Calmez-vous les pousseux de crayons!

Mon billet d’aujourd’hui porte sur les chroniqueurs innocents, mais avant de commencer, j’aimerais d’abord dissocier je suis féministe de mon opinion. Premièrement parce que ça pourrait avoir l’air d’un billet commandité par les rédactrices en chef pour répondre aux chroniqueurs innocents qui trouvent toujours une nouvelle excuse pour critiquer le féminisme alors que ce n’est pas du tout le cas; deuxièmement, ça pourrait nuire à la relation qu’est en train de tisser mon blogue préféré avec la communauté médiatique québécoise (Josée Boileau nous suit sur Twitter quand même!) , et troisièmement, parce qu’il n’y a pas tant de chroniqueurs qui donnent à fond dans l’argumentaire antiféministe. En fait, mon billet répond aux quatre, cinq tapons qui lâchent continuellement des inepties à propos de notre mouvement. Mon message : calmez-vous les pousseux de crayons. Faites-vous une tisane et prenez ça cool.

Bien que je soupçonne l’expression « chroniqueur innocent » d’avoir été inventée par un anar aigri convaincu que la chronique n’était que la conséquence normale pour les empires médiatiques de ne pas vouloir encourager la pensée critique, force est quand même de constater que cette expression existe et persiste. « Le chroniqueur innocent existe-t-il vraiment? » m’a récemment demandé une amie militante qui savait qu’elle ne recevrait pas une face de WTF de ma part parce que je ne suis, justement pas, une blogueuse innocente. Eh bien mon expérience au sein des médias m’indique qu’un tel phénomène existe vraiment, et qu’il prend même plusieurs formes. En voici quelques-unes :

1. Le chroniqueur innocent de base : Doté d’un esprit borné induit par un surplus de démagogie et répondant aux exigences hétéronormatives dictées par notre société machiste, le chroniqueur innocent de base désire avoir le dernier mot sur tout. Il tient ses lecteurs par la main (symboliquement j’entends), il reste toujours au premier niveau (il trouvera d’ailleurs que ce billet est le comble de l’hystérie), et il vous engueule quand vous lui rappelez l’importance de la rigueur intellectuelle. Il se fâche quand on dit du mal de l’essentialisme, mais il se fâche également quand on remet en question la parité de la violence, on ne sait donc jamais quoi lui dire. Comme il est très borné, il est impossible d’entamer avec lui un débat et/ou un semblant de discussion, c’est pourquoi il n’est jamais cité sur ce blogue, et ignore sûrement d’ailleurs qu’il ne s’y trouve pas.

2. La chroniqueuse innocente qui-ne-se-reconnaît-pas : Quoi qu’on lui propose, la chroniqueuse innocente qui-ne-se-reconnaît-pas ne s’y reconnaîtra pas. Elle dira qu’elle ne se reconnaît pas dans le mouvement des femmes parce que « le lien entre militarisation et violence contre les femmes, ça existe pas », (euh, en passant, c’est pas vrai, ça existe : le viol de guerre). Alors on proposera à la chroniqueuse innocente qui-ne-se-reconnaît-pas le féminisme égalitariste, version édulcorée d’un mouvement qui cherche à déconstruire le patriarcat. Évidemment, la chroniqueuse-qui-ne-se-reconnaît-pas ne s’y reconnaîtra pas non plus, parce « c’est toutes des vieilles bourgeoises ». Sans surprise, la chroniqueuse innocente qui-ne-se-reconnaît-pas ne se reconnaît pas dans les articles publiés sur ce blogue, mais elle pourra toujours aller lire du Camille Paglia sur Salon.com, écrits dans lesquels, on l’espère, elle finira bien par se reconnaître.

3. La chroniqueuse innocente hipster : Les filles : vous avez le droit d’être hipster. Vous avez le droit d’être chroniqueuse. Vous avez même le droit d’être chroniqueuse ET hipster. Mais en aucun cas vous ne devriez vous déclarer « chroniqueuse hipster ». Journalisme et hipsterdom forment un dangereux amalgame : comme si l’intégrité journalistique devait obligatoirement passer par l’autosuffisance ironique, le mépris de l’ensemble de l’oeuvre de U2 ou le devoir de se montrer la face au Belmont. Séparément, je n’ai rien ni contre les chroniqueuses, ni contre les hipsters (quoi que…), mais les deux ensemble, c’est toujours louche. Jamais loin de la citoyenne apathique, la chroniqueuse hipster ne s’insurgera contre absolument rien : les pubs de H&M, le sexisme en milieu de travail, les jokes de viol, etc. La chroniqueuse hipster innocente avait pensé faire un feature sur l’épilation du pubis en forme d’étoile comme suprême forme d’empowerment, question de faire réagir les féministes qui se rasent pas. Mais ses éditeurs lui répondirent que ça sonnait un peu 2004 son affaire, et elle dut laisser tomber son rêve de faire le cover du spécial Poils.

4. Le commentateur innocent : Encore pire spécimen que le chroniqueur innocent est le commentateur innocent. Évidemment, il est toujours le premier à vous répondre que vous êtes une blogueuse innocente si vous n’êtes pas en accord avec lui. C’est l’homme qui aurait aimé lui-même avoir un blogue, et qui écrit dans notre fil de commentaires : « Votre blogue m’aurait peut-être intéressé si j’avais été une grosse laide ». À ce commentateur innocent, je promets de faire des pressions auprès de la rédac’ de je suis féministe pour qu’un des prochains billets porte sur les imbéciles. Ou sur les commentateurs innocents.

Pour les ceusses qui auraient pas compris la joke…

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