Mes tattoos font partie de moi : tatcalling et harcèlement de rue

L’été, il fait chaud, on a le corps plus à la vue. Pour plusieurs, il s’agit du retour obligatoire d’un cauchemar lourd, la saison et l’apogée du harcèlement de rue.

 

Évidemment, en tant que femme, j’ai essuyé beaucoup de catcalls au cours de ma vie, depuis un âge à seulement un chiffre. Je me suis fait crier à peu près tous les « compliments »  qui existent par des inconnus dans la rue. Si je ne me fais pas aborder d’une telle façon une journée, je reviens chez moi le soir en souriant, parce qu’il y en très peu, des jours comme ça dans mon été.

 

Il est maintenant de plus en plus difficile de nier comment le harcèlement de rue est néfaste et violent. Tout le monde en est plus conscient. Enfin j’espère.

 

Cependant, en vieillissant, j’ai eu l’immense plaisir de connaître de nouvelles sortes de remarques à mon égard. Les catcalls habituels sont toujours présents, bien entendu. Mais depuis que j’ai plusieurs tattoos visibles, les commentaires que je reçois ont pris un chemin différent, pour mener à des situations bien spécifiques. Je ne savais même pas qu’elles étaient possibles.

 

À présent, on m’arrête systématiquement dans la rue pour me complimenter sur mes tattoos, leurs couleurs, leurs formes, le dessin en général, name it.

 

Plusieurs m’arrêtent directement pour me parler, comme si j’étais leur amie, pendant que d’autres se contentent de me dévisager, de me regarder de bas en haut, de fixer mes parties de corps avec des dessins de façon impressionnée ou dégoutée, c’est selon. Je ne me suis certainement pas fait tatouer en me disant : Yeah, je vais me faire harceler dans la rue à tous les jours ! Mais voilà, c’est ça qui arrive.

 

Parce que j’ai des tattoos, parce que ma peau est plus colorée que la moyenne, les gens se permettent de m’arrêter dans la rue, dans le métro, de me questionner sur l’endroit d’où je viens, l’endroit où je suis allée, de me parler du fait qu’ils ont déjà vu un design de tattoo dans le genre ou non. Les plus dédiés à ma cause en profitent pour m’inviter à une quelconque date, suivi de clins d’œil pas très subtils. Mais vraiment, la majorité se contentetout simplement de me regarder et de me traiter comme une toile dans un musée.

 

La plupart des gens sont bien intentionnés, évidemment. Mais de « bonnes intentions » de la sorte chaque jour, ça devient épuisant. Plus j’y pense, plus ces bonnes intentions tombent tranquillement du côté du harcèlement de rue dit ordinaire. En quoi est-ce vraiment différent de commentaires comme : tu as vraiment des belles jambes, fesses, etc? Mes tattoos font partie de moi, de mon corps, de mon parcours de vie, mais aussi de la personne que je suis à l’intérieur. Plus les commentaires fusent, plus j’ai de la difficulté à comprendre la différence entre les commentaires d’harcèlement de rue dit classique et ceux-là.

 

Quand j’en parle aux gens dans mon entourage, la réponse est toujours : tu n’as qu’à mettre des vêtements plus longs, quand tu ne veux pas qu’on te parle. Encore une fois il me semble avoir déjà entendu ça quelque part, habille-toi en conséquence, si tu ne veux pas qu’on t’aborde…

 

C’est encore aux femmes, cis et trans, de se vêtir plus pour ne pas attirer les regards. Juste de les laisser être dans l’espace public, c’est trop difficile.

 

Même s’il s’agit de commentaires qui ne visent pas à me faire directement du mal, je ne peux que ressentir du malaise en m’apercevant que mon corps ne m’appartient pas complètement dans l’espace public. Il semble que n’importe qui ait le droit de m’arrêter, de me poser des questions, de me féliciter, etc. Et chaque fois, je me sens un peu plus comme une intruse. Chaque fois que je suis en public, entourée de gens, il est presque indéniable que je reçoive un de ces quelconques commentaires. Aussi bien intentionnés ou admiratifs qu’ils soient, je ne peux encore pas tout simplement être. Je ne peux pas être invisible, mon corps n’est pas anonyme, je suis obligatoirement présente, aux yeux de tous, et supposément ouverte à tout le monde. Je suis une femme dans l’espace public.

 

Je serais vraiment curieuse de savoir à combien d’hommes cis avec des tattoos ce genre de situation arrive et s’ils reçoivent effectivement les même commentaires,  s’ils sont suivis d’offres de rendez-vous douteuses et de regards insistants. S’ils les reçoivent de la part d’autres hommes, et à la même fréquence que moi.

 

J’en doute, fortement.

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