Dialogues: les Hyènes en jupons

Dialogues est une série d’entretiens avec des nouvelles voix féministes de la blogosphère québécoise. Cette série inclura autant des blogues, des Tumblrs, des personnes écrivant sur différentes plateformes ou encore des personnes actives sur Twitter. 

Cette semaine, nous donnons la parole au tout nouveau collectif les Hyènes en Jupon.

1) Comment présenter en quelques mots votre blogue? D’où vient le titre?

Nous sommes avant tout un collectif féministe affinitaire. Notre démarche ne se limite pas seulement au blogue, bien que ce soit la facette du collectif qui est représentée sur le web. Nous souhaitons aussi avoir un impact au­-delà d’Internet à travers des événements et des actions militantes. Par exemple, nous avons appelé à un contingent féministe non­mixte à la manifestation anticapitaliste du 1er mai (fête internationale des travailleuses et travailleurs). Nous avons aussi distribué des tracts lors des fêtes nationales (24 juin et 1er juillet), afin de mettre de l’avant une critique féministe des nationalismes québécois et canadien. De plus, nous préparons une revue papier qui sera distribuée au début du mois de septembre et qui traitera du sexisme ordinaire. Nous lancerons également bientôt un deuxième blog qui invitera les femmes à partager et dénoncer leurs expériences quotidiennes de sexisme, en mettant de l’avant leurs stratégies de résistance.

Clash of the HyenasAu sujet du nom du collectif, qui est aussi le titre du blog, il s’agit d’une récupération d’un terme utilisé auparavant pour insulter les féministes. En Angleterre au 19e siècle, Mary Wollstonecraft a été qualifiée de « hyena in petticoats », soit un animal considéré comme agressif et portant des jupons. L’insulte a également été utilisée au Québec par Henri Bourassa, fondateur du journal Le Devoir, contre les Canadiennes qui réclamaient le droit de vote au fédéral au début du 20e siècle. Comme plusieurs féministes contemporaines, nous avons décidé de récupérer cette appellation pour en montrer le côté positif; soit l’aspect rassembleur des hyènes qui font tout en bande.

2) Comme vous êtes un blogue collectif, quel est votre fonctionnement? Pourquoi l’anonymat des billets de blogue?

Nous sommes un collectif parce que nous prenons les décisions ensemble, de la manière la plus consensuelle possible. L’anonymat nous permet de nous sentir libres de nous exprimer, sans préjudices extérieurs et sans crainte d’attaques privées et personnelles. Surtout, la publication en tant que collectif nous permet de parler au nom d’un « Nous­Hyènes », de nous exprimer à partir de notre expérience en tant que femmes et éviter de tomber dans la personnalisation du débat et l’individualisation des situations dénoncées. Nos expériences et réflexions méritent d’être entendues, peu importe qui nous sommes. Nous croyons qu’il ne suffit pas d’être féministe et d’agir sur une base individuelle pour transformer les choses, mais qu’il faut se rassembler et travailler sur une base collective, tout comme les hyènes qui se rassemblent pour attaquer leurs proies.

De plus, les textes ne sont pas signés, car même s’ils ont été rédigés par une ou plusieurs femmes du groupe, il y a un travail collectif de révision et de réflexion autour de chaque texte. Nous discutons ensemble des thèmes à aborder dans les prochains articles, nous écrivons plusieurs textes en groupe et avant de publier un article, nous en faisons une lecture critique pour l’améliorer autant que possible. Le fait d’apposer un seul nom à la fin d’un article masquerait l’aspect collectif de sa production ainsi que l’apport des femmes qui ont contribué à son enrichissement. Cet apport ne se situe pas seulement au sein du groupe, mais aussi dans les rencontres et les discussions que nous avons eues avec d’autres femmes et qui ont poussé notre réflexion.

3) Quels sont les sujets qui vous passionnent, qui vous rassemblent?

Nous nous sommes rassemblées autour de l’écriture d’une lettre qui dénonçait l’hégémonie du féminisme pop, suite à une controverse entourant Léa Clermont­Dion. Nous provenons de plusieurs milieux et avons différentes expériences de militantisme, mais nous partagions un agacement de voir toujours un même féminisme consensuel être mis de l’avant dans les médias. Nous nous situons davantage autour d’une analyse féministe radicale, qui attaque les causes de l’oppression des femmes (le patriarcat, le capitalisme…) plutôt qu’uniquement ses symptômes (industrie de la mode, sous­représentation des femmes en politique, etc.). Les sujets que nous abordons dans les articles sont assez variés, nous ne nous limitons pas à quelques thèmes. Certains textes sont plus théoriques, d’autres abordent des sous­cultures marginales, certains traitent d’expériences plus personnelles et nous aimerions également publier des créations artistiques à saveur féministe.

4) La blogosphère québécoise / cyberféministe : qu’en pensez­vous? Ses points forts, ses points faibles?

Commençons par les points forts. La présence de blogueuses féministes permet de donner une visibilité à certains enjeux féministes et contribue à attaquer le sexisme présent sur Internet. Cela permet aussi de réagir rapidement à des événements d’actualité à travers une analyse féministe qui n’existe pas ailleurs dans la presse écrite. Il y a des blogs collectifs ou anonymes très intéressants qui ont été créés dans les dernières années ou les derniers mois. Je suis féministe, par exemple, crée un espace de diffusion pour les féministes de différentes tendances. Françoise Stéréo est un autre exemple de blog collectif qui, bien que récent, présente déjà un contenu assez intéressant.

Toutefois, trop souvent, ce sont les mêmes femmes qui ont des tribunes. Cette situation mène à la création de blogueuses superstar, ce qui engendre une individualisation des débats féministes et projette un féminisme individuel plutôt que collectif. De plus, nous croyons qu’il manque une critique radicale dans ces espaces. Plusieurs se limitent à dénoncer des aspects qui font généralement l’unanimité, comme l’image de soi, les publicités, l’égalité salariale, etc. Il y a un lien à faire avec les médias dans lesquels elles écrivent. On n’a pas la même marge de manoeuvre dans un média comme Urbania que dans un blog ou une revue que l’on gère entre féministes. Dans Châtelaine, par exemple, le dernier article sur les blogueuses féministes présentait des femmes qui avaient déjà une tribune et les sujets abordés étaient assez superficiels. Au final, quand il y a un impératif de vente et d’atteinte d’un large public, les propos tenus sont souvent limités.

5) Selon vous, quels sont les enjeux primordiaux pour le féminisme aujourd’hui?

Pour beaucoup de personnes, le féminisme se résume à la renvendication d’une égalité entre les hommes et les femmes. Cette égalité se limite trop souvent à la parité en politique ou dans les entreprises, ou à l’égalité salariale. Avec cette vision circonscrite, on en vient à croire que les grandes victoires sont derrière nous et que le féminisme n’est plus tellement nécessaire. Après tout, si les femmes peuvent être politiciennes ou PDG, que veulent­elles de plus? Nous tentons de dépasser cette conception libérale et de mettre de l’avant une critique féministe radicale. Plus que jamais, nous affirmons que le privé est politique. Les femmes ont un salaire, mais continuent à assumer le travail ménager et le soin des enfants. Les femmes ont théoriquement accès à une sexualité libérée, mais continuent de vivre des agressions sexuelles, le plus souvent par un agresseur connu et assument largement le fardeau de la contraception. Les femmes peuvent s’habiller comme elles le souhaitent, mais subissent du harcèlement de rue.

Nous croyons qu’il faut continuer de lutter pour démanteler le patriarcat ainsi que dénoncer les autres structures fondamentalement inégalitaires comme le capitalisme et l’État. Malgré les efforts des féministes les plus marginalisées des dernières décennies, nous sommes d’avis qu’il manque encore énormément d’inclusion et de diversité au sein des féminismes en Occident et qu’ils sont toujours largement homogènes et privilégiés. Nous souhaitons aussi remettre de l’avant une analyse collective de l’intersectionnalité qui puisse tenir compte des différentes formes d’oppression : sexe, orientation sexuelle, classe sociale, origine, religion, couleur de la peau, etc. Si nous ne tenons pas compte de ces différents aspects, notre analyse ne sera que partielle et nos luttes ne seront jamais gagnées.

À ces réflexions, nous, les hyènes, proposons donc de chasser en groupe pour se défendre de ces structures d’oppression et pour attaquer nos prédateurs. Le travail en collectif nous permet d’élargir nos réflexions et de mordre sous plusieurs angles. Pendant que les attaques sexistes surviennent de partout, en bande, nous sommes fortes, et nous continuerons à mordre, crier et rire… tant qu’il le faudra.

:::

Vos liens

Facebook: https://www.facebook.com/hyenesenjupons

Twitter: @Hyenesenjupons

http://hyenesenjupons.com

 

1 Comment

  • femmes
    17 août 2014

    Il y a aussi des femmes qui s’aiment en tant que femmes : oui,elles aiment s’occuper des enfants, oui, elles peuvent faire des tâches ménagères et ouiii leurs corps est magnifique, c’est normal qu’il suscite le désir des hommes,comment avoir des rapport sinon ? Mais elles savent aussi comment faire pour éviter ce désir

    [Commentaire hors-sujet? Abusif? Spam?]

Post a Comment