Dénonciation du sexisme ironique de La P’tite Grenouille avec son MILF-O-THON

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La P’tite Grenouille de Charlesbourg
5350 Boulevard Henri-Bourassa, Charlesbourg, QC, G1H 6Y8

À qui de droit,

Nous sommes des femmes, des hommes, des parents, des travailleuses et travailleurs et des étudiantes et étudiants. Nous sommes indigné-e-s d’apprendre que votre établissement organise des soirées MILF-O-THON.

Vous prétendez rendre hommage aux mères en affirmant, dans le petit bordereau rose tout gentil sous l’affiche : « Parce que c’est pas parqu’on est maman, qu’on n’a pas le droit d’être sexy, d’avoir du plaisir entre amies et d’assister à un bon spectacle [sic] ». Pourtant, vous avez choisi de dénommer l’événement MILF-O-THON en référence à deux expressions douteuses : « MILF » et « O-THON ».

L’expression « MILF » originaire de la pornographie et publicisée par le film American Pie, signifie « Mother I’d Like to Fuck » (mère que je voudrais baiser, traduction libre). Le « I » (« je ») est celui d’une autre personne que la mère en question, une personne qui regarde et qui juge si la mère est encore désirable en fonction de critères établis par des hommes, critères collés sur des modèles de femmes très jeunes (voire de jeunes filles), modèles physionomiquement impossibles à atteindre pour la plupart des femmes (parce que nos corps sont plus diversifiés!) et qui ne prennent définitivement pas en compte les marques de la maternité. C’est en fait une expression dégradante pour les femmes, car celles-ci sont réduites à l’état d’objet : objet du désir masculin et objet de séduction. Un objet sexuel, sexualisé contre le gré des femmes, puisque l’expression signifie qu’on ne prend pas en compte la sexualité de la personne dont on parle, mais plutôt celle de l’observateur. Ce n’est pas une façon de dire qu’une femme est objectivement sexy. C’est une façon de dire que les femmes doivent se conformer aux attentes du regard masculin et que le regard masculin est d’emblée sexualisant et objectifiant. En tant que féministes et proféministes, nous critiquons l’objectification des femmes comme négation de leur personne et de leur sexualité ET nous rejetons le postulat voulant que tous les hommes soient d’abord des sexes ambulants.

L’expression « O-THON » fait référence à une quantité, un nombre interchangeable de femmes comme des kilomètres dans une course, des longueurs de piscines dans un nage-o-thon ou des dons en argent dans une levée de fonds.

Du côté de la représentation, votre affiche montre un père incompétent qui tient à bout de bras son propre enfant comme s’il ne s’en était jamais occupé par lui-même. Ce vieux cliché sexiste est désuet.

Ainsi, vous tenez un double discours. D’un côté, vous dites que vous rendez hommage aux mères; de l’autre, vous pornographisez les femmes en les réduisant à des objets sexuels destinés au divertissement masculin. Ce sexisme ambigu ou ironique, qui joue sur une affirmation gentillette et sur une expression dégradante, rend difficile (et longue) la critique.

Vous pouvez toujours vous défendre de vos bonnes intentions, mais notre intérêt se situe au niveau des effets de votre campagne de promotion. De fait, en présentant une objectification des femmes, une négation de leur sexualité (le droit d’être et de désirer! pas le devoir d’être désirable aux yeux de certains) et une négation des marques et effets de la maternité sur le corps des femmes (marques tout à fait jolies, comme en témoignent ces photographies merveilleuses); en présentant les hommes comme les juges suprêmes de notre beauté et même de notre sentiment d’être désirables, hommes-prédateurs, hommes-sexes, hommes dominants et dominateurs, La P’tite Grenouille choisit de dénigrer les femmes, en particulier les mères et de porter atteintes à notre marche vers l’égalité entre les hommes et les femmes en reproduisant des clichés sexistes (définissant le sexe masculin comme supérieur) et hétérosexistes (définissant les relations hétérosexuelles comme normales).

De fait, il est certain que votre message a été entendu par les internautes qui ont commenté votre événement sur Facebook et qui ont poursuivi votre travail patriarcal en opérant la même réduction des femmes à quelque chose comme de la viande disponible au comptoir des viandes (dans votre bar à une date précise).

capture2Enfin, dans la description de votre événement, vous parez d’emblée à toute critique en réduisant notre éventuelle indignation à une question de morale ou de pudeur en évoquant le col roulé et le thé. C’est tout à fait injuste, mais nous comprenons que c’est stratégique : vous tentez de discréditez toute dissidence. Encore une fois, plusieurs internautes ont compris le discours sous-jacent à votre propos et y sont allés de leurs ajouts d’insultes à caractère sexiste (que toute colère chez les femmes est un syndrome de débalancement corporel ou hormonal et non une réflexion rationnelle) ou hétérosexiste (que les femmes ont besoin d’être baisées par un homme pour ne pas devenir hystériques).

Nous espérons que les lignes précédentes vous ont aidé à comprendre que notre discours se situe justement dans le fait d’affirmer haut et fort que les femmes, à tous les âges, sont des personnes diversifiées, c’est-à-dire des êtres complets et uniques (non interchangeables) qui ont une sexualité bien à elles, une sexualité qui ne dépend pas des hommes et qui n’a pas besoin de leur approbation. Nous travaillons donc à l’inverse de vous : pendant que vous réduisez les femmes à des objets, nous cherchons à nous libérer des carcans et à nous émanciper des modèles prédéfinis qui nous enferment et qui nous font violence.

Qu’est-ce qui aurait pu représenter un VRAI HOMMAGE AUX MÈRES qui galèrent tous les jours entre les impératifs de la vie de famille (voir à ce sujet le documentaire The Mother Load qui explique comment la maternité est un facteur qui désavantage les femmes plus encore que le sexe), le sexisme partout présent, bien souvent un travail ou une autre occupation, et les défis d’avoir une vie sociale dans une société qui compartimente les êtres humains selon leur âge et qui rejette les enfants (et donc les mères) des espaces publics?

C’est un défi que nous lançons aux bars du Québec. Plutôt que d’attaquer les femmes sous différentes facettes (le sexisme ironique, ici, mais aussi la culture du viol comme l’ont fait les propriétaires du Corsaire et du Nacho Libre), pourquoi ne pas adopter une perspective proféministe? Pourquoi ne pas simplement considérer les femmes comme des personnes à part entière, au même titre que les hommes? Cette perspective n’est pas une option, mais bien un droit et un impératif.

Ont signé cette lettre :

MamZelle Tourmente
Collectif Subvercité
Mères et féministes
Je suis féministe
Annie-Pierre Bélanger
Geneviève Lévesque
Morgane Mary-Pouliot
Anne-Marie Deshaye
Éloïse Gaudreau
Anne-Marie Rouillier
Sophie Savard
Josée Simard
Lynda Forgues
Julie Noël
Laurie Larochelle Touchette
Myriam Renaud
Mylène Geoffroy
Caroline Bourbonnais
Martine Boivin
Félix Gingras
Coralie Mercerat
Florie Dumas-Kemp
Dominique Bernier
Catherine Lefrançois
Nick Paré
W. Stuart Edwards
Typhaine Leclerc
Vanessa Tremblay
Catherine Girard
Alexandra Baril
Anick Gilbert
Élaine Giroux
Roxane Ducharme
Maude Boisselle
Josianne Nault
Christine Rheault
Sandrine Boisselle
Jonathan Carmichael
Nicolas Migneault
David-Maxime Samson
Caroline Bisson
Élisabeth Cyr
Sandra Blouin
Annie Lavoie
Laurent Caron Castonguay
Francis Lacroix
Marilyn Dubé
Leïka Morin
Riel Michaud-Beaudry
Sylvain Bérubé
Gin Steven
Joëlle Ouellette
Nadege Fortier
Nicole Pineault
Cecilia Macedo
Sylvie Chiasson
Josiane Robidas
Julie Gingras
Marie-Ève Duchesne
Hélène Nazon
Claudia Martel-Thibeault
Vincent Gagné
Jérémie Ratomposon
Daniel Chamberland
Louis Gauthier-Desmeules
Karina Hasbun
Léonie Genest
Marie-Ève Champagne
François G. Couillard
Martine Koutnouyan
Lorena Suelves Ezquerro
Marie-France Leroux
Laurence Lagouarde
Vincent Lauze
Lucas Berthiaume
Cloé Robillard-Vachon
Xavier Dionne
Janie Brisson
Cédric St-Amand
Hamid Gasmi
Marleine Beauséjour
Anne Plourde
Mélissa Arbour
Geneviève Côté
Olivier LeGendre
Alexis Ross
Jonathan Bédard
Lorena Mugica
Marie-Ève Carbonell Caron
Catherine Rainville
Dominique Tanguay
Xenia Chernyshova
Nadia St-Onge
Sarah Chouinard-Poirier
Marie-Pierre Rancourt
Martine Hébert
Ludivine Caussant
Geneviève Simon
Sabrina Gauvreau
Lucie Piché

2 Comments

  • Anne Archet
    27 février 2014

    La morale de cette histoire: mille photons, ça ne fait pas une grosse lumière.

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  • Daphne
    28 février 2014

    Bien d’accord avec votre analyse. Je hais cette expression de MILF. Je ne comprends pas les femmes qui se l’approprient. Difficile il me semble de prendre pour soi un terme dans lequel le mot ‘je’ réfère à une tierce personne… Ce n’est plus suffisant de se dire sexy? Pourquoi cette emphase sur ‘mother’? Il manquait de sous-catégories de femmes dans le grand catalogue à consommation pornographique (à côté des asiatiques, rousses, rondes, teens, etc.)? Et merci P’tite Grenouille pour me rappeler mon droit d’être sexy, j’allais l’oublier… Comme si c’était une chose que la société réprimait plutôt qu’encourageait (peu importe notre statut parental).

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