Vos témoignages #moiaussi #metoo

Dans notre dernier éditorial, l’équipe de Je suis féministe s’est adressé à vous. Les événements des dernières semaines nous ont fait réfléchir sur l’acte de témoigner. Bien que le mot-clic #moiaussi ait permis à des milliers de femmes et d’hommes de partager leurs histoires, nous avons réalisé qu’il est parfois très difficile, voire impossible, pour certain.es de témoigner. C’est pourquoi nous vous avons donné la possibilité de témoigner de manière anonyme ou sous un pseudonyme en nous envoyant vos mots.

Votre parole est légitime et nous désirons y faire honneur.

Nous tenons à vous remercier pour votre confiance.

 

 

 

 

 

Témoignages

 

Eve-Lyne (nord-américaine, hétéro, privilégiée et consciente) 

Je ne comprenais pas pourquoi cela m’avait autant atteinte, pourquoi je me sentais aussi mal et pourquoi j’en avais des nausées… J’ai toujours aimé penser que je suis une femme forte, une femme difficile à ébranler. Pourtant un jour, dans le trafic pour prendre le pont Jacques-Cartier, une situation m’a prouvé le contraire. En voiture, je me fais faire un « coup de cochon » par un homme en camion. Comme je suis qui je suis et que j’ai rarement peur de m’exprimer, je lui manifeste mon mécontentement par un petit coup de klaxon. En réponse à ma plainte, le jeune homme se retrouve rapidement à ma hauteur et descend sa fenêtre pour m’adresser quelques commentaires inattendus et dégradants sur mon corps. À ce moment-là, si j’avais été cohérente envers moi-même, j’aurais dû rugir, j’aurais dû exploser de rage, m’emporter avec véhémence face à ce comportement. Au lieu de quoi, en contradiction à tout ce que je suis, je me suis repliée sur moi-même. Rouge jusqu’à la racine des cheveux, j’ai fermé la fenêtre de ma voiture et j’ai regardé en avant, honteuse jusque dans les bas-fonds de mon ventre (de quoi ? à ce jour, je ne le sais toujours pas). Il a semblé que cette première victoire n’était pas suffisante pour notre cher conducteur ; il ne lui suffisait pas de me rappeler qu’en tant que femme, je n’ai pas la crédibilité nécessaire pour juger de son incompétence à conduire, puisque je ne suis qu’un corps sexué, objet de son désir. Non ! Il a fallu qu’il aille encore plus loin en me poursuivant sur toute la distance du pont pour réitérer, par des gestes grossiers, à quel point j’étais désirable à ses yeux ; il a fallu qu’il aille jusqu’à me faire peur. Je n’avais plus seulement honte, j’avais les tripes nouées et le cœur qui battait la chamade sans même être en mesure d’expliquer pourquoi…

Nos chemins ont fini par se séparer, mais encore aujourd’hui, je suis profondément troublée par cette rencontre et le sentiment amer d’imposture qu’elle a laissé en moi. Ce jeune homme, ce matin-là, s’est réellement rendu jusqu’au bout pour me rappeler ma condition de femme, moi qui l’avais si bêtement oubliée, moi qui me croyais si forte. Je ne me suis jamais sentie aussi vulnérable et impuissante qu’à cet instant précis. Nous, femmes, avons beau penser que nous sommes fortes, intelligentes et que notre statut/place est acquis(e), il y aura toujours des individus dans la société qui s’empresseront de nous rappeler que pour plusieurs, la femme est encore un objet et que, pour cause, nous ne sommes pas en sécurité. Je constate, depuis quelque temps, que les moments où j’ai eu le plus peur dans ma vie, réellement peur, étaient tous liés à une situation où la sexualité était en cause… Alors oui, pour cela, il vaut la peine de dire #moiaussi #metoo.

 

 

 

Ana :

J’ai 14 ans. Mes potes regardent beaucoup de porno puis miment des scènes sur moi, notamment en se collant à mes fesses lorsque je suis penchée pour remplir mon sac de classe. Ils rigolent quand je m’énerve en me disant que je devrais être contente d’être « baisable ».

J’ai 16 ans. Fête où l’alcool coule à flot, c’est ma première cuite. Je me vomis dessus ; je fais un coma. Une amie change mon pantalon. Dans la voiture du retour, un autre ami m’embrasse pendant tout le trajet alors que je suis à peine consciente.
J’apprends plusieurs mois plus tard que ces deux soi-disant amis ont fait un pari entre eux pour savoir lequel allait me dépuceler. Je ne sais pas combien de temps j’ai été inconsciente cette nuit-là ni exactement ce qui s’est passé.

J’ai 19 ans. Alors que j’attends de pouvoir traverser à un passage piéton, un vieil homme passe derrière moi et me met une main aux fesses. Je l’insulte en le frappant, mais il continue sa route sans me regarder.

J’ai 20 ans. En soirée chez une amie, je couche avec un garçon qui me plaît. Le lendemain, une fille me dit que je suis vraiment une salope. Je m’isole en pleurant. Je sens alors du sperme me couler le long des jambes : je ne comprends pas, car le mec était censé avoir mis une capote… Il devient mon copain. Une nuit, il me réveille en se collant à moi et en essayant de me pénétrer. Je le repousse, il râle et se rendort.

J’ai 22 ans. Je sors avec un garçon plus âgé, tout le monde trouve que nous formons « un couple parfait ». En réalité, il me détruit et me terrifie : il m’utilise comme un objet sexuel dont il dispose à sa guise. Je n’ai aucun plaisir sexuel avec lui. Il me manipule dans tous les sens pendant l’acte, je me laisse faire comme une poupée. Il m’oblige à faire des choses qui me répugnent. Quand je lui demande de faire plus attention à mon plaisir, il répond en s’énervant que je pourrais faire plus d’efforts. Quand je lui demande de ne pas se lever du lit directement après avoir éjaculé, mais de continuer les câlins au lit, il finit par me dire que mon vagin plein de sperme le dégoûte. Lors de son stage à l’étranger où je le rejoins, il me viole.

J’ai 23 ans. Je me révolte contre l’ambiance ultra-sexiste de mon école d’ingénierie. Je vais parfois en soirée en soutif, tandis que nombre de mecs sont simplement en caleçons. Un nombre incalculable de mecs viennent me toucher les hanches, et je passe ma soirée à repousser leurs mains et à leur expliquer patiemment que ce n’est pas parce que je montre mon ventre que celui-ci est en libre accès.

J’ai 24 ans. Je suis dans une relation de plan cul régulier avec un pote. Il me fait parfois mal pendant l’acte, je le soupçonne de regarder beaucoup de porno. Il ne m’écoute pas quand je lui dis d’arrêter, parce que je n’ai plus de tout envie, voire, que je commence à avoir mal. Il est choqué qu’une fille puisse décider de la fin de l’acte sexuel alors qu’il n’a pas fini. Une fois, en me douchant juste après avoir couché avec lui, je sens un bout de capote sortir de mon vagin : je lui demande comment c’est possible. Il me répond que « ah oui, la capote à craquer et je me doutais qu’un bout était resté en toi, mais je ne comptais pas te le dire ».

J’ai 25 ans. Je vais jeter les poubelles, un vieil homme en camionnette s’arrête à ma hauteur et me demande si je veux monter dans sa camionnette pour aller m’amuser chez lui.

J’ai 26 ans. Je rentre chez moi de nuit, un homme me rattrape à la sortie du tram. Il me demande d’enlever mes écouteurs, commente mon physique, me demande si j’ai un copain, où j’habite exactement, mon numéro. Je lui réponds 6 fois que son attitude me met mal à l’aise et que je n’ai pas envie de lui parler. Il continue de me suivre. Je cours demander de l’aide à une femme qui se promène.

 

2 Comments

  • Yasmine Benzidane
    8 novembre 2017

    On réalise les problèmes tabous de la société. Ces problèmes sont niés et banalisés. On en perd le sens du respect et de l’égalité. On se retrouve dans cette culture qui continue perpétuellement à encourager et à justifier te tels actes d’agressions sexuelles. Femmes du XXIe siècle, nous n’avons pas fini de revendiquer, dénoncer, crier et s’opposer à toutes ces injustices et répressions envers notre sexe. Certains diront que l’idée de vivre dans une société égalitaire dans toutes les sphères de la vie est bien trop utopique et irréaliste, mais j’y crois éperdument.

    J’adore votre blog, je m’y ressource et m’y retrouve. Il faudrait davantage de plate-forme comme la vôtre qui donne une voix aux femmes.

    Merci encore!

    [Commentaire hors-sujet? Abusif? Spam?]

  • Ines
    13 juillet 2018

    Ines

    Ma mère avait 26 ans 1956.
    Elle était une jeune femme libre pour son époque, belle, heureuse.
    Elle chantait dans les bars de Saint-Germain des prés.
    Elle est tombée enceinte d’une relation d’un soir.
    Elle est partie en suisse se faire avorter, parce qu’en france c’était interdit, parce qu’elle avait suffisamment de sous pour le faire.
    Elle n’a rien dit à personne, elle avait honte.
    Le médecin avorteur suisse l’a violée.
    Sous péridurale.,
    Juste avant l’avortement.
    Elle à payé en liquide le « geste médical, cher, au propre et au figuré.
    Elle est rentrée chez elle, elle n’a rien dit à personne.
    Elle s’est marié, à eu des enfants, elle ne nous à rien dit.
    A 30 ans j’ai débuté une analyse.
    Elle m’a parlé, a parlé, de cette histoire pour la premières fois de sa vie.
    Elle disait « tu sais, ce n’est pas un viol, Je ne me suis pas débattue ».
    J’ai enfin compris d’où venait ma phobie du viol.
    J’ai compris que je n’étais pas folle.
    Défendons l’avortement libre et gratuit.
    Défendons les femmes, et nos droits acquis.

    [Commentaire hors-sujet? Abusif? Spam?]

Post a Comment