Retour sur la discussion « FFQ contestée » à Christiane Charette

Il y a près d’une semaine, j’étais invitée à participer à une table ronde au sujet de la FFQ à l’émission de Christiane Charette. J’étais en compagnie de Marie-Claude Lortie, Josée Boileau et Alexa Conradi. L’extrait audio est disponible ici.

Regardez-moi la face! Ça témoigne comment c’est difficile pour moi de réagir à chaud aux discussions, à la fois écouter et répondre du tac au tac. (Et ma foi, j’abuse du mot « justement » quand je suis mal à l’aise!) Je m’habitue tranquillement, j’apprends énormément.

J’avais commencé à écrire ce billet dans les heures qui ont suivi l’émission, puis je l’ai laissé de côté, faute de temps. Mais cette table ronde a continué à m’habiter pendant plusieurs jours. J’étais un peu sous le choc de tant de confrontation et je me suis questionnée sur mon engagement et mes valeurs féministes. Voici le résultat de mes réflexions.

D’abord, le ton agressif dès les premières interventions. Puis, le constat que nous étions trois contre une. Un déséquilibre qui a fait déraper la discussion. FFQ-bashing pour certains, dialogue de sourdes pour d’autres. Alexa Conradi s’est bien défendue et a sorti sa cassette de réponses pour contrer nos critiques. Ce que je déplore, c’est que cette discussion n’a rien changé, à part élargir le fossé entre les deux partis présents. Pourtant, on est toutes féministes!

Oui, on est toutes féministes, mais on ne respecte pas le féminisme de l’autre. « Mon féminisme est meilleur que le tien. »

Le problème, ce sont les attentes que nous avons envers la FFQ. Doit-elle représenter TOUTES les femmes du Québec? Si oui, c’est normal qu’on critique son orientation et qu’il soit important de s’identifier à ses revendications.

Pour ma part, je ne m’attends pas à ce qu’elle parle au nom de toutes les femmes. De surcroit, je crois que c’est impossible qu’un SEUL organisme représente TOUTES les femmes. C’est pour cette raison que je n’ai pas de problème à ce que la FFQ soit une organisation qui combatte le capitalisme en même temps que le patriarcat, qu’elle soit radicale ou de gauche. J’en ai parlé ici.

Voilà pour les attentes, mais il y a également (surtout?) les perceptions. Pour une majorité, la FFQ est la SEULE grande organisation féministe. La seule que les gens connaissent, la seule vers qui les médias se tournent pour commenter la situation des femmes. Par défaut, cette SEULE voix parle au nom de TOUTES. C’est ici que j’ai un problème: la FFQ détient le monopole du féminisme par manque de concurrence. Et quand je dis « concurrence », je sous-entends « organismes complémentaires et/ou alternatifs ».

Consensus autour de la table: il y a de place pour une autre organisation féministe, des voix différentes et nouvelles. Fiou.

Question à 1000$: comment on fait pour les faire entendre?

Petit aparté. Concernant les jeunes femmes, on a souligné leur nombre élevé à la Marche Mondiale des femmes, je trouve ça extraordinaire. Mais hors des événements rassembleurs de ce genre, elles sont plutôt rares à s’avouer féministe. Disons que c’est plus facile de s’afficher dans un groupe gonflé à bloc que  « comme une seule femme » dans nos activités de tous les jours.

14 Comments

  • marc
    27 octobre 2010

    Sa a causes une division chez les femmes qui sont encore le ciment de notre societe PEACE

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  • Martin Dufresne
    27 octobre 2010

    Bon, en tant que gars, je devrais surtout écouter… Mais j’ai écouté attentivement cette « discussion », que j’ai trouvé désolante, surtout après l’incroyable énergie et innovation dont faisaient preuve les femmes – et pas seulement celles de la FFQ – depuis des semaines.
    Mais puisque vous appelez aux commentaires…
    J’ai trouvé qu’il flottait un vent de panique sur cette émission, comme si certains « poteaux » de la gestion du féminin dans nos médias avaient été pris par surprise – pour ne pas dire autre chose – par le fait que tant de femmes se ralliaient publiquement à une analyse de gauche, antiguerre en Afghanistan, par exemple.
    Commentaires sur votre billet:
    J’ai réécouté pour vérifier: vous n’étiez pas trois contre Mme Conradi mais quatre. On aurait pu penser que Mme Charette aurait tenté d’équilibrer un peu la donne. Peine perdue.
    Et de dire que Mme Conradi a « sorti sa cassette » quand elle a répondu objectivement aux propos racoleurs, démagogiques et franchement malhonnêtes lancés contre elle de toutes parts, c’est retourner le fer dans la plaie, « adding insult to injury » comme disent les anglos.
    Quand une organisation passe des mois et des années à discuter de positions avant d’en adopter par consensus, je trouve normal que ça donne des propos plus pondérés et légitimés que des exclamations et des faux procès. J’ai trouvé qu’elle était demeurée claire et représentative de ces positions-là. Appeler ses excellents arguments une « cassette » est un peu cheap, je trouve. Si c’ets tout ce que vous trouvez à conclure une semaine plus tard… fiou!
    Par ailleurs, je suis surpris que l’on n’ait pas dit à l’émission et que vous ne dites toujours pas que la Marche mondiale des femmes – celle qui a créé l’événement durant ces semaines, y compris les cassettes contestées – c’est des dizaines de groupes, extrêmement divers, pas seulement un groupe.
    Il me semble que votre texte continue à présenter la FFQ comme hégémonique. Même au sein de la FFQ, il y a des groupes diamétralement opposés et des contropverses qui persistent, comme l’a souligné l’historienne Micheline Dumont dans un courriel trèes convaincant à Madame Lortie. Tout le monde qui connaît un tant soit peu la FFQ sait ça, et nous sommes beaucoup à admirer le fait que cette organisation arrive tout de même à des positions fortes et appuyées par des dizaines de milliers de femmes, des positions comme celles qui ont fait disjoncter certain-es journalistes.
    Je trouve incorrect de vous voir opposer à cette réalité la « perception » que la FFQ parle au nom de toutes les femmes, qu’elle est la SEULE association de fremmes etc. Vous ne connaissez pas l’AFEAS? L’R des centres de femmes? Les deux coalitions de maisons d’hébergement du Québec? Vous n’avez jamais lu d’avis du CSF? Toutes ces femmes ont régulièrement des micros dans nos médias. Parler d’un « monopole du féminisme », d’une SEULE voix qui parle au nom de TOUTES » – alors même qu’elle vous dit le contraire – est un faux procès et de la pure désinformation.
    Pour conclure, la tentative de lynchage à laquelle vous avez malheureusement participé, à ma grande surprise et déception, est sans doute une des raisons pour lesquelles les femmes – jeunes ou non – hésitent à se reconnaître féministes, votre dernier « argument ».
    Heureusement celles qui le font commencent à reconnaître le pattern.

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  • Isabelle N.
    27 octobre 2010

    C’est tout à fait dommage que l’émission ait tourné de cette façon, et le manque d’objectivité de Mme Charette est regrettable.

    Cela dit, la FFQ continue de manquer de recul, de remise en question. Elles organisent de grands évènements, comme le rassemblement de jeunes féministes en 2003, mais ensuite? Laisser une telle mobilisation retomber sans rien faire, quel gaspillage!

    Si la FFQ organise, comme Mme Conradi l’a annoncé, un forum sur l’état du féminisme, j’espère qu’il y aura de la place pour la critique. Mais le timing de cette semaine, alors même qu’elles venaient de connaître un tel succès avec la Marche Mondiale, n’était peut-être pas le meilleur.

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  • Marie-Anne
    27 octobre 2010

    J’ai aussi trouvé que la discussion a volé très bas. Ce que j’ai trouvé très dommage, ça été l’absence de neutralité de la part de Mme Charette, comme le précise Martin. Vous remarquerez qu’elle a coupé la parole exclusivement à Mme Conradi et qu’à Mme Boileau et à Mme Lortie elle laissait plus de latitude. Son parti pris était évident et du moins, elle a pris la peine d’essayer de te donner la parole, Marianne, mais tout de même, la conversation était déséquilibrée.

    De plus, l’accès de colère de Mme Boileau vis-à-vis de la demande des occupantes d’avoir une journaliste au lieu d’un journaliste m’a énervé – ce n’était pas le but de la discussion de faire le procès de ces militantes. Il y a un historique de demandes de non-mixité dans les actions féministes qui est incompris de nos jours. Même chose lorsqu’il y a des interventions policières. Oui, il y a de la méfiance envers les hommes de la part de certains groupes féministes, qui plus est lors d’actions où l’adrénaline est haute. On retombe dans le débat mixité/non-mixité. Mais dans une émission de radio où le temps est compté, c’était négatif, voire impertinent d’attaquer Mme Conradi d’une initiative de ses membres. J’ai trouvé que ça a empêché les intervenantes d’aller à l’essentiel, c-à-d discuter de la FFQ.

    @Marianne : J’ai tellement de la difficulté avec les tensions internes et les querelles idéologiques entre les féminismes moi aussi. C’est la dure réalité…Une réalité qui en rebute plusieurs, trop, et qui donne mauvaise presse aux féministes et aux féminismes. Mais encore, comme le disait Micheline Dumont, c’est le prix de la diversité et il faut vivre avec, car les femmes ne forment pas de groupe homogène dans la société.

    Pour ce qui est des groupes féministes, il en existe d’autres indépendants de la FFQ. Ce sont souvent des groupuscules, éphémères ou non, qui organisent leurs trucs sans la FFQ comme tel. Leur champ d’action est limité, certes, mais elles existent bel et bien. Un autre organisme que la FFQ, aussi rassembleur que la FFQ ? Cela prendrait beaucoup de travail et de détermination… je serais bien curieuse de voir sur quelles bases ce nouvel organisme se construirait. Serait-il égalitariste, comme plusieurs l’exigent et non féministe ? Serait-il mixte ? Quelle serait sa structure organisationnelle ? Tout cela me laisse pensive, c’est le moins que je puisse dire.

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  • Martin Dufresne
    27 octobre 2010

    Isabelle,
    En réponse àa ton allusion au regroupement de 2003 des jeunes féministes, un rassemblement pancanadien de jeunes féministes a réuni 500 jeunes féministes de partout au Canada à Montréal en octobre 2008. On peut en lire les traces sur le site http://www.rebelles.org/fr/suites

    Il est dommage que les médias de masse n’envoient pas de jeunes journalistes à de tels événements ou ne publient pas leurs communiqués, mais cela continue à avoir lieu, des comptes rendus et des films sont produits, et – de temps à autre – une manifestation de masse comme la Marche mondiale des femmes témoigne que le féminisme rallie encore des milliers de femmes, jeunes et moins jeunes, qui débattent, critiquent et avancent, en dépit des accusations.
    Je me demandais après avoir lu la réponse de Marianne, si elle avait lu les revendications de la MMF et le programme adopté démocratiquement par les membres de la FFQ. Je suis toujours surpris de constater que les personnes qui se disent en désaccord avec « les féministes » sont presque toujours en accord avec ces recommandations et revendications, prises une par une. Encore faut-il qu’on leur y donne accès. Mais les médias – dont les animateurs de radio-poubelle que je ne nommerai pas – préfèrent habituellement supprimer cette information et continuer à tenter d’accoller au mouvement des femmes une image nocive de « brûleuses de soutien-gorge », pour justifier leur faux procès de non-représentativité.
    Les « sorcières » modernes, quoi…

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  • juliea
    27 octobre 2010

    Bonjour…

    En tant que jeune féminisme, je me sens personnellement rejointe par les enjeux ciblés par la FFQ. Par contre, ce qui me touche dans ce débat est ailleurs… puisque je suis bien entendue pour une diversité des points de vue à laquelle les intervenantes appellent. Au-delà des positions de gauche de la FFQ (qui, selon moi, font sens dans la mesure où plusieurs combats menés par la gauche — décolonialisme, lutte pour les droits des homosexuels ou pour l’égalité raciale, pour ne nommer que ceux-là — revendiquent l’égalité, les droits et la place pour ceux pour qui ça ne va pas de soi), je ne suis pas du tout d’accord sur le fait que les questions sociales n’ont pas à être abordées par la FFQ ou par d’autres groupes féministes. Pour moi, le féminisme s’inscrit dans la société, dans ses dimensions les plus larges. Les féminismes ont des visions du monde qui ne se restreignent pas aux thématiques qui sont, de façon réductrice, des enjeux «féminins» ou même «féministes». Concrètement, les vies des femmes (en tant que femme — pour rester dans la perspective féministe) sont affectées par plusieurs problématiques sociales sur lesquelles elles peuvent/doivent réfléchir s’appuyant sur leur féminisme… non?!

    Après, je suis bien entendue pour une représentation plurielle des voix féministes, comment ne pas l’être… mais certainement pas pour le confinement du féminisme à la sphère communément considérée comme la sienne.

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  • Martin Dufresne
    27 octobre 2010

    Marianne écrit:
    « @Martin: Oui, j’ai lu les recommandations de la MMF et j’étais en accord avec chacune d’entre elles. Comme je vous dis, je ne suis pas en désaccord avec la FFQ et ses revendications. Je les appuie. »

    C’est ce que je croyais.

    Et c’est pourquoi je ne comprends pas que vous ayez écrit, dans votre premier billet:
    « Je le regarde aller de loin, me disant qu’il attaque un front différent du mien. Un front d’ailleurs qui ne m’a jamais attirée… »

    Est-ce que cela n’a pas eu un peu pour effet de nourrir la charge de vos collègues contre la prétendue non-représentativité de cette organisation, alors qu’en fait vous étiez en accord avec ses revendications?

    Il me semble que vous visiez plus juste en écrivant dans le même papier:
     » le féminisme est bien vivant, je le constate parce que j’en suis. Mais ce n’est malheureusement pas de cette façon qu’il est dépeint dans les médias en général. Je vois un féminisme monolithique, un genre de bloc lourd à porter, auquel il est difficile de s’agripper et auquel on prête presque automatiquement le radicalisme de la FFQ. »

    Pas si radicales, puisque vous convenez de toutes ses propositions – comme la plupart des femmes d’ailleurs, qu’elles aillent ou non se faire représenter à la Fédération ou à une des centaines d’associations qui y sont fédérées.

    Ca m’amène à être d’accord avec vous que le problème est non dans la « perception » de la FFQ par les femmes mais dans la représentation qu’en font certains journalistes et médias, réactionnaires à toute initiative/analyse où les femmes sortent de l’image et de l’ornière qu’ils prétendent définir (je suis d’ac avec l’excellent commentaire de juliea à ce sujet)

    Merci de favoriser ce dialogue!

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  • Stéphanie
    28 octobre 2010

    On devrait peut-être encourager et mettre le focus sur le féminisme individuel dans la vie de tout les jours plutôt que de laisser le public s’imaginer qu’une féministe fait obligatoirement partie d’un groupe et que ce groupe est automatiquement la FFQ.

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  • Martin Dufresne
    28 octobre 2010

    Réflexion vibrante d’une étudiante féministe et écologiste: http://sisyphe.org/spip.php?article3686
    (…) Quelle transmission s’est effectuée entre les générations précédentes de féministes et nous ? Serons-nous à la hauteur du fabuleux legs qu’elles nous auront laissé ? Les réseaux de centre de femmes, pivots de la solidarité entre femmes et féministes, auront-ils une relève pour les maintenir en vie ? Devront-ils évoluer, changer ? Saurons-nous garder vivants les acquis de nos mères et grand-mères ? Notre action féministe sera-t-elle concertée ? Fragmentée ? Se résumera-t-elle à des manifestations sporadiques de solidarité ? Notre présence sur le web sera-t-elle accompagnée d’une indispensable action concrète dans nos milieux ? Je me turlupine donc sur l’avenir du mouvement féministe au Québec. Et pourtant, malgré toutes ces questions incessantes, j’agis, en plus d’écrire. À l’école.(…)

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  • Caroline R.
    28 octobre 2010

    Merci Marianne de permettre ce retour et cette discussion. Depuis que j’ai entendu ladite émission j’avais envie d’en parler, mais j’avais peur de « faire (à mon tour) le procès » des participantes.

    Tout comme toi, j’ai eu l’impression que cette émission (était-ce une entrevue?) était en fait le procès de la FFQ.

    D’une part, les prises de positions (ou de bec) des deux journalistes, apuyées de Christiane Charette, contre la non-mixité et les moyens de pressions de la FFQ m’ont confortée dans mon impression: on oublie trop souvent le chemin parcourru. Malgré que l’on invoqua « qu’on est en 2010 », il me semble que l’on ne devrait plus, justement en 2010, avoir à expliquer pourquoi on préfère avoir des journalistes femmes! D’ailleurs, pourquoi reprocher à Alexa Conradi les actes de membres de la FFQ? Il me semble que ce n’est pas un mouvement homogène et qu’elle n’a pas le contrôle sur toutes ses membres…

    D’autre part, je me TUE à le répéter depuis des semaines sur différentes tribunes: la FFQ n’est PAS un organisme démocratiquement élu par toute la population, c’est pourquoi elle ne prétend PAS représenter toutes les femmes. Si un groupe ne se sent pas représenté, deux choix s’offre à lui: 1- soit il devient membre de la FFQ afin de faire entendre ses positions; 2- soit ledit groupe tente de se faire entendre comme voix alternative dans les médias. Selon moi, la « vilipendation » de la FFQ n’est PAS une option.

    En ce qui concerne l’omniprésence de la FFQ dans les médias, je ne crois pas non plus que ce soit « sa faute ». En effet, les groupes qui désirent se faire voir n’ont qu’à utiliser des moyens de médiatisation différents! Pourquoi reprocher à ce groupe sa visibilité? Tant mieux si on parle de féminismes! Ça m’apparait trop facile de reprocher à un organisme son succès.

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