Féminisme.tv : Les Parent
Je me permets de reprendre ici le flambeau de la critique féministe de téléséries si brillamment inaugurée par Isabelle N.. En effet, je crois qu’il faille continuer de se poser des questions sur les personnages télévisuels qu’on nous propose.
Lorsque la télésérie Les Parent a été diffusée pour la première fois à Radio-Canada en 2008, je la regardais religieusement, tous les lundis soirs. Je faisais alors de l’aide aux devoirs (excuse pour passer du temps avec mon cousin et ma cousine) et nous l’écoutions en soupant avec leur mère. Cette émission de trente minutes nous plongeait dans le quotidien d’une famille « bien ordinaire[1] » ayant un père, une mère et trois garçons. Sous le couvert de l’humour, l’émission permettait de passer des messages très drôles sur la vie quotidienne familiale. Aussi, elle provoquait des discussions animées autour de notre table. Puis, les années ont passé, j’ai déménagé et je n’avais plus le temps de regarder cette émission avec ma famille. Je me souviens que ma tante m’avait souligné qu’elle était bien contente que ses enfants ne la regardent plus avec elle en raison des sujets abordés. Mais, sans plus…
Comme c’est l’été, c’est la saison des reprises à la télé. Alors, les lundis soirs à 19h30, on nous repasse les épisodes des Parent. À mon grand bonheur, je dois l’avouer ! Cette famille dynamique m’attendrie et les situations dans lesquelles elle se retrouve me touchent. Mais, hier lundi le 25 juillet 2011, on a passé l’épisode 5 de la saison 2 intitulé « Quatre gars, une fille » et ça m’a frappé : il y avait matière à réflexion féministe dans cet épisode. Malheureusement, seule la saison 3 est disponible sur Tou.tv, je ne peux donc pas vous référer à l’épisode en question.
Le synopsis de l’épisode stipule « Pressée par une obligation professionnelle, Natalie demande aux gars de préparer leur déjeuner… Bonne chance! ». Oui, en effet : Bonne chance ! S’en suit tout un épisode où l’on voit la mère courir partout pour aller travailler, pour faire les courses, faire les tâches ménagères, etc… et pendant ce temps, les hommes de sa vie (ses trois garçons et son mari) ne font absolument rien pour l’aider ! …mais, vous ai-je dis que le père, Louis, est travailleur autonome et travaille de la maison ?? D’un côté, on pourrait croire que c’est un message de l’auteur qui veut que l’on prenne conscience combien les femmes courent partout et ne sont pas suffisamment reconnues pour toutes leurs bonnes attentions.
MAIS ! Lors d’une discussion de Nathalie avec son amie-carriériste-féministe-célibataire-et-sans-enfants (voyez vous-même la description qu’on en fait sur le site officiel !), Marie (pour les intimes), sur l’intelligence « soi-disant supérieure » des femmes en raison d’une longue histoire d’évolution depuis l’ère de Cro-Magnon. Voilà Olivier, l’enfant du milieu, qui vient dénigrer cette intelligence puisqu’en fait, il préfère être un gars et NE RIEN FAIRE en écoutant le hockey AVEC PAPA pendant que maman ramasse la table, fait la vaisselle, prépare les lunchs et nettoie la cuisine ! Encore une fois, c’est peut-être de la psychologie inverse et l’auteur veut peut-être nous faire comprendre que c’est inacceptable. MAIS, n’en reste pas moins que dans la tête d’un enfant qui regarde l’émission en soupant avec ses parents, Oli a raison ! D’aucunE argumenteront qu’il revient aux parents de provoquer la discussion avec leurs enfants et d’ainsi leur inculquer leurs valeurs, n’empêche que quand la télé nous bombarde de modèles semblables…
Je passe ici rapidement sur tous les commentaires désobligeants des enfants et du père sur les hormones de la mère, chaque fois que celle-ci s’énerve parce qu’ils sont totalement incapables de l’aider, ou qu’ils n’apprécient pas tout ce qu’elle fait pour eux…
De plus, Marie, dans presque tous les épisodes, fait la morale à Nathalie sur le fait qu’elle se fait exploiter par ses enfants et son mari. D’une part, ce n’est pas totalement faux, mais Nathalie s’en rend bien compte et finit toujours par user de ruses pour obtenir son dû. D’autre part, Marie évoque quelques fois à quel point elle se sent seule, célibataire-et-sans-enfant, et que dans le fond, elle envie un peu son amie. Ces dialogues me laissent perplexes. Je ne sais jamais quel est le message… est-on toujours secrètement envieuse de ce que l’on n’a pas ? La mère voudrait être libre comme son amie. Et la célibataire aimerait être entourée d’une famille…
Pire encore ! Marie décide d’initier les jeunes au Scrabble. Lorsque Louis, leur père, arrive, elle ironise en lui demandant si ça ne l’offusque pas trop qu’elle initie ses enfants à des jeux intellectuels, plutôt qu’aux jeux machos et remplis de testostérone auxquels il les a habitués. Bien au contraire, Louis s’en trouve ravi… jusqu’à ce qu’un des jeunes forme un mot : M-I-S-O-G-Y-N-E ! Et Marie de répondre : « On joue au Scrabble féministe ! Ben quoi ? Fallait ben mettre un peu de défi là-dedans, faut ben qu’ils apprennent quelque chose ! » Est-ce vraiment ça que l’on veut démontrer dans une émission diffusée à heure de grande écoute ? Que les féministes sont : célibataires, sans enfants, carriéristes, misandres et ne pensent qu’à démontrer à tous les hommes à quel point ils sont misogynes ? Je pose la question…
[1] Dans la chanson on dit que Les Parent forment une famille bien ordinaire, mais notez que sur le coffret de la saison 1, il est écrit que c’est une famille « normale » (sic). On pourrait se demander si les familles avec un seul parent, ou avec des parents de même sexe, ou de cultures différentes ne sont pas « normales » ?!
Isabelle N.
Merci Caroline de reprendre le flambeau! J’aime bien les parents, mais le rôle d’Anne Dorval m’a souvent fait grincer des dents. Ça ne donne pas envie, en tout cas, d’avoir trois ados!
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Valérie
Oui, j’éprouve aussi une relation amour-haine à l’égard de cette série, où les hommes sont encore décris comme des incapables. Cela dit, à ce commentaire, je précise :
«On pourrait se demander si les familles avec un seul parent, ou avec des parents de même sexe, ou de cultures différentes ne sont pas « normales » ?!»»
Non, elles ne sont pas normales, puisqu’elles ne constituent pas la norme.
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Marie-Élaine
Pas capable, de mon côté, Les Parent. Les trois garçons y sont tellement insupportables!!! Et pis oui, de voir Anne Dorval ne même pas avoir le temps de souffler tout en se faisant rire au nez par mari et enfants qui ne sont, pour leur part, vraisemblablement pas arrivés au 21e siècle… Sérieux, non merci.
Also, la normalisation de la famille nucléaire (blanche)… Bonjour le festival de l’hétérosexisme et du classisme.
[Bon ben, je sonne comme une vraie de vraie féministe frustrée aujourd’hui! :P]
Pour quelque chose d’au moins un peu plus subversif et moins cliché, je vous suggérerais Modern Family @ ABC. Je le regarde quand je le pogne, mettons.
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Rosie
Pour un Français, cette démonstration des relations homme-femme est assez impressionnante. Selon mon chum, une Française « normale » n’aurait jamais la répartie de Maman et serait plus « délicate » dans son approche. Quand on écoute l’émission, il me répète que je ressemble à Anne Dorval; ce qui me fait bien rire. C’est certain que Nathalie a de la répartie, mais bon, au final, c’est aussi elle qui cuisine, passe la mope, fait les lunchs, etc. Il n’y aurait pas de problème à ça (si la job lui plaît) si en plus elle n’incarnait pas la superwoman de carrière. Enfin! J’aime quand même bien cette émission. Je trouve la dynamique sympathique et je pense qu’il est important de voir aussi sur nos ondes des familles qui s’aiment et qui ne sont pas déchirées par de grands drames existentiels.
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