Baby-sitter de Catherine Léger : tensions et paradoxes d’une comédie féministe

C’est en avril dernier qu’a été présentée pour la première fois à Montréal, Baby-sitter, la toute dernière création de l’auteure dramatique Catherine Léger, au Théâtre La Licorne. Dans le cadre des festivités du 375e anniversaire de la ville, la pièce revient sur les planches, du 25 juillet au 5 août.

Cédric fait une blague sexiste et misogyne à la journaliste sportive Chantal Machabée en direct à la télévision, pendant un match de football. Cette blague est par la suite diffusée et vue des milliers de fois sur Youtube et entraîne la perte de l’emploi de Cédric chez Hydro-Québec. Telle est la prémisse de Baby-sitter. Jean-Michel, le frère de Cédric, entreprend de lui faire écrire un livre rassemblant des lettres d’excuses adressées à plusieurs personnalités publiques du Québec, pour l’amener à reconnaître sa misogynie. En même temps, Emy, la baby-sitter, arrive et quoiqu’elle doive s’occuper du nouveau-né de Nadine et Cédric, elle développe peu à peu un rapport intime et particulier avec Nadine…

Mon intention ici n’est pas de faire une critique de la première mouture de la pièce, mais plutôt de partager certaines questions qui me sont venues à la lecture du texte, avant et après avoir assisté à une représentation. En effet, sur le quatrième de couverture du texte, publié par Leméac Éditeurs, on peut lire : « cette pièce […] traque avec une précision jubilatoire les pièges de la misogynie quotidienne tout comme la confusion qui entoure le féminisme dans l’espace public ». « La confusion qui entoure le féminisme ». J’ai tiqué sur cette phrase. La confusion entourant le féminisme. Pourquoi, confusion ? Qui est confus et par rapport à quel féminisme ? J’ai tenté de saisir l’inconfort qui m’habite en regard de cette « confusion ».

Je me suis demandé si cette « confusion » pouvait être associée au fait, central dans la pièce, que les hommes se disent alliés des féministes, tout en continuant de les mansplainer allègrement? Allié au sens individuel, puisqu’écrire des lettres à des personnalités publiques sert davantage à se déculpabiliser en tant que personne et non en tant que classe ou groupe en opprimant un autre. Est-ce qu’il est question de confusion, aussi, parce que Cédric chercher à se « racheter » face à des figures publiques, mais en recréant des rapports de domination avec les femmes de son entourage, en leur enlevant toute agentivité et en discréditant leurs démarches émancipatrices? Et la sexualité féminine comme outil d’émancipation? Participe-t-elle également de cet esprit de confusion ? Emy, la baby-sitter, par son attitude et son discours, pose certes la question de l’agentivité, mais une agentivité dont les contours sont dessinés par une féminité hégémonique, nourrie par la pensée néolibérale. Ainsi, n’incarne-t-elle pas plutôt une figure de l’émancipation capitaliste? Parce qu’au final – et ceci alimente peut-être mon propre sentiment de confusion – pour qui Emy représente-t-elle une figure émancipatrice? Et que dire de Nadine et de la manière dont elle se réapproprie son corps post maternité? Peut-on traiter du désir de libération féminine sans avoir recours à des symboles phalliques? Au final, la pièce répond-elle à cette confusion? Ou y participe-t-elle ?

Au-delà de ces questionnements, Baby-sitter met l’accent sur plusieurs discours féministes, certes parfois problématiques, mais qui ont le mérite d’être exposés dans une langue théâtrale rigoureuse. C’est en effet la précision et la force des dialogues qui sont le moteur de la pensée féministe au sein de la pièce. Le texte de Léger suscite des réflexions, dérange par moment mais pointe sans contredit quelques-unes des plus belles failles de notre société.

 

Baby-sitter

Production : Théâtre Catfight en codiffusion avec La Manufacture

Texte : Catherine Léger

Mise en scène : Philippe Lambert

Avec David Boutin, Isabelle Brouillette, Victoria Diamond et Steve Laplante

Décor, costumes et accessoires : Elen Ewing. Éclairages : Étienne Boucher. Musique : Benoît Côté

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