Femynynytees : de l’art médiatique à la théorie queer, l’exposition de l’été à Montréal
C’est le 5 juillet prochain qu’aura lieu le vernissage de l’exposition collaborative Femynynytees.
La galerie AVE – Arts émergents hébergera le travail de huit artistes internationaux du 5 au 29 août.
Femynynytees, c’est plus qu’une exposition, plus qu’une galerie, plus qu’un groupe d’artistes. C’est avant tout une réflexion approfondie menée par Renata Azevedo Moreira (UdeM) et Treva Michelle Legassie (Concordia), deux étudiantes en doctorat.
Issue de leur association intellectuelle, académique, artistique et professionnelle, la question suivante s’est posée:
Que veut dire avoir un corps féminin dans un contexte queer ?
Plusieurs observations sont à la base de la mise en place de cette exposition. D’abord, l’ambivalence et la complexité inhérente du concept de féminité. Que faire de ce concept ?
L’accepter tel quel ou le déconstruire pour le rebâtir, le reformuler, l’abolir ?
Partant de la première apparition de ce mot dans un texte anglais de 1476, les deux chercheuses ambitionnent de mettre à mal cette féminité archaïque correspondant à “quelque chose qui est sans mal, sans autonomie, sans désir, une forme d’innocence et de pureté sans liberté intrinsèque”. A l’époque de la publication de ce texte, le concept n’était pas nécessairement associé aux femmes mais le temps et les diktats en formation en ont rapidement fait la définition d’un idéal féminin ou plutôt de ce à quoi les femmes devaient se conformer.
Femynynytees est un projet féministe d’un point de vue personnel mais aussi idéologique. Au delà de ce positionnement premier, c’est la théorie queer qui est venue infuser la mise en place de l’exposition et ses aspirations communicationnelles.
En ce sens, l’un des enjeux abordés sera l’action “d’apprivoiser ce qui a été nié dès le début”, soit un pouvoir humain, des féminités du fond de l’être acquises non pas à la naissance mais par des expériences, des rencontres, des démarches introspectives qui n’ont plus grand chose à voir avec la division binaire du genre.
Un projet de commissariat d’art pas comme les autres
L’existence même de Femynynytees est liée à des réflexions académiques de Renata et Treva. Lors de notre rencontre, Renata m’explique l’évidence ressentie en rencontrant pour la première fois le travail de Karla Keiko, une artiste de performance brésilienne explorant les thèmes de la féminité médiatisée, du corps et du soi transformé par une vision extérieure.
A partir de là, c’est l’envie d’explorer des textes (en temps que matériau signifiant et réflexif) qui pousse Renata à commencer l’aventure Femynynytees.
La conceptualisation de “textualité” et de discours dans ce projet s’inscrit dans la volonté de créer un environnement artistique à découvrir selon l’idée du processus créatif collaboratif.
Treva Michelle Lagassie précise l’un des point d’orgue de Femynynytees :
Doing feminist art, and practicing feminist methods to curate an exhibition is a natural link, and a double critique of the art institution and its both the art historical and curatorial methods canons.
Art Médiatique ou médiums au service de l’art
Les huit artistes choisi.es ont tous.tes participé à un appel à projet et sont les heureux participants de cette exposition dont la contrainte s’attardait sur la dimension médiatique des oeuvres ou des projets proposés. En effet, dans son travail de recherche, Renata s’intéresse particulièrement à l’intermédiation de l’art et des technologies. En ce sens, l’aspect médiatique doit servir la mission de l’oeuvre, lui donner une autre forme de matérialité, une aliénation du(des) texte(s) au profit de la déconstruction.
Treva décrit ces textes comme une acceptation du public et de sa manière de vivre l’exposition :
We (…) put together a series of didactic texts for each one of the works, that will be accessible online and in print (as opposed to on the walls of the gallery). These ‘texts’ include more traditional textual forms of engaging with and describing a work, and also more radical ones such as poetry and creative audio engagements with the works.
Les huit artistes : Eileen Mary Holowka, Faye Mullen, Heidi Barkun, JOJOTA, Karla Keiko, Kinga Michalska, Mailis Rodrigues, M.C. Baumsta, exploreront ainsi des thématiques diverses allant des dénonciations d’agressions, aux abus, en passant par des récits intimes de combats avec soi-même, avec le corps avec les autres. Des introspections queer sont à prévoir au regard de la question de la FIV, du genre, du sexe.
Avec Femynynytees, la boucle de la collaboration ne s’arrêtera pas aux portes de la galerie, mais s’en ira avec nous, dans nos imaginaires et dans nos ways of being gendered or genderless.