8 mars 2012 : «Québécois debouts, Québécoises à genoux». Et quoi encore ?!

Nous étions dix, nous étions vingt, nous étions cent féministes qui se sont rendues, enthousiastes, à la marche pour les femmes et l’accès à l’éducation. Cette manifestation était organisée à l’occasion de la journée internationale des femmes, le 8 mars 2012 et avait comme point de départ le parc Émilie-Gamelin, à 15h. Pour les membres du comité-femmes Grève générale illimitée de l’UQAM, il n’y a pas à dire, nos attentes étaient grandes! En effet, nous nous sommes auto-organisées dans un comité non-mixte femmes au cours de la mobilisation contre la hausse des frais de scolarité, pour la gratuité scolaire et dans le mouvement de grève générale illimitée dans le but d’apporter une perspective féministe à l’analyse de l’accès à l’éducation et au militantisme dans le mouvement étudiant. Notre besoin de nous regrouper en non-mixité sur une base féministe vient de nos expériences de lutte, de nos malaises de lutte, de nos blessures de lutte et de la compréhension qu’il s’agit d’une situation partagée, causée par le patriarcat qui modèle nos expériences de femmes, d’opprimées, même au sein d’un mouvement de contestation. Que les conditions des femmes étudiantes ne soient que rarement mises de l’avant dans la mobilisation contre la hausse des frais de scolarité, que les slogans ne soient jamais féminisés dans les manifestations, que ce soit toujours en grande majorité des hommes qui organisent et dirigent les manifestations, on en est bien conscientes. On le sait, on sait même que quand on se mobilise pour que ça change, c’est bien souvent mal reçu, mal perçu, il y a peu d’ouverture à nos critiques et à nos nouvelles idées. C’est justement ce qui nous pousse à nous regrouper, à nous organiser. Mais que cette situation se reproduise le 8 mars, lors d’une manifestation pour les femmes et l’accès à l’éducation!? La mâchoire nous est tombée par terre. «Pas vrai. Merde. On n’est pas sorties du bois !» La marche vers la libération sera longue, à l’instar de la manifestation aussi qui, par bout, a été longue, surtout à courir après certains mecs qui visiblement ne comprenaient pas il était où, le problème. Alors, voici les 8 problématiques du 8 mars 2012.

1- La journée de LA femme

Le 8 mars est une journée qui célèbre non seulement la réalité des femmes, mais aussi les luttes passées qui ont mené vers une meilleure condition. Affirmer LA femme évoque une conception essentialiste et un modèle «universel», standardisé, occidental, blanc, aisé, hétérosexuel, un corps sans handicap de ce que sont les femmes. Un modèle restreint qui renvoie à une minorité privilégiée qui ne reflète aucunement la réalité. Bref, l’usage du «DES» est indispensable pour représenter les identités multiples qui s’entrecroisent dans chacune de nous. Cette utilisation problématique, en plus d’être sexiste, raciste, classiste, homophobe (et plus encore) néglige les luttes féministes passées qui ont permis le passage à une réflexion plus inclusive et moins opprimante. Le 8 mars nous rappelle que nous ne sommes pas à l’an zéro des luttes féministes : tant de combats ont été gagnés grâces aux militantes et penseuses qui nous ont ouvert le chemin. Pourquoi en faire fi ?

2- Absence de méthodes de travail solidaires

Pour nous, le mandat féministe de cette manifestation n’était pas un sous-entendu : nous étions présentes pour marcher en solidarité avec les femmes et pour notre accès à l’éducation. Nous ne nous attendions pas à cette négation, et pire, cette récupération brutale de la part de nombreux-ses participants-es de la journée des femmes et sa signification. À notre avis, la cogestion, la coopération et l’horizontalité organisationnelle de plusieurs groupes féministes dans l’élaboration d’un événement est en soi une mise en pratique du féminisme. C’est pourquoi nous croyons qu’en privilégiant ces pratiques, certaines valeurs féministes sont automatiquement mises de l’avant lors de manifestations et permettent ainsi d’éviter plusieurs formes de violences. Au delà des critiques sur la structure de l’événement, nous voulons souligner qu’une solidarité est nécessaire entre les groupes féministes, non seulement pour nous entraider, mais aussi par principe fondamentalement féministe. De la même manière, en ce 8 mars, nous avons été blessées par le manque de sensibilité féministe chez certaines participantes qui se sont ralliées à l«’universalité» qui rappelle uniquement le masculin en défendant les attitudes machistes de certains militants: tenez vous le pour dit, les termes «peuple» et «étudiants», en autres, excluent de manière systématique la réalité des femmes et des étudiantes.

3- Violence

Si Isabelle Dubé, journaliste à La Presse, nous a appris que la seule arrestation qui avait eu lieu en ce 8 mars était un incident isolé lors de cette marche calme et pacifique pour l’éducation des femmes, notre expérience fut toute autre. On assume qu’il n’y aura pas de violence pendant une marche lors de la journée des femmes, il s’agit ici d’une conception très limitée de la violence. Il n’y a peut-être pas eu de brutalité policière lors de la manifestation, mais notre expérience a été profondément violente. Le patriarcat dominant et ses représentations antiféministes, misogynes et machistes se sont manifestés très concrètement ce 8 mars dernier. Slogans injurieux : «Québécois debouts, Québécoises à genoux», résistance à la féminisation des slogans bien connus, messages machistes sur certaines pancartes, difficulté à respecter la place que les femmes prenaient au devant de la manifestation. La violence est dans les mots et les gestes et nous jugeons aussi que l’invisibilisation est une forme de violence, surtout en considérant l’histoire de l’oppression des femmes.

4- Invisibilité

L’illustration très concrète de cette invisibilisation a deux facettes. Tout d’abord, l’aspect sonore. C’est un problème d’entendre plus fort les voix masculines que les voix féminines lors d’une manifestation féministe, surtout lorsque ce ne sont pas les mêmes slogans qui sont scandés. Les hommes sont socialisés à prendre toute la place et leur voix est un outil pour le faire. Messieurs, prenez conscience de ce privilège et sachez qu’une manifestation féministe est une excellente opportunité pour mettre en pratique cette manière d’occuper l’espace sonore de manière non-autoritaire et non-opprimante.

Ensuite, l’aspect physique. Lors d’une manifestation présentée comme féministe, il est primordiale que les femmes soient à l’avant-plan. Elles ne doivent pas avoir à se battre pour défendre leur place dans la manifestation et se rendre visibles, mais lorsqu’elles le font, laissez leur la place. Il est incompréhensible de voir une majorité d’hommes au devant d’une marche qui souligne les femmes et leur accès à l’éducation. En ce 8 mars, ce n’est pas de la solidarité, c’est trahir et c’est se complaire dans des schèmes dominateurs, régressifs et opprimants.

5- Le proféministe de façade: démystifier l’allié

On a logiquement pris pour acquis que les participants-es de cette manifestation soutenaient la lutte féministe. Nous avons constaté que les hommes proféministes ont été discrets et ont été capables de mettre en pratique la critique féministe des comportements dominateurs. Ce qui nous amène à devoir démystifier «l’allié» : le proféministe de façade. Malgré les bonnes intentions, le fait que des hommes fassent le service d’ordre, se servent du porte-voix du groupe organisateur et essaient d’empêcher les femmes de prendre la rue lorsqu’elles l’ont voulu, démontre un manque de considération et de réflexion proféministe. Ceci n’est pas une critique du choix de mixité de groupes féministes, mais un appel à une véritable réflexion et mise en pratique du rôle d’un allié proféministe.

6- Couverture médiatique

Nous savons d’avance que les médias ne sont pas nos alliés. La couverture médiatique de la marche pour les femmes et l’accès à l’éducation est un exemple clair de, non seulement la distorsion de la réalité violente que nous avons vécu et une négation de celle-ci avec des titres d’article comme «Grève étudiante: après les heurts, le calme». La couverture de La Presse en est un exemple frappant par son choix de citation : premièrement, Léo Bureau-Blouin (FECQ) «Ça s’est très bien déroulé, a-t-il affirmé à La Presse. C’est la preuve que les étudiants sont pacifiques et ne cherchent pas la confrontation» et ensuite Gabriel Nadeau-Dubois (CLASSE) de dire que «Notre mouvement est capable d’utiliser toutes sortes de moyens pour se faire entendre. Des fois, des perturbations plus dérangeantes, des fois des manifestations plus calmes comme aujourd’hui (jeudi)». Le Devoir et La Presse ont une conception erronée du mouvement étudiant en y excluant explicitement les femmes et les luttes féministes. Par exemple, Le Devoir affirme que la marche «servait à faire d’une pierre deux coups en dénonçant la hausse des droits de scolarité tout en soulignant la Journée internationale de la (sic) femme» et La Presse, mentionne à la toute fin de leur article sur la marche que «les étudiants pensent aux femmes» en cette «journée internationale de la (sic) femme». Comme s’il n’y avait pas de femmes dans la communauté étudiante. Bien entendu, on a omit de féminiser l’article.

 7- Affiches

Visuellement, la manifestation était exaspérante. Chaque pancarte non-féminisée, à caractère «universel» et même antiféministe nous atteignait comme une claque au visage. Les réflexions sur la féminisation devraient s’appliquer aux affiches (et aux slogans) lors d’une manifestation féministe. Cette logique implique donc qu’il faut éviter les expressions telles que «le peuple» et «les étudiants» étant donné que cela mène à l’évacuation des luttes féministes qui nous poussent à participer à une marche sur l’accès à l’éducation des femmes. Il ne faut pas oublier non plus qu’une féminisation sans réflexion critique ne peut être une action féministe. Nous avons aussi été horrifié par certaines pancartes affichant des grossièretés sexistes telles que «Le Québec et ses femmes» aux côtés de bateaux colonisateurs qui s’approchent du Nouveau-Monde et «L’éducation, c’est féminin». D’un côté, il y a l’affirmation que les femmes sont exclues du Québec (Sales impérialistes! Non, les femmes ne sont pas une nation à conquérir!) et de l’autre, le concept des emplois genrés se voit renforcé. N’oublions surtout pas la fameuse affiche: «Les femmes éduquées sont sexy!» qui, une fois de plus, réduit les femmes à leur apparence, à leur sexualité.

8- Priorisation des luttes

Nous voulons dénoncer la récupération androcentrique* du mouvement étudiant et du mouvement nationaliste. Telle que décrite par la couverture médiatique, cette marche avait tout l’air d’une manifestation étudiante comme les autres. Le comité-femmes GGI croit fermement que le mouvement féministe doit être transversal. La réflexion féministe ne doit pas être considérée comme une lutte à part. En effet, la hausse des frais de scolarité renforce l’oppression des femmes, mais il est aussi important de dénoncer celle qui s’articule au sein même des luttes étudiantes. Nous revendiquons le droit de dénoncer les dynamiques de pouvoir et de domination au sein même du mouvement étudiant sans être accusé de le désolidariser. Les analyses féministes au sein du mouvement étudiant permettent une plus grande inclusivité de communautés diverses puisqu’en plus d’accorder les réflexions sur les rapports sociaux de sexe, nous les faisons sur les rapports sociaux de classes, de «races», de «capacités physiques», d’orientations sexuelles et tout ce que comporte cet embarassant «et cetera». Quand, dans une marche pour les femmes et l’accès à l’éducation, le simple fait de remplacer «étudiants» par «étudiantes» provoque des réactions agressives, de la résistance machiste et des accusations de la part d’hommes (et même de certaines femmes) comme : «vous êtes discriminatoires envers les hommes», on prend conscience que les réflexions féministes sont plus jamais que nécessaire au sein du mouvement étudiant.

 

* Androcentrique masculin (féminin : androcentrique, masculin pluriel : androcentriques, féminin pluriel : androcentriques) Qui se place du côté de l’homme, qui a pour référentiel la pensée masculine.

Aussi : Culture androcentriste: Un monde fait par les hommes… une culture masculine à l’excès… comme si un sexe avait monopolisé toutes les activités humaines, en les appellant «accomplissements de l’H/homme et en les gérant comme tels» C’est ce que signifie l’expression culture androcentrique.

Par Comité-femmes Grève générale illimitée

32 Comments

  • Alexandre Cormier-Denis
    14 mars 2012

    L’hyperdivison des luttes de la gauche(minorités religieuses, culturelles, mouvements LGBTQ,droits des personnes handicapées et j’en passe) favorise le discours individualiste en place. Du moment où la gauche s’est soustraite de la lutte contre les inégalités économiques, elle fait le jeu de son principal ennemi: le libéralisme qui priorise l’individu. L’individu qu’il faut émanciper en prenant compte de ses particularismes.

    Si on ne peut plus mobiliser les gens avec l’expression «le peuple», que va-t-il nous rester? Des individus divisés luttant pour leurs émancipations respectives?

    Le peuple, c’est autre chose que «l’homme blanc hétérosexuel». Le peuple c’est un symbole puissant d’un «nous» qui forme une collectivité politique qui s’est battu et qui se bat encore.

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  • Berenice
    15 mars 2012

    « le peuple, c’est autre chose que l’homme blanc hétérosexuel » dit l’homme blanc hétérosexuel à la femme qui a l’audace de se plaindre en disant qu’elle ne se sent pas exister dans « le peuple ».
    Des fois, je me demande si leurs capacités intellectuelles sont intactes, parce que ça m’interpelle quand même cette surdité selective à certaines idées.

    Le dominé dit, j’existe et vous faites comme si je n’existais pas, et le dominant répond, tu existe à travers moi; apprends que quand je parle de moi, c’est comme si on parlait de toi; tu es inclus dans moi.
    Ah bon, mais si tes intérêts et les miens sont divergents, ou opposés? Quoi, mais non, mes intérêts sont plus importants que les tiens répond le dominant, parce que vois-tu mes intérêts à moi sont universels, car l’universel c’est moi…
    Alors que les tiens sont secondaires, et on s’en occupera plus tard si on a le temps, une fois que les vrais problèmes du peuple (les miens en fait ^^) auront été réglés. Mais tu sais, le peuple, c’est toi aussi, pas seulement l’homme blanc hétérosexuel…Donc si on règle mes problèmes en fait on règles les tiens. D’ailleurs maintenant que j’y pense, en fait, tu n’as pas de problèmes à toi, tu as les mêmes que les miens, c’est tout. Et puis si tu ne veux pas comprendre que je fais ça pour ton bien!!! Ah, ces dominés sont obtus et toujours sur la défensive, crispés sur leurs problématiques identitaires alors que moi le dominant, je m’intéresse à l’UNIVERSEL!!!!
    Et avec leurs petites crispations égocentriques, ils nuisent à la vraie lutte universelle, celle qui est vraiment importante.

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  • Marie-Anne
    15 mars 2012

    Ce «nous» dont on vante tant les mérites est fort problématique, autant que l’unificateur «peuple». Les féministes de toutes les époques se sont fait dire qu’elles «divisaient» les luttes parce qu’elles étaient autocritiques de leurs mouvements, tout en étant DANS ces mouvements sociaux. En proposant des critiques de leurs mouvements respectifs, elles veulent inclure et reconnaître les expériences multiples (et non unifiées) des personnes qui composent «le peuple». Un terme aussi générique que «le peuple», ou «la nation», ou le «nous», s’il ne reconnaît pas les expériences diverses des gens qu’il représentent, devient automatiquement négateur de ces expériences.

    «L’hyperdivision» que créeraient les féministes est, à mon avis, une tentative de rattacher des expériences spécifiques (ou individuelles) à des luttes collectives et globales pour rendre les mouvements sociaux plus inclusifs et plus représentatifs des expériences différentes des femmes, des personnes handicapées, des autochtones, des immigrant.e.s, des personnes aux diverses orientations sexuelles etc.

    Et puis,qu’est-ce qu’une «vraie lutte universelle»?

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  • Rachel
    15 mars 2012

    Bonjour,
    Je vous remercie d’amener ces questions sur la table et de nous conscientiser. Je suis une femme, je me considère féministe, et je n’avais certainement pas songé à tous ces aspects de la questions.

    Cependant, je me sens confuse. Si on ne devrait pas utiliser « le peuple », comment devrait-on collectivement se nommer selon une perspective féministe?

    Aussi, pouvez-vous SVP m’éclairer avec des exemples de slogans qui ne sont pas oppressifs par sous-entendu?

    C’est important de critiquer ce qui est injuste, qui opprime, et à quoi la majorité est inconsciente, mais après? J’aimerais savoir quelles sont de vraies alternatives inclusives et respectueuses de toutes les diversités? Des exemples qui fonctionnent, où les femmes font entendre leur voix pour vrai?

    Également, si jamais vous avez des articles à me suggérer sur ce sujet, je serais très reconnaissante.

    Merci!!!

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  • uncleben
    15 mars 2012

    J’étais à cette marche. Même si je suis un gars, j’ai vu ma mère monoparentale devoir se pousser à la limite pour élever deux enfants et faire son bac au même moment. Les difficultés propres aux femmes dans un optique scolaire, je l’ai vécu, ne serait-ce qu’indirectement.

    Cependant, ce que j’ai vu à cette manif, c’était un contigent de peut-être vingt filles-femmes-camarades(choississez), qui plutôt que de tenter de bien diriger « leur » manifestation, s’en prenaient à des gens qui, on peut s’en douter, n’était là que de bonne foi.
    J’ai moi même, sans m’en rendre compte (je n’ai pas d’yeux derrière la tête), dépassé le contingent de tête qui devait être composé de femmes.
    Malheureusement, cette directive semble n’avoir jamais été énoncé autre part que dans les comités non-mixtes.
    Si je comprends ce choix et le respecte, j’aurais préféré être avisé de mon erreur plutôt que de me retrouver encerclé, insulté, hué et j’en passe, pour avoir manqué à une directive qui ne m’avait jamais été diffusée.

    J’aimerais aussi postuler que si la manifestation a pu être « recupérée », c’est au moins en partie par le manque d’organisation et la conjoncture estudiantine du moment.

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  • Alexandre Cormier-Denis
    15 mars 2012

    Il est vrai que le féminisme a toujours été perçu comme un facteur de division par les mouvements socialistes (anar, marxistes, etc.). Diviser le prolétariat en une lutte hommes/femmes a tout de suite été perçu comme une tentative de la bourgeoisie de diviser les mouvements ouvriers. Ce qui n’est malheureusement pas totalement faux. Le «droit au travail» est revendiqué pour et par les femmes urbaines d’une certaine classe sociale. Les ouvrières et les femmes en milieu rural ont toujours travaillées. Se battre pour avoir le droit de travailler, ça n’a jamais traversé l’esprit des ouvrières du XIXe siècle.
    Ce sont les bourgeoises anglaises du XIXe qui revendiquent le «droit au travail» et le «droit de vote»… elles ne veulent pas la révolution sociale.

    Sans compter que la lutte féministe présuppose une émancipation individuelle qui repose sur des référents modernes et occidentaux. Beaucoup de militantes afro-américaines se détache de l’étiquette «féministe» car trop connoté à une catégorie sociale qui ne les représente pas (femmes blanches d’un certain milieu social, incapables d’articuler la question raciale). Même chose pour beaucoup de militantes au Proche-Orient qui voient le féminisme comme profondément religiophobe.

    Je le répète: si on ne veut pas être enfermé dans des étiquettes longues comme le bras qui ne rejoignent qu’une infime minorité (Je me bats pour les femmes monoparentales transgenre noire hindoue et naine…), la solution c’est de se battre contre les inégalités économiques.

    La gauche post-socialiste a intégré une conception individualiste de la société. Les mots «expériences» et «diversités» renvoient à des conceptions employés par le libéralisme qui souhaite exclusivement l’émancipation de l’individu. Hors, aux problèmes globaux on doit répondre par des mesures sociales. C’est le vieux débat agent-structure (individu ou société). La gauche post-socialiste se bat aujourd’hui pour l’autonomie des agents au lieu de lutter pour la transformation des structures.

    La force du féminisme repose sur son universalité. Le féminisme c’est une analyse de la société qui voit dans les femmes une catégorie sociale opprimée. Les femmes, ce ne sont pas des individus destinés à la maternité car possédant un utérus. Elles forment une catégorie sociale.
    Les femmes sont TOUJOURS et PARTOUT la catégorie sociale la plus pauvre, la plus sujette à la violence, la plus marginalisée socialement et la moins représentée dans les sphères de pouvoir (notamment économique). Ceci est vrai de Kuala Lumpur jusqu’à Buenos Aires, en passant par Peshawar, Cape Town, Oslo et Montréal.

    Il faut savoir articuler cette analyse et ce combat (le féminisme) AVEC les luttes d’émancipations «androcentriques» (luttes nationales, sociales, économiques, religieuses, etc.). Sinon, la lutte féministe est confinée à du lobbyisme identitaire. Attaquer le terme «peuple» ne fait que marginaliser le mouvement féministe comme étant une lutte particulariste comme une autre.

    Il faut sortir de la division des luttes qui font triompher le libéralisme individuel menant aux politiques néolibérales que nous connaissont aujourd’hui. Le féminisme doit se battre pour et avec le «peuple» et le «nous»… même si ces concepts sont androcentriques.

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    • Abd Salam
      15 avril 2012

      @ Alexandre Cormier-Denis,

      Les féministes militantes ne se sont jamais battues pour avoir le droit de travailler… tout comme elles ne se sont jamais battues pour avoir le droit à la peine de mort.
      Les féministes se sont battues pour disposer librement de leur salaire, notamment (acquis en 1938 en France). Les féministes se sont battues pour avoir accès aux universités et au emplois de cadres.

      Les femmes ont toujours eu les devoirs, mais pas toujours les droits.

      Et non, le féminisme n’a pas été qu’une préoccupation de « bourgeoises », ça c’est encore la propagande anti-féministe.

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  • ASTB
    15 mars 2012

    Je partage la crainte de la division à l’infini des mouvements contestataires de par la critique identitaire. Je partage mêmement la crainte et l’indignation face à un manque de sensibilité féministe au sein de ces mêmes mouvements.

    Si des propos scandés comme ceux mis en tête de l’article sont inacceptables et si le mouvement gagne à donner une visibilité aux femmes et à leurs revendications lorsqu’elles le demandent, il n’en demeure pas moins que les féministes gagnent elles aussi à se solidariser quitte à accepter des termes universalistes, à moins qu’on ne trouve de termes moins exclusifs? Sur ce point, suis-je dans la parfaite erreur en percevant ce terme, « peuple », comme étant plus inclusif qu’exclusif des minorités? Le terme a des racines androcentrique certaines, mais il renvoie aujourd’hui à une conception de la société qui est loin d’être homogène. Et il est franchement injuste d’avancer qu’employer ce terme équivaut à défendre le machisme et à vouloir faire taire les revendications féministes. L’endettement étudiant a un sexe, une couleur, une race et une classe sociale. Mais c’est collectivement que nous sortons dans la rue, pour mettre de l’avant notre même « communauté de destin ».

    Est-ce que les directives étaient assez claires lors du 8 mars?
    Le travail de sensibilisation devra continuer, avant, pendant, et après les manifestations, parce qu’arracher des mains des femmes les hauts-parleurs ou les insulter sont des comportements d’arriérés mentaux, ce que personne ne nie ici. Transformer de l’intérieur les mouvements sociaux est légitime parce que les schèmes de domination masculine y sont aussi présents. Mais la solidarité doit être réciproque et exige des compromis, comme celui de se rallier aussi à des termes rassembleurs.

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  • Michelle Monette
    15 mars 2012

    Je ne peux pas juger ce que je n’ai pas vu. Ce que je peux juger en revanche, c’est ce que je lis. Le féminisme est une lutte contre une forme de domination qu’on ne peut par réduire au néolibéralisme. L’homme apprend très jeune qu’il doit dominer pour affirmer son identité. La femme apprend qu’elle doit laisser l’homme dominer. Résultat: beaucoup plus de femmes que d’hommes sont confinées à des rôles subalternes. Hélas les vieux réflexes mâles resurgissent même quand il s’agit de lutter pour mettre fin aux conséquences des valeurs, attitudes et comportements de dominants. Tant qu’on a pas saisi cela, on parle de division des luttes parce qu’on a pas saisi la différence entre l’émancipation des femmes et l’émancipation des peuples.

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  • Marie-Anne
    15 mars 2012

    @Alexandre Cormier-Denis : Merci pour ton commentaire fort pertinent! (Ceci est dit sincèrement et sans aucune forme de sarcasme)

    J’ai envie de te dire que d’emblée, je suis d’accord avec toi pour à peu près 70% de ce que tu avances, surtout sur la nécessité de transformer les structures sociales dans des luttes collectives. C’est primordial. Et merci pour les petites précisions historiques, c’est toujours bon d’en discuter.Et le «nous» femmes a souvent été questionné, critiqué et aussi rejeté, comme tu nous l’a rappelé («occidentalocentrisme,«blanchitude», bourgeoisie, hétérosexualité, colonialisme). Tout comme le «nous» québécois réfère à une identité parfois questionnée, critiquée et rejetée pour moults raisons.

    Là où j’amènerai une nuance, c’est sur l’idée que les mouvements sociaux, comme le féminisme, ou encore les mouvements de gauche, ne sont pas homogènes. Tout comme les individus qui les composent, ces mouvements sociaux sont contradictoires (surtout quand tu as souligné que la gauche a intégré des notions libérales de diversité et d’expérience, c’est vrai, mais est-ce pour autant le mal absolu? certains gains sociaux ont été faits sur des prémisses «minoritaires» ou «individualistes»).

    Je n’aime pas l’idée de hiérarchiser les luttes sociales en disant: «les luttes identitaires créent la division et favorisent le néolibéralisme, tandis que les luttes plus globales ne le font pas». Il y a des avantages ET des défauts dans les différents types de lutte que l’on décide de mener, et c’est pourquoi je considère que viser des absolus (luttons seulement globalement, à grande échelle, universellement! ou l’inverse, défendons les droits de groupes infimes d’individus!) est paradoxal. Certaines notions comme le peuple, la nation, les frontières, le pays, peuvent être analysées comme des notions excluant certains groupes de personnes. Devrait-on arrêter de faire des analyses seulement sous le prétexte de ne pas diviser des mouvements? Peut-on se permettre de contourner ces réflexions, oui, peut-être référant à des groupuscules et non à une masse, mais qui n’en n’ont pas moins des portées d’émancipation sociale?

    Pour ce qui est d’une possible dérive identitaire/individualiste, je suis aussi d’accord que ça peut arriver, tout comme des dérives collectivisantes aussi sont nettement possibles.Ce n’est pas tout noir ou tout blanc, c’est plusieurs différentes teintes de gris.

    Si l’unité est importante pour dénoncer des inégalités économiques, l’argument de l’unité et de la «force universelle» a été utilisée pour remettre au lendemain les demandes des groupes «minorisés» ou «minoritaires», comme les femmes, les immigrant.e.s, les gens de diverses origines et orientations sexuelles, etc. C’est pourquoi les femmes et les féministes se méfient de l’utilisation de mots universels et de la non-féminisation CHRONIQUE des slogans, affirmations etc.

    D’ailleurs, l’expression que la «force du féminisme est son universalité» pourrait être réfutée, car il n’y a pas UN mais DES féminismes, des plus collectifs, des plus individualistes, des radicaux, des libéraux… Je pense, comme toi, que les femmes forment une classe sociale, mais elle est bien plus complexe que la division binaire bourgeoisie/ouvrier.e.s. Comme tu l’as mentionné, le «nous» femmes ou «nous» féministes n’est pas universel puisqu’il est rejeté et critiqué par certaines autres femmes.

    Je ne pense pas qu’utiliser des rhétoriques d’expériences et de diversité renvoie EXCLUSIVEMENT à l’émancipation des individus, ni ne promeut seulement le néolibéralisme/individualisme à tout crin. Je pense qu’il faut de la mesure et de la nuance dans nos affirmations à propos des mouvements sociaux, car ils peuvent rapidement être insaisissables, fluides et changeants. Condamner trop rapidement les «expériences» et la «diversité» des individus, c’est se tirer dans le pied autant que de trop glorifier et ne jurer que par cela. Ou de trop glorifier l’action collective. Parce que les mouvements sociaux ont avantage à venir rattacher des expériences individuelles/diversifiées pour que le plus grand nombre de personnes viennent lutter dans des enjeux d’ordre collectif. L’inclusivité passe par des pratiques plus inclusives de la race, du genre et des orientations sexuelles, afin que la qualité des mouvements sociaux s’en trouve décuplée et améliorée. Pour qu’ensemble, réellement ensemble, tous et toutes puissent oeuvrer à la justice sociale.

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  • Marie-Anne
    15 mars 2012

    Mais j’adooooore les phrases suivantes : «C’est le vieux débat agent-structure (individu ou société). La gauche post-socialiste se bat aujourd’hui pour l’autonomie des agents au lieu de lutter pour la transformation des structures.» C’est vrai, il y a un trop grand focus sur l’autonomie indivuedelle, rhétorique libérale, au lieu du changement de structure, rhétorique globale/collective.

    Mais cela me fait penser, alors est-ce que les luttes pour l’autonomie des agents est dépassée? (Attention, question piège ;))

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  • Alexandre Cormier-Denis
    16 mars 2012

    Je dois avouer que je suis plutôt impressionné par la qualité des échanges sur ce site.

    @Michelle Monette:
    Et quelle est la différence entre la libération des peuples et des femmes? Le pillage des ressources naturelles de l’Afrique, ça profite aux femmes blanches féministes québécoises. La FTQ, la CSN, la Caisse de Dépôt et de Placement investissent des fonds de retraites dans les entreprises minières canadiennes coupables de violations de droits humains dans le continent le plus pauvre du monde. Comment prioriser une lutte sur une autre? Quel est le critère?

    Si j’étais un marxiste africain, je dirais qu’en privilégiant le combat des féministes blanches et riches vous seriez en train de réifier le néocolonialisme occidental en favorisant l’invisibilité des luttes du Tiers-Monde pour maintenir votre position de domination économique.

    On est toujours l’oppresseur de quelqu’un. C’est la raison pour laquelle il faut articuler le féminisme comme une lutte contre les inégalités, pour la défense d’un monde plus juste. Pour tous et toutes, comme le dit si bien Marie-Anne plus haut.

    @Marie-Anne:
    Tu as tout à fait raison. Je ne souhaitais pas discréditer les mouvements sociaux utilisant ce type de discours (diversité, expérience, pluralisme, etc.) Je pense seulement qu’il faut reconnaître la difficulté d’élaborer un monde commun sans tomber dans le piège de la stricte émancipation individuelle. C’est fichtrement difficile à articuler et il faut en être conscient.

    Ce que je voulais souligner, c’est surtout que la gauche qui se battait pour un monde commun ne voilà pas si longtemps se bat maintenant pour la défense des droits individuels des minorités. De la défense de la majorité contre l’élite minoritaire en place, elle est passée de la défense des minorités contre la majorité. Cela entraîne des conséquences majeures pour son accès aux masses qui ne voient dans les luttes contre les injustices (lire ici féminisme) qu’une sorte de créneau identitaire manié par des minorités incapables d’articuler le collectif.

    Ma réflexion, pour l’instant, est la suivante: on ne peut pas manier le discours libéral sans en être profondément pénétré (comme le patriarcat, par exemple?). Le simple nom de ce site (et ce n’est pas une attaque contre ce site que je considère comme un espace d’échange et de réflexion tout à fait stimulant) met en évidence les changements intervenus dans nos sociétés. L’individu est au centre du projet: «JE suis féministe». Les slogans féministes des années 60′ référaient au collectif : «Québécoises deboutte». S’il y a un androcentrisme du vocabulaire, il y a aussi une «individualisation» du discours ambiant.

    Qu’est-ce qu’une société?
    Un amas d’individus, dont des femmes qui souhaiteraient se sortir de leur infériorisation sociale, ou un IDÉAL qui réfère à une collectivité?

    La hausse des frais de scolarité, si on est dans une perspective uniquement individuelle, est justifiable: «Investissement pour mon avenir. Je m’émancipe par mon éducation de qualité qui me donne accès à des emplois plus payants qui me permettront de rembourser mes frais de scolarités élevés (que je sois femme, noir, nain, gay ou autre).»

    Si l’éducation est une richesse collective qui est censée favoriser la participation des plus fragiles de notre société, alors la hausse devient plus difficilement justifiable. On veut que les enfants d’Hochelaga-Maisonneuve puissent aussi avoir la chance de devenir médecins, juristes ou ingénieurs. Pour articuler ces arguments, il faut savoir faire référence au collectif. Ce que la gauche a de plus en plus de difficulté à faire.

    Bref… utiliser le mot «peuple» (qui réfère à la fois au concept de nation et de catégorie sociale; peuple vs élite) me semble être le b.a.-ba du discours collectif. Ce qui n’implique pas de nier la justesse de la lutte féministe. Il faut savoir arrimer l’un à l’autre, ce qui est évidemment difficile.

    Donc, pour répondre à ta question: il me semble que parler encore des «individus à émanciper» alors que le discours libertarien nous pénètre de partout (Legault, Harper, Duhaime, etc.) me semble problématique. C’est le collectif qu’il faut savoir imposer comme discours dominant. Et le féminisme en fait partie.

    J’irais même plus loin que toi; je suis d’accord sur au moins 90% de ton analyse. Mais, comme nous le savons tous et toutes, le diable se cache dans les détails…

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  • Berenice
    16 mars 2012

    « Il faut sortir de la division des luttes qui font triompher le libéralisme individuel menant aux politiques néolibérales que nous connaissons aujourd’hui. Le féminisme doit se battre pour et avec le «peuple» et le «nous»… même si ces concepts sont androcentriques. »

    C’est joliment dit, c’est plein de bonne volonté, ça suit un petit laïus qui précise bien que de tous les opprimés, les plus opprimés sont les femmes, Mais de tout cela, on en conclu qu’il faut que les femmes défendent les causes andocentrées!!! Mais c’est moi qui ai un problème où il y a un souci de logique?
    Je rêve ou il s’agit des gens en question dans l’article qui viennent se défendre (et non pas s’excuser) et donner des leçons sur le choix du vocabulaire? Tout à coup j’ai peur, rassurez-moi je vous en prie.
    Tout ce que ça m’inspire, c’est cela:

    un extrait d’un article de Christine delphy:
    « Pourquoi cette contradiction flagrante ? C’est que nous ne sommes pas des opprimées comme les autres. Ils n’oseraient jamais « conseiller » les Noirs, les peuples du Tiers-Monde, les Palestiniens – à plus forte raison « rectifier » leurs « erreurs » – sur la façon de mener la lutte contre eux, Blancs occidentaux [1]. Ils n’oseraient jamais sous-entendre que ces opprimés-là sont « à la fois juge et partie », tandis que les oppresseurs ne seraient « que juges » (!), comme ils le sous-entendent constamment à propos des femmes. L’« amitié » de nos amis est du paternalisme : une bienveillance qui comporte nécessairement une bonne dose de mépris, mieux, une bienveillance qui ne s’explique que par le mépris. Ils se mêlent de nos affaires parce qu’ils nous estiment incapables de nous en occuper.
    Mais « ce n’est pas tout » : la vérité – une autre vérité – c’est qu’ils ne peuvent se résigner, eux qui sont les premiers partout, à ne plus l’être aussi là : or, là, ils ne peuvent manifestement pas l’être. Leur bienveillance n’est qu’une tentative de garder une place, de n’être pas exclus. Il existe une raison objective et majeure à leur tentative de contrôler la direction des mouvements : la peur qu’ils ne se dirigent contre eux : mais de surcroît une tendance imprimée en eux dès leur naissance, et devenue une seconde nature, est plus forte qu’eux : il faut que cette place soit leur place, et leur place, c’est devant.
    On l’a vu d’une façon spatiale à la première grande manifestation de femmes en novembre 1971 pour la liberté de l’avortement. Si un tiers des hommes était derrière, comme convenu, les deux autres tiers étaient devant, cachant les femmes, laissant croire qu’il s’agissait d’une manifestation usuelle, c’est-à-dire d’hommes. Aucune exhortation ne pouvait les convaincre de se remettre, sinon derrière, au moins dans les rangs. Et pourtant ils étaient conscients qu’il s’agissait d’une manifestation de femmes. Mais leur conditionnement allait contre les conséquences pratiques de ce fait. Il fallait que là encore ils soient, comme d’habitude, au premier rang de ce qui se passait, quitte à mettre en échec l’objectif politique qu’ils approuvaient.
    Où est alors la différence entre ces « amis » et nos ennemis déclarés, ceux qui nous traînent dans la boue et nous couvrent de ridicule ? C’est une différence de moyens et pas de fin, ou comme dirait Alzon, une « affaire de tactique », et non de stratégie. Les premiers nous attaquent de front et avouent franchement (« loyalement » ?) leur objectif : rester à leur place (et donc nous maintenir à la nôtre). Nos amis, eux, ont choisi d’essayer de garder leur place d’une façon plus subtile, mais aussi plus complète. Car les premiers sont exclus, de peu puisqu’il leur reste la société entière, mais au moins des rangs féministes, tandis que les seconds ne visent à rien moins qu’à maintenir leur pouvoir jusqu’à l’intérieur du petit bastion de résistance à ce pouvoir. »
    Article complet ici : http://lmsi.net/-Reflexions-sur-la-violance-

    Voilà, moi c’est pour ça que je suis pour la non-mixité. Il s’agissait de la journée des droits des femmes, une seule journée par an!!!! Et il y a eu récupération de la manifestation au profit des hommes, pour une autre cause que celle des femmes. Et alors elles se plaignent! Mais expliquons leur à ces pauvres naïves que le vrai sujet n’est pas là, même le 8 mars, le vrai sujet, ce sont les luttes andocentrées et le féminisme doit se battre aux cotés (pour, serait plus juste) les causes andocentrées. D’ailleurs, puisque la vraie lutte concerne les questions andocentrées, il faudrait renommer le mouvement. Pardon, mais féminisme, c’est tout de même très identitaire, quand on voit les causes qu’en fait il doit défendre, (soit les causes sociales et économiques) on se dit que le nom n’est pas adapté. On déjà rectifié les slogans qui étaient trop identitaires en quelque chose de beaucoup plus collectif, « peuple », « nous » etc. Il ne reste qu’à renommé le mouvement.
    Féminisme, ça fait penser à femme, hors, le féminisme doit se battre pour des causes andocentrées, donc, je propose, et ce serait logique de renommer le féminisme en, je ne sais pas moi, socialisme? C’est joli comme mot ça non? Ça vous plait pas?
    En tout cas, ce serait plus collectif et plus andocentré, hors, si le féminisme doit rechercher quelque chose, c’est bien l’universalisme, à travers la défense des causes andocentrées. Merciu mesdames de votre coopération.

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  • Michelle Monette
    16 mars 2012

    @Alexandre Cormier-Denis : « Comment prioriser une lutte sur une autre? » Le 8 mars est la journée internationale des femmes. Il me semble que la question ne se pose même pas. Non? Pour les 364 autres journées, ce n’est pas la bonne question selon moi. Les luttes menées par les mouvements féministes sont distinctes des luttes des peuples pour leur libération, ou des luttes de classes, mais peuvent être vecteurs de changements dont vont profiter à la fois les femmes et les hommes. Il n’y a pas forcément incompatibilité mais il y a forcément risque que les autres luttes occultes les causes profondes des différentes formes d’oppression (des plus subtiles aux plus révoltantes) dont sont victimes les femmes.

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  • Alexandre Cormier-Denis
    16 mars 2012

    @Berenice:
    C’est la raison pour laquelle je ne suis pas un militant féministe. Inévitablement, tout homme entrant dans ce débat va se faire dire qu’il réifie le patriarcat par sa simple prise de parole, peu importe ses positions. Il ne fait que continuer la domination masculine par sa seule présence à toute forme de réflexion féministe.

    Votre position sur la non-mixité est compréhensible si cela recoupe un espace d’échange. D’ailleurs, peut-être n’ai-je pas ma place sur ce forum de par ma simple condition d' »homme blanc hétérosexuel ». Si ce forum est non-mixte, je n’en ai pas été averti. D’ailleurs, en parlant de non-mixité, vous remarquerez que les icônes des participants au débat représentent par défaut une silhouette d’homme. Androcentrisme quand tu nous tiens…

    Le problème c’est que la discussion doit s’enclencher à un moment ou un autre dans un contexte mixte. Sinon, comment faire parvenir les positions féministes aux autres mouvements sociaux où sont présent les hommes? Des espaces non-mixtes, soit. Mais les espaces mixtes sont aussi essentiels.

    Je suis d’accord avec vous au sujet de l’ennemi interne et Delphy est un pilier de la réflexion féministe (connaissez-vous Paola Fabet?). La socialisation des jeunes hommes joue évidemment pour beaucoup dans la place qu’ils prennent dans des manifestations. Mon intervention soulignait juste le fait que la jonction de la manifestation féministe du 8 mars avec le mouvement étudiant me semblait plutôt une bonne chose. Si des slogans misogynes ont étés scandés, c’est regrettable. Il faut les condamner fermement.

    Cela n’invalide pas pour autant la jonction des luttes, ni les références collectives lors de manifestations étudiantes. Sur ce point, je pense que nous ne nous rejoignons pas.

    @Michelle Monette:
    Évidement le 8 mars, la question ne se pose pas. Mais dans le contexte qui est le nôtre aujourd’hui, avec des milliers d’étudiants mobilisés, il est sain que les divers mouvements sociaux se rassemblent pour manifester collectivement. Surtout si l’on considère que la hausse des frais affectera en premier lieu les femmes, vu leurs conditions économiques précaires.

    De plus, comme je l’ai déjà dit précédemment, la lutte féministe a certes ces spécificités propres (comme la lutte contre le racisme par exemple), mais doit tout de même savoir s’articuler dans un contexte plus large. Et c’est ici que je me détache de la pensée de Berenice. La lutte est globale et donc difficile à articuler.

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  • Berenice
    16 mars 2012

    On tourne en rond, vous n’écoutez pas ce que l’on vous dit. Vous répondez je connais déjà, je n’ai pas besoin d’y réfléchir. Ce forum n’est pas du tout non mixte, et vous avez tout à fait le droit de vous exprimer ici. Il est inutile de vous sentir visé en particulier, je parle du fait que lors de cette manifestation, les hommes aient réussis à gâcher ce moment pour les femmes. Ce qui n’a pas l’air de vous poser problème, le plus important étant la réunion des mouvements étudiants. Dommage pour les petits dérapages de slogans misogynes!!! Qu’il faut condamner…

    Ce n’est pas moi qui fixe les règles et effectivement, si je les fixais, je vous autoriserai à écouter par exemple mais je vous demanderai de vous taire, ce qui peut-être vous permettrai de prendre un peu en compte les avis d’autres personnes. Cela vous éviterai les déclarations péremptoires telles que :
    « la lutte féministe a certes ces spécificités propres(…) mais doit tout de même savoir s’articuler dans un contexte plus large. »
    Et donc, vous êtes? Pour venir dicter ce que DOIT ÊTRE le féminisme. Vous caricaturez presque le propos de l’article.
    Comment ça la lutte est globale? Qu’est-ce que ça veut dire exactement?

    Il y a plusieurs luttes, les oppressions s’interpénètrent et se renforcent les unes les autres. Mais la première oppression dont je souffre, celle dont je souffre le plus, ne vous en déplaise, c’est l’oppression du patriarcat. Et cela, bien plus lourdement que celle du néolibéralisme. J’en souffre aussi voyez-vous, mais moins. Vous, vous ne souffrez QUE de celle-là et vous avez la malhonnêté intellectuelle de considérer que c’est la plus importante.
    Car de votre expérience de la vie, c’est la seule oppression que vous subissiez et vous considérez naïvement que c’est la plus importante. Et lors de la journée dédiée aux femmes, à ce qu’elles ressentent, à leurs luttes à ELLES vous venez expliquer que les questions du féminisme sont secondaires.
    De même, pour vous, et pour moi, qui suis blanche, les questions liées au racisme ne pèsent pas sur ma vie. Je ne suis pas victime du racisme. La différence avec vous, monsieur, c’est que jamais je ne me permettrai de dire à un noir que le racisme, ok, c’est pas bien, mais que bon, la lutte la plus globale, la plus importante, la principale, la première, c’est le féminisme. Parce que si c’est la première pour moi; c’est en fonction de mon expérience. Qui serais-je pour considérer que mon expérience de la vie, ma souffrance vaut plus que la sienne? Et que ses peines à lui, sont secondaires, et peuvent attendre… Alors que les miennes…
    Qui décide de la priorité des luttes, qui fait la mesure des souffrances, qui hiérarchise et donne des leçons?
    Cela ne vous pose pas question de venir sur un forum féministe expliquer aux féministes qu’elles se trompent de lutte, et qu’elles ne devraient pas se plaindre quand elles se font piétiner, car le plus important est sauf, la lutte pour les bonnes valeurs andocentrées?
    Mais franchement, arrêtez-vous une seconde pour y penser.
    Imaginez que je me pointe dans une association qui lutte contre le racisme, en bonne petite blanche et que je vienne leur expliquer que le plus important, c’est pas la lutte contre le racisme, et que celle-ci doit s’articuler avec les luttes économiques des blancs, qui sont les plus importantes, et qui leur apporteront des avantages considérables. Et qu’il faut qu’ils comprennent que la lutte est globale, et que la leur doit s’articuler dans la mienne. Comprendre, la leur doit se dissoudre dans la mienne.
    C’est toujours la même dissolution qui est à l’œuvre. On dit Ils pour parler des hommes et des femmes, on dit les droits de l’Homme, on dit ma lutte est globale, prioritaire, première etc. Mais c’est une vue de l’esprit. Car c’est pour vous qu’elle est prioritaire, pas pour moi. Pour moi, le féminisme est prioritaire, largement. Qui êtes-vous pour prétendre que vos aspirations valent mieux que les miennes?
    C’est incroyable, à chaque fois cela me fascine de la même manière. C’est apparemment IMPENSABLE pour vous, on dirait que vous êtes réellement incapable de vous mettre à ma place une seconde, vous ne pouvez pas!
    Même avec l’explication claire et nette de Mme Delphy qui décrit EXACTEMENT LA MÊME SITUATION, c’est FRAPPANT, vous continuez, pas perturbé une seconde.
    Votre pensée est tellement andocentré que vous ne pouvez pas vous en défaire, même une seconde, vous enchaîner les énormités :
    Le féminisme doit se battre pour et avec le «peuple» et le «nous»… même si ces concepts sont androcentriques. »
    Celle-là fallait oser la faire. Le féminisme doit se battre avec des concepts andocentrés, c’est pas grave, y a pas de problèmes. D’ailleurs, vous savez quoi; la lutte contre la racisme, doit se faire avec des concepts raciste, l’important, c’est la globalité de la lutte.
    et celle-là aussi :
    « De plus, comme je l’ai déjà dit précédemment, la lutte féministe a certes ces spécificités propres (comme la lutte contre le racisme par exemple), mais doit tout de même savoir s’articuler dans un contexte plus large. »
    Hein, z’avez compris mesdames, ce que doit être le féminisme?

    @Berenice:
    C’est la raison pour laquelle je ne suis pas un militant féministe. Inévitablement, tout homme entrant dans ce débat va se faire dire qu’il réifie le patriarcat par sa simple prise de parole, peu importe ses positions.
    Vous avez raison, si je vous critique, ce n’est surement pas parce que votre discours est critiquable, mais bien plutôt parce que vous êtes un homme, et que donc, quelque soit ce que vous disiez, je serais contre…
    Cependant je dois vous dire que si vous reconnaissiez, que je n’ai pas entièrement tort, et que peut-être, ce que je dis à un sens, je vous donnerai raison ^^
    Voyez, ne soyez pas de si mauvaise foi :p C’est nul comme argument.

    Donc toujours pas d’excuses pour ce qui s’est passé à cette manifestation? Vous y étiez? Vous étiez en première ligne, vous faites partie des gens à qui ces reproches sont adressés? Je ne comprends pas bien, d’où vous vous placez? Et ce que vous défendez exactement?
    Est-ce que votre propos est de dire que ce que rapporte cet article n’est pas grave, parce que la lutte féministe est secondaire, et que le plus important, c’est la lutte portée notamment par les personnes qui ont récupéré la manifestation à leur profit? Et que le féminisme doit s’articuler autour de cette lutte plus globale? Vraiment, j’aimerai comprendre. Parce que je ne vois pas de condamnation de ce qui s’est passé à la manifestation dans vos propos. Ce que je vois par contre, c’est des tentatives pour rationaliser, justifier et rendre acceptable ce qui s’est passé. Apparemment pour vous, c’est juste le coup des slogans misogynes qui était un peu too much, mais le reste est normal. Donc je m’interroge et je vous serai reconnaissante de répondre à mes questions s’il vous plaît.

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    • Locarine
      22 mars 2012

      «Ce n’est pas moi qui fixe les règles et effectivement, si je les fixais, je vous autoriserai à écouter par exemple mais je vous demanderai de vous taire, ce qui peut-être vous permettrai de prendre un peu en compte les avis d’autres personnes. » Tellement d’accord avec Bérénice !

      C’est une tactique que j’applique déjà – en contexte de mixité, mais les hommes ne peuvent qu’écouter lors des premières rencontres. Ensuite seulement, quand ils ont entendu les autres sans l’occasion d’interrompre, de dénigrer ce qui est dit lorsque ce n’est pas dit dans des mots ou des formes qu’ils aiment, de réorienter ou de récupérer le discours, etc… donc, quand la plupart sont partis (on remarque que quand ils n’ont pas l’occasion de faire les coqs, de s’astiner entre eux durant nos rencontres ou de «gagner» l’arguemntation, ils s’en vont vers d’autres «ring» pour (se) (dé)battre entre eux …

      Ceux qui restent, après une couple de réunions, donc ceux qui sont non seulement prêts à démonter l’argumentaire des autres mais à DISCUTER et ÉCHANGER, acquièrent alors le droit de parole. C’est FOU la différence que ça fait concrètement quant au respect de la parole des femmes !!!Je vous y invite : essayez ça ! 🙂

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  • Guillaume
    17 mars 2012

    Si aux Qc, le féministe est en perte de vitesse, ces par son manque daccessibiliter a gens ‘ normaux’ . Jai lu et relu les commentaires, jai une education moyenne, je vien de la classe moyenne, jai un diplome d’études secondaire, comme beacoup d’autres, mais je mis pert. Ho, allez y frapper sur moi, dite moi que je manque d’instruction pour suivre, que je suis un con, que ces pas votre job d’éduquer, mais je suis le ‘regular John or Jane’ et je comprend rien. Bref, déposer vos diplomes universitaires et vulgariser plus pour rendre le tout plus accessible aux petit peuple.
    Merci

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  • Michelle Monette
    17 mars 2012

    @ Guillaume Bravo pour votre commentaire. Vous avez raison de dire qu’on ne vulgarise pas assez. C’est bien certain que dans un fil de commentaires tel celui-ci c’est plus difficile, mais comme communicatrice je peux comprendre votre critique.

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  • Math
    18 mars 2012

    La prochaine fois, organisez là vous mêmes la manif…comme ça vous aurez au moins le contrôle quasi total du contenu. Non?

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  • Évelyne
    18 mars 2012

    En tant que féministe, également, je dois dire que je suis en profond désaccord avec cet article.

    En fait, je trouve que l’auteur apporte un point de vue victimisant de la femme, en plus d’être très maladroit, et quelque peu de mauvaise foi. Notamment dans la « raison #1 ».. journée de LA femmes.. journée DES femmes. Sérieusement? Allons-nous vraiment jouer sur les mots à ce point? Journée de LA femme est très correct car, justement, il est loin de l’Image Parfaite, il est un LA solidaire qui englobe toutes les femmes. L’auteur est facilement entrée dans le jeu de l’image de la Femme que donnent les revues féminines.

    De plus, l’auteur fait partie d’une branche du féminisme qui nuit à la vraie cause. Le féminisme veut l’égalité homme-femme. À trop donner une place de victime (comme on le voit ici) à la femme, ou à trop vouloir tasser l’homme pour mettre la femme, on détruit l’égalité. *Attention, loin de moi de dire qu’il vaut mieux prôner le statu quo*. Mais, à traiter la femme comme un cas exceptionnel, on la marginalise. Ainsi, on marche à contre sens du but que l’on veut vraiment atteindre.

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  • Julie S.
    18 mars 2012

    @berenice
    Merci! Tu viens de me sauver. Je me suis laissé avoir l’espace d’un instant par un discours qui me culpabilise de lutter comme je l’entend. Faut le faire quand même!

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  • Berenice
    19 mars 2012

    De rien ^^
    Oh les premières fois on se laisse toujours avoir par ce petit discours, je m’y suis laissée prendre plus d’une fois avant de le remettre en question. Mais maintenant que c’est fait, il n’y a plus de retour en arrière possible 🙂

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  • Alexandre Cormier-Denis
    22 mars 2012

    @Berenice:
    Pour répondre à votre dernière question; non je n’étais pas présent à cette manif. Je ne peux pas m’excuser pour des propos tenus par d’autres. Des propos que je n’endosse pas, je le répète. Les propos misogynes doivent êtres dénoncés, dans les manifs ou ailleurs. Il est effectivement déplorable que de tels slogans se soient tenus. Que les femmes soient au front de la manif lors de la journée des/de la femme/s, cela me semble aussi une évidence.

    Je dis aussi qu’il y a une différence entre parler du « peuple » ou des « étudiants » et tenir des propos misogynes. C’est sans doute une question de définition de la misogynie, qui pour moi renvoi à la haine des femmes. Évidemment, toute la culture occidentale est androcentrique, toute référence collective l’est aussi de manière générale. Mais est-ce qu’un slogan tel « Un peuple uni, jamais ne sera vaincu » renvoi à la haine des femmes? Permettez-moi d’en douter.

    Vos attaques concernent surtout ma position d’homme qui ne peut comprendre l’oppression du patriarcat. Selon vos arguments, je ne peux pas me prononcer sur ces questions du fait de ma position d’ « ennemi interne » qui amorce une réflexion sur l’hyperdivision des groupes sociaux. Si je me prononce sur ce forum ce doit être pour vous donner raison, sinon je suis un goujat qui réifie le patriarcat…

    Ce que je souligne c’est que le discours de l' »expérience » est typiquement libéral. Voilà tout. je voulais juste initier une réflexion sur l’absence de la gauche à articuler le collectif. J’écoute vos arguments et ils confirment exactement ce qui a initié ma réflexion:  » MON oppression à MOI c’est le patriarcat(…) ». Cela dit, nous sommes tous pénétrés de patriarcat et de libéralisme, cela n’empêche pas de combattre ni l’un, ni l’autre.

    Je termine sur ces mots de Virginie Despentes:
    «Quand le monde capitaliste s’écroule et ne peut subvenir aux besoins des hommes, plus de travail, plus de dignité dans le travail, absurdité et cruauté des contraintes économiques, vexations administratives, humiliations bureaucratiques, certitude de se faire arnaquer dès qu’on veut acheter quelque chose, nous sommes encore tenues pour responsables. C’est notre libération qui les rend malheureux. Ce n’est pas le système politique mis en place qui est fautif, c’est l’émancipation des femmes.»

    Il ne faut pas tomber dans ce piège; c’est effectivement le système politique en place qui est problématique, pas le mouvement féministe.

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  • Berenice
    23 mars 2012

    Vous confondez, je n’ai pas dit que parler de « peuple » ou utiliser le « nous » était misogyne. Vous êtes de mauvaise foi. Peut-être manquez-vous d’arguments?
    J’ai dit que lors d’une manifestation féministe, les slogans se devaient de ne pas être andocentrés, malgré ce que vous affirmez (!!!), selon quoi les femmes se retrouveraient aussi dans ces termes. Je vous dis que MOI, en tant que FEMME, féministe, je ne m’y reconnais pas. Et que lors d’une manifestation féministe, j’estime qu’enfin, peut-être je ne vais pas être dissoute dans le « masculin-neutre-universel ».
    Ah, je suis libérale lorsque je vous dis « MON oppression à MOI c’est le patriarcat(…). » Mais monsieur, c’est une réponse à votre: « MON oppression à MOI est Universelle et est la plus importante du monde. TOUS VOS COMBATS doivent passer après les MIENS qui sont les plus importants. »
    Je vous précise juste, que c’est POUR VOUS qu’ils sont principaux, par pour MOI. Vous voyez la différence, VOUS/MOI, deux personnes différentes, et MOI pas soluble dans VOUS? Et MOI pas vouloir que l’on parle de moi en disant ILS sous prétexte que je suis avec des hommes? MOI pas vouloir disparaitre dans VOUS et VOS combats.
    Est-ce que c’est plus clair? Si vous y voyez du libéralisme, libre à vous, mais je pourrai très bien vous dire que le féminisme est une lutte universelle, et que c’est la lutte contre le néolibéralisme qui doit s’articuler autour du féminisme, car l’éradication du patriarcat entraînera de fait, une destruction du néo libéralisme. Et que donc, pour jouer « collectif », c’est le féminisme qu’il faut d’abord défendre. Et que si vous n’êtes pas d’accord, c’est que vous êtes trop perso et obnubilé par les avantages que vous apportent le patriarcat, avantages auxquels vous ne souhaitez pas renoncer etc.

    « Il ne faut pas tomber dans ce piège; c’est effectivement le système politique en place qui est problématique, pas le mouvement féministe. »
    Si c’est ce que vous avez compris de mon discours, c’est que je n’ai pas été suffisamment claire ou alors vous y mettez un peu de mauvaise volonté. Je vous fait remarquer que de prétendre que je vous donnerai tort quoi que vous disiez uniquement parce que vous êtes un homme n’est pas un argument, mais un espèce de « chantage à la discrimination » un peu puéril de votre part. Je le fait en me moquant un peu de vous, certes, le fait que vous me répondiez au premier degré dénote peut-être un petit manque de recul de votre part. Ou alors c’est aussi de l’humour? dans ce cas c’était trop subtil pour moi, je n’ai pas compris…

    Enfin bref, je ne pense pas que l’on arrive à se comprendre, pour ma part je suis fatiguée de me répétée, navrée si je n’arrive pas à exprimer clairement ma pensée. Et si tout ce que vous reteniez c’est que je vous dis MOI MOI MOI… J’ai un peu envie de vous répondre çà, (peut-être cela sera-t-il plus clair pour vous): remplacez « universel » par « collectif » et vous verrez peut-être ce dont je vous parle…

    « Le dernier chapitre réunit des articles qui reprennent plus explicitement le sujet de tout le recueil : « Un universalisme si particulier ». Sous un aspect ou un autre. Car la question de l’universalisme est en réalité la question de l’accaparement de la totalité de l’humanité par une partie de l’humanité. Ces textes examinent la façon perverse dont cette partie a forgé des normes qui reposent sur l’exclusion des autres êtres humains. Mais cette exclusion n’en est pas vraiment une ; ces autres êtres ne vivent pas sur des satellites en orbite, mais au milieu de l’humanité dominante. C’est de la représentation de l’humanité que ces êtres sont exclus. En effet l’ « universalisme » n‘est pas abstrait, et bien qu’il le prétende, il n’est pas désincarné. Dans le foisonnement déroutant des textes, quand on finit par décrypter la règle de droit qui institue le sujet de droit, c’est-à-dire le « citoyen universel » dont nous parle l’idéologie républicaniste, on découvre aussi qu’elle lui donne un visage, flouté par les euphémismes et la pseudo-généralité, mais identifiable. Il ressemble à quelqu’un qu’on connaît. Il a les traits (la façon de vivre, les occupations et les préoccupations, les prérogatives) d’un homme, d’un Blanc, et d’un hétérosexuel. Est-ce si surprenant, alors, que les autres se révèlent non conformes à ces normes « universelles » faites en réalité pour lui et seulement pour lui ?

    Un universalisme peut-il être particulier et rester universel ? »

    réf ici : http://lmsi.net/Un-universalisme-si-particulier

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  • Alexandre Cormier-Denis
    24 mars 2012

    Précisons; je ne dis pas que les slogans d’une manif féministe doivent êtres androcentrées. Je pense simplement que le fait de mentionner le «peuple» et les «étudiants» dans une manif étudiante qui se joint à une manifestation féministe lors de la journée des femmes, ça se comprend vu les circonstances…

    Le texte de Delphy est intéressant, mais réfère à une situation bien particulière; celle de la France. Je ne pense pas qu’au Québec, l’universalisme soit particulièrement fascisant. Pas de Sarkozy, de LePen ou de mythologie gaulliste. Plutôt Charest, Legault et Quebecor, soit les vecteurs d’un discours ultralibéral. Nous sommes en Amérique du Nord, haut lieu de l’émancipation individuelle, et non en Europe où l’État légifère contre la construction de minarets ou contre la présence de niqab dans les lieux publics.

    Tenir un discours sur le collectif est en fait plutôt marginal ces temps-ci. C’est d’ailleurs ce que le mouvement de grève étudiante essai d’articuler; l’éducation comme richesse collective et non comme investissement personnel. Mais peut-être que la notion même de «richesse collective» est trop androcentrée pour que l’on puisse utiliser cet arguent. Par ce que le «collectif» c’est évidemment l’homme blanc hétérosexuel.

    «MOI pas vouloir disparaitre dans VOUS et VOS combats.»
    Est-ce que les dizaines de milliers de femmes et de jeunes filles qui participaient à la marche du 22 mars contre la hausse des frais de scolarité n’auraient pas dû être là parce qu’elles «disparaissaient» dans «notre» combat androcentré? Ces femmes participent, selon mon humble avis, à un combat féministe; celui de l’égalité des chances pour toutes et tous d’avoir accès à une éducation universitaire. Car la première catégorie sociale à être touchée par la pauvreté ce sont les femmes. Et cela même si la foule chantait, entre autres choses, des slogans «androcentrés»…

    Si vous pensez que vous (en tant qu’individu) n’êtes pas soluble dans le «nous» (qui réfère à une symbolique puissante dans l’imaginaire collectif), comme vous le revendiquez, comment peut-on combattre les inégalités comme société?
    Vous proposez une lutte identitaire, c’est le «moi» comme femme qui ne se sent pas représenté par le «collectif» dominé par le patriarcat. Le féminisme subit donc un glissement majeur: d’une lutte contre les inégalités matérielles (pauvreté endémique, violence, lois discriminatoires, etc.) elle passe à une lutte identitaire (représentation symbolique). Ce n’est pas la dénonciation des inégalités faites aux femmes en tant que tel qui est central dans l’argumentaire, c’est la représentation qui devient problématique. C’est une lutte de la reconnaissance typiquement libérale: le «moi» qui veut être reconnu et émancipé, et non la lutte de 50% de la population pour un monde plus juste. Si le féminisme devient une lutte strictement identitaire, il devient incapable d’articuler les problèmes sociaux hors de son prisme particulier.

    La lutte contre la hausse des frais de scolarité est AUSSI une lutte féministe. Même si des hommes blancs hétérosexuels y participent. Du moins, c’est ainsi que je conçoit le féminisme. Mais, peut-être me trompe-je.

    Bah, je ne pense pas être de mauvaise foi ni à court d’arguments, mais peut-être avez-vous raison; cet exercice devient un peu fatiguant et stérile. Le format du net ne permet pas des échanges très intéressants, comme je le constate. Tout le monde reste généralement sur ses positions. Le format d’un dialogue par écrit radicalise en général les discours, tandis que la conversation (non électronique!) permet souvent de trouver un minimum de terrain commun. Le médium joue sans doute pour beaucoup dans cette prise de becs qui s’éternise.

    Au plaisir.

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  • Janik
    27 mars 2012

    @Alexandre: Je crois plutôt que vous faites (consciemment ou inconsciemment) tous les efforts possibles pour vous éviter la blessure narcissique d’un décentrement.

    Et je ne parle pas à travers mon chapeau. J’ai eu la même résistance lorsque des personnes racisées ont critiqué certains aspects de mes positions et de mes communautés (féministe, blanche, lgbtq mainstream). La différence sans doute c’est que j’ai persisté à écouter plutôt que de présumer savoir déjà ce que ces personnes essayaient de me dire. Suis-je aujourd’hui d’accord sur absolument tous les points qui m’ont été amenée? Non. Mais sur beaucoup d’entre eux, si. Et c’est seulement maintenant que mes aspirations d’actions solidaires et rassembleuses peuvent réellement avoir un sens.

    Ce qui transparait jusqu’à maintenant dans vos prises de parole, c’est le côté feint de votre ouverture aux réflexions qui sont développées par des féministes. Pourquoi feint? parce que vous vous contentez de Delphy (aussi pertinente soit-elle et encore faudrait-il que vous l’ayez vraiment lu, ce qui reste encore à déterminer) et faites du name droping de Paola «Fabet» (c’est Tabet en passant), sans pour autant écouter les réflexions que votre interlocutrice (féministe aussi) vous partage. Vous glissez d’ailleurs joyeusement vers du mansplaining lorsque vous lancez «connaissez vous Paola Fabet (sic)?», laissant à la fois entendre que votre interlocutrice pourrait en connaître moins que vous sur les théoriciennes féministes, et que vous n’avez plus de devoirs à faire sur ce plan, vous étiant déjà «abondamment renseigné».

    Et sur l’universalisme, je vous invite à faire vos devoirs d’histoire militante au Québec. Il y a effectivement eu très peu de référence directe à ce concept pour critiquer ici les divisions qu’infligeraient le féminisme et les luttes soi-disant identitaires au sein de luttes dites collectives, mais cette sensibilité n’en est pas moins demeurée très présente. Allez regarder du côté de la militance marxiste des années soixante-dix, par exemple, et de leur réaction aux critiques féministes de quelques femmes en leur sein. Et pour faire ma «juste part», cette même frilosité a été exprimée au sein du mouvement féministe à l’égard des revendication des femmes racisées, qu’on a accusées de détourner de la grande lutte contre le patriarcat, longtemps jugée plus importante que celle contre le racisme. Aucun appel à un principe d’universalisme, mais il s’agissait de facto de positions «universalistes».

    Je vous en assure. Vivre une blessure narcissique n’est pas la catastrophe appréhendée. Et je ne suis pas sarcastique ici. On en sort avec un plus grand confort vis à vis la diversité et une meilleure vision de luttes collectives.

    Tiens, dans une démarche de bonne foi, je vous invite à consulter ce vidéo, par rapport auquel ni vous ni moi ne tirons «avantage». C’est à dire qu’il n’est ni en ma faveur ni en la vôtre, nous invitant tous deux à un décentrement.

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