Shout out aux femmes de mon 8 mars

En cette journée du 8 mars, les marques se seront empressées de vous vendre leurs réductions à 20 % pour leur nouvel aspirateur révolutionnaire. Votre tendre moitié aura arboré son plus beau sourire au saut du lit pour vous souhaiter une bonne fête, parce qu’elle se sera vaguement rappelé qu’aujourd’hui il faut être gentil avec vous. Et vos collègues masculins, dans leur grande magnanimité, mettront leurs blagues tout droit sorties du recueil de l’Oncle Gérard au vestiaire. Mais pas d’inquiétude! Elles seront là demain, parce qu’on aura de nouveau le droit de dire tout ce qu’on veut.

 

Aussi, en cette journée, on va ressortir les grandes icônes de la lutte : Simone de Beauvoir, Simone Veil, Badinter, Halimi… Et avec raison! Mais il est des femmes dont on ne parle que trop peu, voire jamais, et le 8 mars aura été une belle journée pour les célébrer.

 

Tout d’abord shout out aux femmes trans qui se sont battues pour que moi, petite personne queer, je puisse avoir des droits. Shout out à Miss Major, Marsha P. Johnson et Sylvia Rivera, qui étaient présentes à Stonewall en 1969, et ont propulsé le mouvement pour les droits LGBT sur la scène internationale. Shout out aux femmes trans dont l’espérance de vie est de 35 ans. Shout out à ces femmes qui sont une des communautés les plus touchées par les violences faites aux femmes, notamment les femmes noires trans, 2018 ayant été l’année la plus meurtrière. Shout out pour Londonn Moore Kinard qui avait seulement 20 ans quand elle a été assassinée l’année dernière. Shout out pour toutes celles dont les noms ont été effacés, dead-namées[1] par la police ou leur famille.

 

Shout out aux travailleuses du sexe qui en juin 1975 à Lyon, en France, ont occupé des églises de Saint-Nizier pour manifester pour leurs droits et contre les répressions policières abusives qui faisaient déjà rage à l’époque. Shout out à Annie Sprinkle, Scarlot Harlot, Claire Carthonnet, figures du féminisme pro-sexe, qui se battent pour la décriminalisation du travail du sexe, ainsi que pour les droits et la protection des travailleur.se. s. Shout out pour Vanesa Campos qui était assassinée après avoir été agressée par huit hommes en 2018. Shout out pour ces femmes qui sont toujours exclues lors des prises de décision concernant leurs droits. Shout out pour elles qui viennent quand même nous soutenir lors de nos manifestations, comme #NousToutes le 24 novembre 2018 à Paris, même si nous ne sommes jamais là pour elles lorsqu’elles défilent.

 

Shout out aux femmes noires qui se battent avec force et dont on oublie trop souvent les noms. Shout out à Tarana Burke qui depuis plus de 10 ans se bat contre les violences sexuelles. Shout out à celle qui a créé #MeToo pour que les victimes sortent de l’isolement et aient enfin la parole. Shout out à Therese Okoumou qui le 4 juillet 2018 a escaladé la Statue de la Liberté pour dénoncer la politique de « Tolérance Zéro » de Trump concernant l’immigration. Lors de son arrestation, elle a rappelé que « dans une démocratie, on n’enferme pas des enfants dans des cages ». Shout out à l’athlète Caster Semenya qui a dû prouver qu’elle était bien une femme à la Fédération internationale d’athlétisme après que son physique a été jugé trop masculin. À 18 ans, elle se fait siffler par le public berlinois à cause de la rumeur.

 

Shout out à Daisy Osakue qui en Italie s’est vue jeter un œuf à la figure parce qu’elle était noire.

 

Shout out aux femmes handicapées qui font partie des grandes oubliées des revendications féministes, ainsi que de la lutte contre les violences faites aux femmes. Les femmes handicapées sont 1,5 à 10 fois plus exposées au risque d’être victimes de violences sexuelles. « Un rapport de l’Union européenne s’appuyant sur une conférence de la militante Lydia la Rivière Zijdel, qui elle-même mentionne sans les citer des études dans plusieurs pays, indique quant à lui que près de 80 % des femmes handicapées sont victimes de violences psychologiques et physiques […] »[2].

 

Le 8 mars est aussi une bonne date pour se rappeler que le féminisme n’est pas un débat, ni une conversation entre deux pintes, mais une révolution que l’on ne mènera à bien que TOUTES et TOUS ensemble. Comme le dit si bien Virginie Despentes, « il ne s’agit pas d’opposer les petits avantages des femmes aux petits acquis des hommes, mais bien de tout foutre en l’air. »[3]

 

Shout out à Munroe Bergdorf, Naomi Wadler, Emma Gonzalez, Amandla Stenberg, Indya Moore, Chidera Eggerue, Megan Crabbe, Tess Holliday, Lizzo, Jameela Jamil, Alexandria Ocasio-Cortez, Ramona Slick, Miranda Tacchia, Rachel Cargle, Ericka Hart, Ilhan Omar, Audre Lorde, Maya Angelou, Jackie Shane, Angela Davis, Bamby Salcedo, Barbara Jordan, Jeanne Cordova, Rita Hester, Holly Woodlawn, Gwen Amber Rose Araujo, Edie Windsor, Jessie Mae Robinson, Phyllis Lyon, Del Martin, Christine Jorgensen, April Ashley, Bessie Smith, Lady Chablis, et beaucoup plus encore.

 


[1] « Dead name » ou « dead-namer » : Nommer la personne trans par le nom qui lui avait été assigné à la naissance. Le prénom de la personne trans est celui avec lequel elle s’est présentée à vous, point.

[2] Article de Aude Lorriaux pour Slate : « Il avait senti le filon, la fragilité physique et psychologique », 24 nov. 2018. https://www.slate.fr/story/170316/agressions-sexuelles-femmes-handicapees-tabou

[3] Extrait de King Kong Theorie, de Virginie Despentes, 2006, Éditions Grasset.

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