Pourquoi je n’ai pas besoin du féminisme

Non, je n’ai pas besoin du féminisme.

 

Pas personnellement. Individuellement. Un peu, mais ce n’est pas le point. Ce qui est certain, c’est que des millionnes d’autres personnes en ont bien plus besoin que moi. Je me considère comme forte, indépendante et surtout, privilégiée. Dans tous les sens du terme. Oui, cela ne m’empêche pas de vivre des injustices. Mais somme toute, je vais bien. Je peux même dire que je suis heureuse. Que quotidiennement, je frôle le bonheur.

 

Pour ça, je pourrais remercier longtemps, louanger de nombreuses personnes et de nombreuses causes, mais ça ne signifie pas pour autant que les luttes soient gagnées. Bien au contraire.

 

C’est justement parce que nos batailles produisent de petites et de grandes victoires qu’elles méritent d’être poursuivies, encouragées. Devant l’arène, ce n’est pas parce que notre lutteur préféré gagnerait plusieurs matchs d’affilée que nous arrêterions de le supporter.

 

Ce n’est pas que MOI qui ai besoin du féminisme, c’est NOUS.

 

Nous, les femmes, mais pas juste les femmes, tous. C’est nous tous qui en avons cruellement besoin. Parce qu’un monde qui se construit sur des principes d’iniquité est un monde qui se détruit.

 

Et alors que le mouvement féministe prend une ampleur nouvelle depuis les dernières années, des réfractaires trouvent encore le moyen de résister. Ces personnes s’opposent aux cris du cœur justes et sincères lancés sur les médias sociaux comme dans la rue. Des gens d’horizons divers pour qui féminisme rime avec mouvement extrémiste nuisible et potentiellement dangereux ou bien chose du passé inutile et exagérée.

 

Ces fémino-sceptiques (oui, je viens de les baptiser), hargneux ou indifférents, c’est à eux que je veux m’adresser.

 

Tu en fais partie? Lis-moi bien, car je n’invente rien.

 

Chaque minute, un peu partout autour du globe et probablement même sous ton toit, des femmes, des filles, des fillettes souffrent, silencieusement ou en hurlant, seule ou devant témoins, consciemment ou inconsciemment, pour leur seule condition d’être née de sexe féminin.

 

Parce qu’on ne leur donne pas les mêmes droits, pas la même parole, le même respect, la même écoute, la même paye, le même cadeau, la même place, le même traitement, le même rôle, la même facture, la même valeur que leurs semblables masculins qui n’ont rien demandé, qui ont tout pris, sans le vouloir peut-être, armés de cet ego que nous avons tous laissé enfler.

 

Comment? Avec nos blagues, nos émissions de télé, notre système d’éducation, notre vote et nos soins de santé. Ce ne sont que des exemples vides, balancés là comme autant de choses mortes auxquelles nous avons pourtant choisi de donner une couleur. Rose tendre et soumis pour les femmes, bleu royal et puissant pour les hommes. La plupart du temps.

 

Mais nous ne sommes pas sur ce blogue pour parler des exceptions, elles se portent très bien toutes seules. Nous sommes ici pour dénoncer ce qui ne va pas du tout et proposer des solutions.

 

Ce n’est pas parce que tu ne côtoies pas les inégalités dans ton entourage immédiat, ou que tu fermes les yeux sur elles, qu’elles n’existent pas. Moi aussi je préférerais que nous n’ayons pas besoin du féminisme. Ce serait plus facile de me cacher.

 

Mais c’est justement parce que ces inégalités ne m’empêchent pas de vivre que je continue d’avancer. Si j’ai la chance de ma liberté, quoiqu’imparfaite, je me dois de travailler pour ceux qui l’ont perdue ou n’y ont jamais goûtée. Si chaque privilégié.e soutenait ceux et celles d’entre nous qui le sont moins, l’échange serait profitable des deux côtés et le bonheur, pandémique.

 

Alors non, je n’ai pas tout à fait besoin du féminisme dans le sens où tu l’entends, dans le sens où ma petite survie en dépendrait. Je pourrais me taire et me satisfaire d’un bien-être beige. Mais j’aspire à davantage. Et c’est de notre évolution, de notre communauté planétaire, universelle, qu’il en dépend.

 

Ouvre-tes œillères, j’écris pour toi.

 

Je ne détiens pas la vérité, ni personne d’autre d’ailleurs, mais j’essaie, du mieux que je peux, de te partager une vérité qui te rapprocherait de celle des autres, qui te reconnecterait au monde, en passant, comme l’écrivait Lenoir, « de l’ignorance à la connaissance, de l’obscurité à la lumière, de la peur à l’amour[1] ».

 

Je n’écris pas pour nous qui venons lire sur cette plate-forme au nom équivoque ce que nous pensons, constatons, pressentons déjà à travers chaque fibre de notre âme, de notre corps, de notre esprit infatigable.

 

Je rêve surtout de parler à ceux qui tombent sur ce site par hasard, guidé par la toile que tisse Internet autour d’eux.

 

J’aimerais leur dire qu’il fait jour. Qu’ils n’ont qu’à regarder dehors. Qu’il est temps de faire mieux. Des femmes attendent.

 

[1] LENOIR, Frédéric, L’âme du monde, Pocket, Paris, 2012, p. 129.

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