Le féminisme est en danger

C’est le commentaire suivant, d’Anne-Julie Néron, dans vos pages, qui m’a finalement décidé à vous écrire, mesdames,

Malgré tout, j’ai une tête sur les épaules et un esprit critique suffisamment aiguisé pour comprendre les problèmes qui se posent aux féministes et vouloir y remédier. J’ai l’impression toutefois que certaines femmes se montrent paternalistes en me disant comment être féministe.

Je m’identifie profondément à ce commentaire. Je sais ce que c’est, moi aussi, dans ma vie de tous les jours, d’être une femme en lutte. J’ai trente-deux ans. Je vis à Terre Haute, en Indiana (USA). Ma mère est moitié indienne de la nation Winnebago de Lincoln au Nebraska, moitié franco-américaine. Je porte fièrement son nom. Mais les indiennes ici c’est des journalières ou des putains, hein. C’est un peu pour ça que j’ai pas connu mon vrai père… J’ai une petite fille de cinq ans. Ma petite Eunice Thunder. Elle est toute ma vie. Elle ne sera pas salie par tout ce racisme d’autrefois car elle grandira sous un président noir… Oh ma petite squaw que j’adore. À deux ans, elle ressemblait comme deux pépins de pomme à ces petites squaws qu’on voit sur les vieilles photos traditionnelles Winnebago toutes jaunies. Elle est si intelligente et vive, vous devriez la voir, mesdames. Ils ne feront pas une pute de mon petit Coup de Tonnerre. Je suis prête à tuer pour la protéger.

Le féminisme m’est entré dans le corps par le poids de ma lutte constante contre des hommes bien souvent alcooliques. Ce n’est pas mon ex que j’ai sur le dos. Le papa d’Eunice Thunder est en Afghanistan. Parce que les indiens des vieilles réserves font aussi des soldats, vous vous en doutez. De toute façon, il m’a à demi violé, en boisson, je vous coupe les détails… Mais il reste le papa de notre Coup de Tonnerre et il devra la revoir un jour. S’il revient vivant, car il voit le feu, le pauvre gars… Je suis vraiment bien écœurée des hommes en situation de déchéance sociale, moi, mesdames. Le step-father sale que j’ai eu sur le dos, je l’ai fait mettre en prison à Lincoln, Nebraska, pour abus & molestation, mais depuis sept ans, il est sorti de taule et il me cherche. Bon, encore une fois, je vous coupe les détails de ma vie dure. Quand je m’étends trop sur la question de ma pauvre vie, certaines femmes se montrent paternalistes

Maintenant, pour bien comprendre ce que je cherche à démontrer, je vous prie de lire attentivement ce court texte critique auquel je crois vraiment beaucoup et qui explique, justement, combien certaines femmes se montrent paternalistes en me disant comment être féministe:

http://ysengrimus.wordpress.com/2010/11/15/la-cyber-provoque-fallacieuse-et-reactionnaire-du-feminisme-de-droite-de-la-simili-militante/

Je pense que cette analyse met le doigt en plein sur un problème très grave. Notre féminisme est en danger. Il est en train de se faire récupérer par les médias conservateurs et je ne veux pas que ma fille considère que le féminisme, c’est une affaire de talons hauts, de maquillage, de carriérisme et de chialage contre des plumitifs machos que personne ne lit. J’ai écrit à Olympe (de Olympe et le plafond de verre), pour discuter de ceci avec elle. Elle n’a même pas daigné me répondre, cette femme d’affaire anonyme qui chiale contre le machisme de programmes de TV que personne ne regarde et contre le manque de parité de ministères de droite ennemis des gens de toutes les façons…. Je suis trop basse pour elle? Je suis trop peuple? Trop américaine de l’Amérique profonde? Trop paumée? Il y a un faux féminisme de bourgeoises, de femmes riches, de patronnes de revues féminines, de stars médiatiques. Il monte en force et lève le nez sur la vraie déchéance sociale. Et j’ai si peur de voir son influence pernicieuse pénétrer dans la tête et le cœur de mon Petit Tonnerre, car elle est si attentive et si curieuse de tout ce qui est bruyant, séduisant et coloré. Je vous le dis, mesdames, le féminisme est en danger. Merci de m’avoir lu.

Aurore J. Beaumont

54 Comments

  • Alexie
    20 décembre 2010

    Joëlle : Je m’excuse de revenir là-dessus un mois plus tard, mais je ne vous conte pas d’histoires, la terminologie, ça n’est pas le vocabulaire.

    Terminologie : Ensemble des termes relatifs à un système notionnel élaboré par des constructions théoriques, par des classements ou des structurations de matériaux observés, de pratiques sociales ou d’ensembles culturels (Trésor de la langue française informatisé).

    Ensemble des termes propres à une science, à un art. (Multidictionnaire des difficultés de la langue française).

    Vocabulaire particulier utilisé dans un domaine de la connaissance ou un domaine professionnel; ensemble structuré de termes (Robert).

    Le GDT fonctionne par champs d’études, quand on y entre un mot, dans le menu de gauche se déroule une liste de libellés identifiant ces domaines, on lit la définition qui correspond au champ auquel on appartient.

    Et en ce qui concerne le complot, je n’ai jamais parlé de vous, ma phrase était à la troisième personne; je voulais tout simplement dire que ça n’est pas idéologique.
    «Le grand dictionnaire terminologique de l’Office québécois de la langue française est une banque de données terminologiques. On y trouve, classés par domaines, des termes appartenant aux langues de spécialités.» (Site du GDT)

    Plusieurs mots très communs n’ont pas de fiche dans le GDT, tout simplement parce que ça ne sert pas ses principaux utilisateurs, qui sont les professionnels. Je venais vous donner cette information sans aucune hostilité. Désolée de vous avoir choquée. Je ne suis qu’une jeune geek féministe inoffensive et bien intentionnée.

    Ceci étant dit, le GDT est un ouvrage collectif en constante évolution, et si des chercheuses en Études féministes souhaitaient faire incorporer leur jargon (car c’est de cela qu’il s’agit) au GDT, elle le pourraient probablement le faire en contactant les gens qui y travaillent.

    Encore désolée, je retourne dans l’ombre, je m’y sens mieux.

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  • Aurore J. Beaumont
    12 janvier 2011

    Je suis very moved d’arriver en #4 de votre billboard. Merci aux intervenants et intervenantes. Continuons le combat, pour nous et pour nos filles…
    Aurore

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  • Nolka
    21 janvier 2011

    Comment on dit « fraternité » au féminin?
    sororité tout simplement.
    sororal pour fraternel

    de soror,-is: soeur

    Billet et discussion fort interressante. Merci Madame Beaumont. Je pense que la voie des peuples de Turtle-Island apporte un point de vue différent au débats. Elles et ils devrait écouter d’avantage la voie des sauvages car on a une relation au monde bien différente. La triste situation que vous décrivé sur votre reserve est hélas très répendu sur de nombreuse reserve. De nombreuse Femme en son victim de l’alcoolism des drogue prise par des homme perdu. J’ai aussi vue bien des enfants maganer par des mère alcoolique. Elle est bel leur civilisation!

    wlibamkani nidôba!

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  • Aurore J. Beaumont
    22 janvier 2011

    Merci ma grande soeur. Le soleil matriarcal sur toi aussi.
    Aurore-le-matin-ardent-ne-restera-pas-toujours-rose

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