La chance? #agressionnondénoncée

Depuis plusieurs jours, je vois défiler les témoignages, sous forme d’articles de plusieurs personnalités connues, de posts de plusieurs amies Facebook (et je n’ose même pas aller sur Twitter!) à propos de #agressionnondénoncée. Je n’ai pas été capable de tout lire. Pour pleins de raisons que je n’aborderai pas ici.

Toutefois, j’en ai lu plusieurs. J’ai éprouvé beaucoup de compassion. De peine. De tristesse. De peur. De la peur pour les femmes qui ont le courage de dénoncer. La peur des répercussions pour elles. Et je ne dis pas ça pour décourager les prochaines. Je dis ça pour permettre à certaines personnes qui doutent, qui jugent, qui ne comprennent pas qu’on ne dénonce pas. C’est parce qu’on a peur. Une peur immense qui nous glace, nous paralyse, nous empêche de parler. Et non seulement on a peur (peur des répercussions, peur des poursuites, peur de ne pas être crues, peur d’être jugées, peur des représailles, peur d’être culpabilisées pour ce qui est arrivé), mais on a honte. Et ça, ça empêche d’avancer, la honte.

Puis, je me suis mise à penser. À réfléchir. À songer à ma vie, ma vie sexuelle, mes amours, mes aventures. Et puis, j’ai pensé que j’étais chanceuse de n’avoir jamais été agressée. Chanceuse. Mais, est-ce vraiment de la chance?

Je n’ai pas été agressée sexuellement, au sens de viol. Certes.

Mais, il y a cette fois, à 12 ans, sur le chemin de l’école secondaire, où dans mon uniforme d’écolière, j’ai vu cet homme dans sa voiture, les pantalons aux genoux, se masturbant. J’étais sous le choc. Une amie a fini par me convaincre, à la fin de la journée, d’aller en parler à la directrice. La directrice m’a sermonnée. J’aurais dû prendre la plaque en note et en parler directement en entrant à l’école le matin. J’étais donc responsable, s’il recommençait. Évidemment, ce ne sont pas ses mots, mais ce sont ceux qui ont résonnés dans ma tête de préado. C’était pas une « agression », mais l’exhibitionnisme, ça doit bin rentrer dans la catégorie du harcèlement sexuel, non?

Fak, quand l’an dernier cet ami Facebook qui se prétend féministe m’a écris « hey, journée cadeau de Noël pervers pépère! t’es game? », je soupçonnais que ça impliquais une photo dont je ne voulais pas. J’ai donc signifié mon non-intérêt. Et il a insisté, jusqu’à ce que « j’accepte » de recevoir une photo de son pénis en érection (BTW, y’a juste TOI que ça excite de voir ton érection). Hé bien… je me suis sentie comme la petite fille de 12 ans, quand je marchais en uniforme pour aller à mon école secondaire. Impuissante. Passive.

Pis, y’a cette fois (que j’hésite à raconter pour ne pas attiser le racisme) où j’étais dans le métro à Mexico et où des mains se sont promenées sur moi et je sentais l’érection du gars dans mon dos. À mon retour, je racontais à mes amies comment j’étais chanceuse qu’il ne me soit arrivé que ça. Comme si c’était rien. Ça, c’est des attouchements.

N’empêche que ça m’a rappelé quand, à 9 ans, dans la cours d’école un gars de 8 ans m’avait pincé une fesse et un sein, parce que des gars plus vieux l’avait mis au défi.

Aussi, j’ai souvent dit à mes amies à quel point j’étais chanceuse, que j’avais été une fille chanceuse d’avoir des chums si doux, compréhensifs, qu’aucun ne m’avait forcée à faire quoique ce soit. Y’en a même un qui avait fait mon éducation sexuelle en me disant que j’avais l’droit de dire non, que je pouvais dire non à n’importe quel moment. J’avais 17 ans.

Mais, je me souviens d’un gars avec qui j’suis sortie à 15 ans et qui m’a dit, quand on s’est laissé, que j’étais vraiment chanceuse qu’il ne m’ait pas obligée à « faire des choses » avec lui.

Ouan. Bin chanceuse. Bin, bin chanceuse.

jesuisfeministe #agressionnondénoncée grasMais, c’est tu vraiment d’la chance? Ou ça devrait pas juste être normal? Normal de pas se sentir obligée, normal de pas se faire imposer des érections, normal de pas se faire toucher sans le vouloir. Fak, si après tous les témoignages d’ #agressionnondénoncée, t’as toujours pas compris qu’on vit dans une #cultureduviol. Bin t’es juste stupide.

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Si vous voulez ajouter votre voix, mais hésitez à le faire de peur qu’on vous reconnaisse, remplissez le formulaire ci-dessous.

Ce formulaire est complètement anonyme. Aucune trace ne permet d’identifier la répondante. Tous les témoignages reçus avant le 18 novembre prochain seront publiés anonymement sous forme de billet.

3 Comments

  • Anne-Sophie
    11 novembre 2014

    Bravo pour cette prise de parole! ceci devrait être envoyé cet à *tous* les vieux con de ce monde…

    *ce commentaire à été modéré pour cause de « diffamation ».

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  • typhaine
    11 novembre 2014

    Merci Caroline. C’est fou de se dire que quand on a bien entamé la vingtaine et qu’on a pas (encore?) de traumatisme majeur sur le plan sexuel, on se trouve chanceuse.

    (pis sérieux, ta directrice du secondaire! Avec des alliées comme ça, pas besoin d’ennemi…)

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  • Lizzie
    11 novembre 2014

    Très beau texte. C’est une excellente chose que cet étalage de nos histoires en public. Je crois que c’était nécessaire et j’espère que ça ne cessera pas de si tôt. Pour ma part, ça m’a fait remettre en question bien des choses et des mensonges que je pouvais me raconter.

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