c’est bien le divertissement…

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  • FeministModel
    17 juillet 2014

    Marylie Savoie, tu me rejoins tellement! Les histoires de Benoîte Groult, j’adooore…. Les Vaisseaux du Coeur restent encore à ce jour la plus belle histoire d’amour jamais lue!

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  • La Digresse
    28 juillet 2014

    « Tu manques de légèreté… » m’a dit (souvent!) une (ex) amie. Moi je trouve que le reste du monde manque souvent de sérieux, mais bon… Pourquoi s’obliger à lire des livres « légers » ou écouter des films « de fille » si on n’aime pas ça? J’ai arrêté et je ne m’en porte pas plus mal!

    En ce moment, je lis les aventures de Soeur Fidelma, des romans policiers situés dans l’Irlande du VII siècle. Ou encore je pourrais relire (pour la 3ème fois!) « L’élégance du hérisson » pour sa prose si fantastiquement et parfaitement construite! Côté film, je cherche le documentaire qui a été fait récemment sur la nourriture de cafétéria dans les écoles publiques américaines. Tout ça m’intéresse infiniment plus que les niaiseries avec des soutien-gorges roses ou des vampires à l’âme torturée… ou même 50 nuances d’une couleur qui n’en est pas une!

    Bon été, tout le monde!

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  • Peter Bu
    24 août 2014

    Vous écrivez: « Comprenons-nous ; je n’ai rien contre ces dames qui trouvent ce genre de littérature divertissant (…) »

    Je ne suis pas sûr qu’elles lisent tous ces journaux de mode et de cancans en cherchant le divertissement. Ce serait plutôt par peur de ne pas être séduisantes. Et aussi parce qu’il y a quelques conseils pratiques utiles. Enfin quoi d’autre lire dans des salles d’attente des médecins qui reçoivent toute cette paperasse gratuitement (ce qui permet aux revues de gonfler leur tirages, et donc leur recettes publicitaires).

    Parmi ces lectrices il y en a beaucoup qui se croient libres et sûres de ne pas se laisser influencer par toute cette gadoue. Cependant, “On rencontre beaucoup d’hommes parlant de libertés, mais on en voit très peu dont la vie n’ait pas été principalement consacrée à se forger des chaînes.” Gustave Le Bon (Lisez “beaucoup d’humains”…)

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