L’avortement: pas tout à fait acquis et encore très fragile

Ce 28 septembre 2011, c’était le « Jour pour la dépénalisation de l’avortement en Amérique Latine et aux Caraïbes » (pour celles qui lisent l’espagnol entrez « Despenalización del Aborto en América Latina y el Caribe » dans un moteur de recherche et une pluie d’articles apparaitra… ou cliquez sur tous les liens que j’ai inclus ci-bas!). Je ne suis pas une experte en la question, mais il semble qu’il n’y a qu’à Cuba où l’avortement est libre, dans tous les autres pays visés, il serait soit interdit, soit très lourdement restreint.

Il faut savoir qu’au Mexique, il n’y a que le Distrito Federal (Mexico, DF) qui permet l’avortement libre durant les 12 premières semaines de grossesse. En effet, dans la capitale, le seul désir de la mère de mettre un terme à sa grossesse est considéré comme une raison suffisante. Dans certains autres états, diverses raisons le permettent, par exemple, si la vie de la mère en dépend, si la grossesse est le produit d’un viol, si la poursuite de la grossesse peut nuire à la santé physique de la mère… mais, mes raisons préférées sont les suivantes : dans quelques états seulement, il n’est pas criminel que la grossesse soit interrompue de façon naturelle (comprendre : si tu fais une fausse-couche, on te mettra pas en prison), aussi la grossesse peut être interrompue dans le cas où la santé mentale et/ou physique de la mère peut être affectée (on n’arrête pas le progrès !) et dans d’autres, si la mère a déjà 3 enfants ou plus ET est pauvre. Oui, vous avez bien lu. Cependant, plusieurs organisations féministes affirment que dans la plupart des états, les critères ne sont pas considérés par les médecins, et les avortements ne sont pas pratiqués. Sans compter les quelques états où il est complètement interdit d’avorter, peu importe la raison. Il va sans dire qu’on ne comptabilise pas les morts de femmes suite à des avortements clandestins, puisque si elles avouent s’être fait avorter quand elles se rendent à l’hôpital, on ne les soigne pas, on appelle la police !

Enfin, s’est tenu dans la ville de Mexico ce même jour un vote crucial sur la question. À 7 contre 4, les juges de la Cour Suprême de Justice de la Nation (Suprema Corte de Justicia de la Nacion[1]) ont voté en faveur de la motion d’inconstitutionnalité de la modification du 7e article de la Constitution de Baja California, selon laquelle modification la protection de la vie commence dès le moment même de la conception. En clair, l’État de Baja California veut modifier sa Constitution afin que le droit à la vie soit garanti dès que le spermatozoïde rencontre l’ovule. Mais la cause a été portée en appel devant la Cour Suprême (SCJN) parce que l’on prétend que cette réforme est inconstitutionnelle (!). 7 juges ont également trouvé que cette interprétation brimait les droits des femmes et était inconstitutionnelle en vertu de la Constitution des États-Unis du Mexique. Or, pour annuler la Réforme de l’article, il eut fallu 8 votes. Donc, même si seulement 4 juges ne trouvent pas cette interprétation inconstitutionnelle, Baja California pourra modifier sa Constitution, avec la bénédiction du plus haut tribunal du pays.

Depuis trois jours, les téléjournaux et les journaux font états de débats et de divers faits entourant l’avortement. Cela va de statistiques sur le nombre annuel d’avortement dans chaque État mexicain, aux dénonciations de la part de groupes féministes, en passant par les analyses juridiques des droits concédés par la Constitution.

Notons que certains des 4 juges se sont prononcés en faveur de cette interprétation non pas parce qu’ils ou elles sont contre l’avortement, mais bien parce qu’ils ou elles pensent que chaque État mexicain devrait être libre d’avoir les législations qui lui plaisent. Ces juges ne voulaient pas BRIMER le droit fondamental d’un État de légiférer pour protéger la vie. On voit ici leur grand sens de la justice. Les groupes antichoix remercient Dieu pour avoir « illuminé » 4 des juges, alors que les groupes prochoix sont complètement affligés, dénoncent la pénalisation des femmes et mettent en garde contre cette offensive qui pourrait bien faire jurisprudence et faire régresser d’autres droits des femmes. Heureusement, le chef du gouvernement de la capitale (qui est un État en soit) c’est prononcé contre ce jugement et appelle à une modification. Espérons qu’il sera entendu!

Est-ce que le droit d’un État à légiférer et modifier sa Constitution est plus important que les modifications qu’il veut apporter ?

Et c’est pas fini…

Non ! Ce jeudi 29 septembre 2011, commence l’audition par ce même Tribunal d’un cas semblable de modification constitutionnelle de l’État de San Luis Potosi. Et on annonce déjà que la question n’est pas de se prononcer sur l’avortement, mais bien sur la constitutionnalité de la réforme… ça promet !

… c’est rien qu’un début !

Au Canada, un député conservateur veut rouvrir le débat sur l’avortement. Oui, oui.

Est-ce qu’une majorité confère au Gouvernement Harper l’autorité nécessaire de faire reculer le pays de plus de 20 ans ?

Préparez vos pancartes les femmes, on s’en va dans la rue !


[1] Pour les Twitteuses hispanophones, vous pouvez trouver de précieux détails des débats des juges sur la question, en recherchant #SCJN.

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