La féminisation du VIH/sida au Pérou
Le sida touche de plus en plus de femmes et de filles.
Depuis deux ans, selon l’ONUSIDA, le VIH a augmenté dans chacune des régions du monde et la moitié des 5,800 nouvelles infections enregistrées quotidiennement chez les adultes de plus de 15 ans sont recensées chez les femmes.
En Amérique Latine et dans les Caraïbes, selon le tout dernier rapport mondial sur l’épidémie du sida, chaque minute, 55 femmes sont infectées par le VIH.
Au Pérou, selon les statistiques officielles les plus récentes – qui ne prennent pas en compte les individus qui ne savent pas s’ils sont ou non porteurs du virus – 24,449 cas de VIH et 18,059 de sida ont été signalés aux autorités médicales depuis 1983.
Depuis quelques années, le ratio homme-femme, qui était de 14 hommes infectés pour 1 femme en 1990, est passé a 3 hommes infectés pour 1 femme.
Les femmes et le sida
Au-delà de ces facteurs biologiques qui rendent les femmes plus à risque que les hommes d’être contaminées par le virus lors d’un rapport sexuel non protégé, d’autres inégalités – allant depuis la prévention jusqu’au traitement – rendent les femmes plus vulnérables au VIH/sida.
Les inégalités sexospécifiques, la violence, et la faiblesse du statut de la femme ne sont pas étrangères à cette féminisation de l’épidémie. Au Pérou, ce sont principalement de jeunes femmes, hétérosexuelles, pauvres ainsi que marquées par des tabous sociaux et raciaux qui sont infectées.
À cet effet, bien que les contacts ou rapports sexuels représentent la voie de transmission la plus répandue, le sujet demeure largement tabou.
Dans une société machiste comme celle du Pérou, où les filles et femmes ont moins accès à l’éducation et au marché du travail, sont plus dépendantes des hommes au sein du couple, il s’avère souvent difficile ou même impossible pour une femme de refuser un rapport sexuel ou d’imposer l’utilisation d’un préservatif.
Une femme qui exige le port du condom peut facilement être étiquetée « facile » ou « putain » et s’expose à des risques additionnels de stigmatisation, de discrimination ou d’abandon sexuel, social et/ou économique.
« Lutter contre la discrimination et les stigmatismes est pire que lutter contre la malade elle-même », dit María Luz, une femme contaminée par son mari il y a 10 ans.
Bref, le préservatif demeure, largement, un moyen de prévention/contraception choisi et utilisé d’abord par l’homme.
L’élimination des inégalités entre les sexes en ce qui concerne l’accès aux services de prévention du VIH, de dépistage, de traitement et la lutte contre la double discrimination des femmes séropositives sont donc de premier ordre.
« Avant, les patients atteint de VIH/sida mouraient avant de se rendre a l’hôpital », dit le Dr. José Luis Mesones. « Mais maintenant, ils ont recours aux services, se font soigner. Le personnel, toutefois, ne vient pas d’un autre monde, ce sont les mêmes personnes qui ont des préjugés et qui, par exemple, ne veulent pas que leurs enfants étudient au même collège que les Quispe* ou qu’ils se baignent sur la même plage que les employées domestiques. Cette attitude doit être combattue ».
Si les traitements anti-rétroviraux sont accessibles gratuitement au Pérou depuis 2004, plusieurs femmes qui craignent de s’exposer à une double discrimination ne révèlent pas leur séropositivité à leurs proches ou conjoints et se détournent des services VIH/sida.
Malgré cette féminisation évidente, l’Amérique latine est la région du monde qui compte sur le moins d’aide financière pour lutter contre l’épidémie du VIH/sida. Elle ne reçoit que 5 pourcent du budget total octroyé par les organismes de coopération internationale et 90 pourcent du budget disponible – qui est largement insuffisant – est octroyé par les gouvernements et le secteur privé.
*Un nom de famille autochtone. La discrimination raciale est structurelle et largement répandue au Pérou.
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Par Annie
1elizabeth
2circulate
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