Le festival de la bêtise

Cette semaine est survenue sur notre «webosphère» québécoise l’annonce d’un nouvel événement alléchant : Le festival de l’internet à Alma. Page d’accueil humoristique, événement tenu en région et même un enregistrement prévu sur place d’une de mes émissions de radio préféré, La Sphère à Radio-Canada, avec Matthieu Dugal. Que du bon, me suis-je dis, enthousiaste!

Eh ben non.

Voyez-vous, les organisateurs nous ont fièrement présenté une affiche qui ne comprend pas de femmes, que des vedettes masculines du web québécois. Les organisateur se sont justifiés. «Les têtes d’affiche sont effectivement masculines. C’est dommage, les quelques filles que nous avons approchées pour les événements officiels n’étaient pas disponibles. Par contre, le comité organisateur est largement féminin et beaucoup de nos invités d’honneur sont des femmes.» (Ces invitées d’honneur ne figurent nulle part sur le site, il va sans dire, ni le nom des organisatrices, d’ailleurs.) facebook-thumbs-down

Pourtant, l’histoire (forcément) récente du web regorge de femmes étonnantes…Le premier blogue francophone de l’histoire été ouvert par une femme en 1995, Brigitte Gemme. Nathalie Berger a blogué sur l’architecture de l’information et l’ergonomie du web dès 2000. Heather Camp compte parmi les fondatrices de Yulblog. Et des blogueuses, il y en a d’autres : Sophie Bienvenue (depuis 2001), Martine Gingras (depuis 2001), Nadia Seraiocco (depuis 2002), Martine Pagé (depuis 2002), Martine Desmeules (depuis 2005), la mère indigne Caroline Allard (depuis 2006), Les (Z) imparfaites, André-Anne Laberge, qui a lancé le mouvement des blogueuses célibataires en 2006, etc.

Vous en voulez encore des femmes influentes sur le web et les réseaux sociaux? De mémoire: Karine Charbonneau, Gina Desjardins, Marie-Julie Gagnon, Josianne Massé, Toula Drimonis, Marie-Lune Houde Brisebois, Sarah Labarre, Marie-Anne Casselot, Fannie Boisvert St-Louis, Tammy Houda-Pépin, Véronique Grenier, Élise Desaulniers, Catherine Voyer-Léger, Judith Lussier, Geneviève Pettersen, etc.*

For the record, en 2010, 47 % des gestionnaires de communautés au Québec étaient des femmes (j’en suis!). Mais non, voyez-vous, après avoir confronté l’un des organisateur à ce sujet, ce dernier m’a dit que je n’avais rien compris, que «la programmation est beaucoup plus de l’ordre de l’entertainment scénique que de présence web».

Effectivement, je ne comprends pas. Passons.

Eh bien, croyez-le ou non, il s’est trouvé des féministes de ma connaissance pour les défendre. C’est pourquoi ce débat m’a ramené à une question qui m’obsède depuis un an ou deux: le sexisme «hipster» ou ironique et l’attrait et la puissance du cool. Il suffit qu’un événement ou une personne soit marquée du sceau «cool» dans la «webosphère» pour que, oups, attention, les critiques se fassent rares, précautionneuses, de peur de passer pour plate ou «matante» si l’on ose critiquer Entendons-nous, tout le monde veut être dans le vent, je peux comprendre ça, mais, à un moment donné, qu’un groupe de gars «populaires» décident de se faire un party de gars publique sous la forme d’une festival qui présente juste des gars, oui, c’est sexiste.

Même s’il n’y a pas d’intention d’exclure.

Même si ce n’est pas par machisme.

Le résultat est le même.

Même que c’est plus souvent qu’autrement contre ce sexisme inconscient chez plusieurs hommes québécois qu’il nous faut encore nous battre.

*D’ailleurs, je voudrais remercier certaines d’entre elles. Nos discussions ont alimenté ma réflexion en vue de la rédaction de ce billet.

Billet d’abord publié sur La semaine rose 

14 Comments

  • Vincent Cournoyer
    24 juillet 2014

    Salut. Je m’appelle Vincent et je me considère féministe. Je crois sans le moindre doute ou la moindre réserve que les femmes ( et, du même souffle, les personnes transgenre ou de sexe « autre » ) devraient jouir des mêmes droits et des mêmes libertés que les hommes. ( Bien qu’étant un homme et ne percevant surement pas les détails les plus subtils du réel clivage qui existe entre les droits des femmes et ceux des hommes, et ne subissant pas et ne comprenant pas l’ampleur de l’oppression avec laquelle elles vivent. )

    Cependant, et je suis ouvert à tout commentaire éclairant, j’ai de la difficulté à trouver le sexisme dans un événement ne présentant pas ou si peu de femmes sans le faire exprès, ou sans le faire dans une « tradition » machiste (exemple: rassemblements religieux, événements publicitaires). Comme le porte-parole l’affirme, il n’y avait pas de personnalité influente de sexe féminin d’intéressée ou de disponible.

    Dans un événement imaginaire impliquant, disons, les cinq meilleurs chefs cuisiniers du monde selon les critiques. Si parmi les choisis il n’y a que des hommes, est-ce toujours sexiste?

    À chercher à tout prix la parité, n’est-ce pas comme donner deux shows de marde à Normand Bratwaithe sous prétexte d’avoir un noir à l’écran?

    Vincent.

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  • Marilyse
    24 juillet 2014

    Allo Vincent! Ce n’est pas si peu de femmes comme tu suggères, mais bien zéro femme. À mon sens, que cela soit non-intentionnel est au moins aussi pire, ça indique que d’assurer une présence féminine minimale n’était pas une réelle préoccupation. Et je ne parle pas de parité à tout prix, mais juste une présence. Ou encore, à tout le moins, comme me disait un ami, qu’ils tiennent une table ronde avec des des femmes et des hommes pour discuter de la pseudo sous représentation des femmes dans leur niche web (concept de sous-représentation que je ne partage pas, y’a qu’à voir ma liste pour voir que des femmes et le web, ça pleut). De dire qu’il n’y avait pas de personnalité influente de sexe féminin d’intéressée ou de disponible, c’est un absolu auquel je n’adhère pas. Aucune, zéro, really? Common. Hier sur Facebook, les filles que je cite dans mon texte ont discuté entre elles et aucune n’a été invitée. Donc… Pour ce qui est de ton événement imaginaire, on traversera le pont quand on arrivera à la rivière… 😉 Moi je parle d’un événement bien réel, en 2014, au Québec, à l’affiche 100% masculine. Ça mérite d’être dénoncé.

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    • Daphne
      29 juillet 2014

      Je ne crois pas aux coïncidences quand elles se produisent trop souvent… Ce n’est pas une coincidence si la plupart des gens connaissent le nom d’Issac Newton mais n’ont jamais entendu parler de Cecilia Payne. Ce n’est pas une coincidence que les femmes aient été reléguées aux oubliettes de l’histoire.

      Ici, je pense que les femmes sont simplement passées outre, victimes d’un sexisme insidieux, souvent inconscient. Le même sexisme qui fait qu’une idée dite par un homme aura plus d’impact et de crédibilité que la même idée venant d’une femme. Le fait qu’on ne se soit pas tourné vers les femmes mentionnées par l’auteure démontre quant à moi que pour ces organisateurs, les femmes demeurent invisibles (un phénomène qui se manifeste trop souvent, où par exemple les femmes ne deviennent visibles que lorsqu’elles exhibent leur corps, phénomène que les Femen ont très bien compris et exploité).

      Un événement qui n’aurait que des noms de femmes à présenter aurait été baptisé ‘le festival féminin du web’ ou quelque chose du genre.

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  • Marilyse Hamelin
    29 juillet 2014

    Merci Daphné, tellement juste comme propos…

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  • Marc
    4 août 2014

    Comment créer des problèmes où il n’y en a pas…

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  • Marilyse Hamelin
    5 août 2014

    C’est votre option Marc, permettez que la mienne diffère…

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  • Marilyse Hamelin
    5 août 2014
  • Vincent Cournoyer
    13 août 2014

    Quand je parlais de « commentaire éclairant », c’est exactement ce que je voulais dire. Merci Marylise et Daphnée.

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  • Francis
    2 septembre 2014

    Bonjour,

    Juste une question, Pourquoi le fait qu’il n’y ai pas de femme est sexiste ? Si le contraire aurai été fait, un festival avec que des femmes comme tête d’affiche et qu’un groupe d’homme se plaindrai, vous les traiteriez de misogynes et de tous pleins d’autres noms.

    Donc, il y a encore une inégalité c’est vrai, mais y’a quand même des limites, un petit festival de moins de 200 personnes est organisé à Alma, genre super loin, c’est normal que pleins de gens n’y sont pas aller, des hommes comme des femmes. Ce n’est pas en imposant la femme qu’elle trouvera sa plaine liberté.

    Pourquoi dépenser de l’énergie à harceler Joel Martel l’organisateur alors qu’il y a encore de l’inégalité salariale dans certain métier ?

    C’est ce que j’avais à dire et aussi que l’intimidation, la cyber-intimidation et le harcèlement ce n’est pas que dans les école primaire et secondaire, ce-ci en ai aussi.

    Francis

    P.S. Si vous supprimez ce commentaire car il contient un point de vu différent de cette article, ça serrai un comportement assez puéril.

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    • Sissi
      3 septembre 2014

      Pour ajouter à la réponse de Marilyse, et pour répondre à ta question de situation contraire (mettons qu’on reste dans les binarités) :

      Dans le contexte social, les hommes aillant, historiquement et encore aujourd’hui, une place bien acquise dans la visibilité collective, n’aillant jamais été ignorés pour leur genre et n’aillant jamais vécu de discrimination sous le prétexte d’être un sexe faible ou de ne supposément pas avoir les capacités nécessaires pour tel ou tel poste, un festival qui aurait été non-mixte, pour les femmes, n’aurait pas été un acte de misandrie (chose qui n’existe pas, « sexisme inversé », puisque le sexisme est un système d’oppression et il serait faux de croire qu’un homme peut être systématiquement discriminé puisqu’il fait partie de cette catégorie de genre, bien sur, certains peuvent vivre des dommage collatéraux de ce système d’oppression, mais toujours dans un optique qu’ils sont « pas assez mâle », « trop féminin », par contre, ces hommes ne perdent pas leur privilège de genre), mais bien une prise de position claire face au manque de visibilité des femmes dans la société, et une action précise en réaction à ce système d’oppression qu’est le sexisme.

      Oui, Alma c’est loin, si on pense que tout le monde vit à Montréal ou Québec. Si on se base sur, justement, les salaires moins élevés des femmes, de manière générale, ça diminue aussi leur accès à ce genre de festival qui prend place hors de leur ville.

      Faire une critique sociale, dans un but d’analyser et d’évoluer, en tant que société, ce n’est pas du harcèlement. On a ici droit à un exemple de problème qui, malheureusement, n’est pas limité à cet événement précis. Que Joel Martin prenne les critiques constructives comme des points à améliorer dans l’organisation et qu’il laisse les commentaires qui pourrait être des insultes plus directes envers lui (j’en n’ai pas vu ici, mais ça ne veut pas dire qu’il n’y en n’a pas ailleurs) de côté. Savoir reconnaître ses erreurs et changer son attitudes ou ses tactiques, c’est le seul moyen d’évoluer, pas en se posant en tant que victime et en accusant des personnes qui se battent quotidiennement pour un meilleur futur, pour toutes et tous, d’intimidation, parce qu’au finale, ce sont elles qui sont au centre de la majorité des attaques dénigrantes et ridiculisantes. La majorité des trolls étant des hommes, ça un poids à jouer dans la balance des attaques contre les femmes.

      Et j’ajouterais que ce n’est pas parce qu’on combat le sexisme dans les événements plus petits qu’on ne fait rien en parallèle dans les autres sphère, alors est-ce qu’on pourrait arrêter de dire qu’il y a plus important, plus pressant et pire, please!

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    • Marie-Anne
      4 septembre 2014

      Pour votre information, si nous avons publié en nos pages cet article, c’est parce qu’il est critique d’un événement particulier et non d’une personne. En aucun cas nous ne considérons cet article être de l’harcèlement ni de l’intimidation. Merci de ne pas répéter vos accusations, car dans ce cas nous serons dans l’obligation de supprimer votre commentaire.

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  • Marilyse Hamelin
    3 septembre 2014

    L’idée n’est pas de «harceler» qui que ce soit, mais de dénoncer une situation inacceptable en 2014: un festival à l’affiche 100% masculine.

    L’idée n’est pas de personnaliser le débat (d’ailleurs aucun nom de mentionné dans ce texte), mais de discuter des enjeux systémiques dans une perspective plus large et de réfléchir au sexisme inconscient encore présent au Québec aujourd’hui, particulièrement sur le web.

    Parfois, des gens non-sexistes peuvent aussi poser des actions sexistes. Voilà la situation à laquelle il faut réfléchir.

    Au lieu de se braquer et de rejeter du revers de la main les reproches, fondés, les organisateurs auraient pu démontrer de l’ouverture au dialogue et un échange constructif aurait pu être engagé et tout le monde en aurait été grandi.

    Ce ne fut pas le cas.

    Se draper dans la victimisation n’a jamais fait avancer quelque débat de société que ce soit.

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  • Max
    13 mars 2016

    Le plus gros problème ici est d’assumer que ce festival doit représenter tout le monde. La liste d’invité est pourtant à la discrétion de l’organisateur. Il a invité tout ceux qui lui voulait voir. S’il n’y a pas eu de femme, c’est que ç’a adonné comme ça. Si vous n’êtes pas satisfaites, vous pouvez toujours essayer de vous partir un festival vous-même.

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