Cheekies, muffins tops et bourrelets de fesse, on aime?

Il y a quelque temps, je me magasinais des sous-vêtements sur internet. Mon premier réflexe fut d’aller voir les culottes brésiliennes, celles que j’associe avec un confort plus important que le string. Celles qui sont politiquement correctes, au sens où, ce ne sont pas des culottes [de grand-mère] en coton, mais il reste tout de même que ce ne sont pas celles qui emballent ton chum, ou te transforme en stripper d’un soir.

Il se trouve que l’un des premiers choix obtenus sur le site de la Senza dans la section brésiliennes et cheekies, ce sont des presque bobettes, ayant la forme des classiques culottes en coton. Il semble pourtant que ces cheekies n’aient, en aucun cas, le confort de la culotte plate en coton. La première chose qui me vient en tête au moment où je tombe sur ces culottes nouvelle génération c’est un gros point d’interrogation.

Je ne sais pas si ce qui dérange le plus là-dedans ce sont les cordes qui, au lieu de fendent la craque de fesse en deux, te marquent la peau de fesse, pour laisser une marque rougeâtre, non plaisante sur les fesses, ou si encore. Ces culottes, je les nommerais « simplification de l’acte sexuel » puisqu’elles n’ont même pas de tissus. Au final c’est même pas la peine de les retirer. On simplifie encore la tâche aux hommes faut croire.

En y pensant bien, ces bobettes là m’ont fait réaliser que la lingerie féminine représente un sujet problématique de la pression émise sur les femmes, ces femmes qu’on veut images. La lingerie a pour double mission de dissimuler et de mettre en valeur, incohérence ici significative. Le sous-vêtement féminin doit répondre à l’impératif d’invisibilité. Il serait disgracieux de repérer par exemple, des traces de dentelle au travers d’une légère blouse, tout comme il serait disgracieux que la femme d’un homme public soit trop extravertie¹. Tout comme ses sous-vêtements, les femmes doivent encore se vêtir de façon sobre, classique ou douce. Plus encore, cette façon discrète de porter ces sous-vêtements s’apparente à l’attente de la douce virginité, alors que si les femmes se sous-vêtent de noir [vipère] ou de rouge [facile], ces couleurs soient « criardes », « apparentes » et plus « séductrices », rappelle la « tentatrice ». Les femmes « en rejetant les couleurs vives et en affirmant privilégier des couleurs comme le blanc ou les couleurs pastelles, [se conforment] à l’image que la société se fait d’elles, celle d’une féminité à l’esthétique mesurée et à la sexualité modérée. »

Plus encore, les femmes iront donc s’acheter de jolis sous-vêtements pour qu’ils doivent pourtant être parfaitement dissimulés. La forme du sous-vêtement, sa texture, sa couleur, doit varier selon le vêtement, tout comme la personnalité des femmes doit varier selon les situations, douce et gentille lorsqu’elle accompagne son copain chez la famille, énergique et enjouée lors des beuveries, calme et studieuse en classe, et j’en passe. Si chaque vêtement a son sous-vêtement, chaque situation à un type de personnalité codé. Cette connaissance implicite qu’ont les femmes du port de sous-vêtement fait partie des nombreuses « normess » de bienséances qui sont intériorisées par les femmes. Par exemple, quand je dis à mon copain qu’il serait beau avec des boxers plus moulant plutôt que ses vieux fruit of the loom, il m’assure que c’est à moi de lui en procurer si j’ai envie de le voir ainsi. L’impasse est ici clair. Cette intériorisation de la nécessité du sous-vêtement adéquat en fait un impératif, alors que les hommes semblent percevoir leur lingerie comme quelque chose de spécial que l’on doit s’offrir à nous même, pour se faire plaisir. Dans tous les cas, les femmes doivent s’offrir des sous-vêtements.

Le problème n’est donc pas que mon copain se sente bien et tout de même sexy dans ses vieux boxer en coton, c’est plutôt que si je souhaite le voir dans des sous-vêtements plus sexy, c’est à moi de les lui acheter, alors qu’il semble attendu dans la société que les femmes, de leur côté, doivent être sexy dans toutes les situations. Prêtes à tout, en tout temps. Il me semble que ce genre de commentaire révèle à quel point le corps de la femme est présenté comme une image. Une image fantasme qui promet plus souvent qu’autrement une déception dans la chambre à coucher puisque l’image est une représentation lisse et parfaite, un impossible dans la réalité.

Pour en revenir au cas des cheekies, j’aurais envie d’avancer qu’il s’agit d’une tentative de jumeler confort qui vient avec la bobette de coton, et de lingerie sexy. Pourtant, de fort doute subsistent quant au port de ce type de sous-vêtement qui semblent s’associer à « bourrelets de fesse » et « muffins tops ». Le problème n’est donc pas non plus que les femmes veuillent porter une jolie lingerie que ce soit pour elles-mêmes ou pour leur partenaire. Le problème c’est le sentiment de performance constant qui est associé à la lingerie et la représentation hypersexualisée du corps des femmes. Ce corps de femme qui doit être laqué en tout temps, vêtu d’une dentelle éternelle et enjôleuse.

Pourtant, il me semble que dans l’intimité du couple, ces pressions tombent en un certain sens, même si d’autres persistent. Si je porte mes culottes en coton qui sont ultra confortable et beaucoup plus friendly avec ma santé vaginale, je suis certaine que mon copain me désirera quand même.

Il faut laisser tomber les vieilles associations où plus la lingerie se trouve à être raffinée, de couleur transgressive et sensuelle, tel que le noir ou le rouge, plus elle doit se tenir que dans la sphère privée. Noir et rouge qui sont des couleurs aux connotations plus extravagante, signifiant que les femmes peuvent s’exprimer complètement dans la sphère privée alors que dans la sphère publique elles doivent se réserver, se vêtir et sous-vêtir des douces couleurs de la virginité.

Au final j’aurais envie d’assumer que je suis quand même sexy dans mes culottes en coton. Qu’être sexy ne dépend pas de la forme de mon corps, de mes vêtements, de mes sous-vêtements, mais de mon attitude, et de la façon dont j’embrasse le corps que je possède.

¹Voir le dictionnaire critique du sexisme linguistique à l’entrée ornement


Cyr, M. F. (2005). Les modèles de relations homme-femme dans les images publicitaires de quatre magazines féminins québécois de 1993 et de 2003. Du couple Harlequin au couple égalitaire menacé. Recherches féministes18(2), 79-107.

GOFFMAN, Erving, 1977 « La ritualisation de la féminité », Actes de la recherche en sciences sociales, 14 : 34-50.
Mardon Aurélia, « Les femmes et la lingerie : Intimité corporelle et morale sexuelle », Champ psychosomatique, 2002/3 (no 27), p. 69-80.

1 Comment

  • geneviève M.
    12 octobre 2017

    J’ajouterais même que l’image nous trompe même jusque dans les publicités. Si ma mémoire est bonne, les mannequins de la senza, voire même la majorité des mannequins pour lingerie/sous-vêtements ont des silhouettes hors d’atteinte. Impossible de recréer l’effet de la brésilienne sexy ou du string qui s’étire et se dépose sur les hanches. Dans tous les cas, ça tire trop, ça coince dans les fesses ou pire encore, ça crée des bourrelets !!

    [Commentaire hors-sujet? Abusif? Spam?]

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