Pour ne plus être mise entre parenthèses

J’aimerais savoir ce que vous pensez de la féminisation des discours écrit et oral; ce que vous pensez de ce désir d’inclure le féminin dans le texte, dans le langage de tous les jours, dans des phrases comme “Bonjour à tous”, “L’Homme a marché sur la lune” et j’en passe.

Étudiante à l’université, je lis beaucoup trop de textes entièrement rédigés au masculin, avec le genre féminin quelques fois entre deux vulgaires parenthèses, comme si on me disait: « T’en fais pas, on sait que t’es là, un peu recluse dans le coin sombre de la fin du mot ou de la phrase ». J’entend encore trop souvent des trucs du genre «les étudiants», «pour ceux que ça intéresse», et beaucoup d’autres tournures de phrase qui excluent les femmes du langage. Je suis tannée de cette indifférence qui est autant présente chez les femmes que chez les hommes; je me permets même d’être un peu en colère contre ceux et celles qui n’y voit pas de problème. J’en ai marre des regards un peu rempli de pitié qu’on me jette quand je fais remarquer que le texte n’est qu’au masculin. Devrais-je arrêter d’être troublée et étonnée de lire un travail écrit tout au masculin par une équipe de quatre étudiantEs?! Si je me fis à la majorité des gens qui m’entourent, il semble que oui. Je me sens bien seule dans cette lutte qui se vit vraiment au quotidien, sur toutes les instances, à tous les niveaux. Mais je ne démordrai pas! Surtout quand je constate à quel point nous sommes bien conditionnées à masculiniser automatiquement, quand je remarque que je fais encore des phrases toutes masculines.

Ce n’est pas vrai que le masculin inclut le féminin, ce n’est pas vrai que les femmes resterons absentes des textes et des discours qu’elles-mêmes écrivent! Je ne veux pas croire que ce n’est qu’une règle linguistique à suivre, que c’est impossible à changer. Il me semble que ce combat se vit en parallèle avec toutes nos autres batailles féministes, mais je veux savoir ce que vous en pensez, collègues blogueuses, puisque comme j’ai dis plus haut, je me sens un peu isolée dans ma volonté d’accorder à la féminisation une importance primordiale et ça me fait me sentir un peu trop accaparante même si, bien humblement, je suis convaincue de ma démarche. Je veux voir le féminin dans la littérature, dans les articles de journaux; je veux que le féminin soit autant là que le masculin quand on parle entre nous, hommes et femmes. Je n’en veux plus, de cette généralisation qui me fait me sentir complètement absente et invisible.

Mais, pour contrer les arguments qu’on me donne souvent, féminisation ne veut pas nécessairement dire de toujours ajouter l’équivalent féminin au bout de la phrase, comme dans « étudiant, étudiante », comme dans « policiers, policières ». Non. Il s’agit de s’habituer à formuler les phrases autrement, à dire le genre d’une manière à n’exclure personne. L’Homme avec ce grand H est d’abord humain avant d’être homme, et donc je ne veux plus me sentir obligée de me reconnaître dans un langage masculin simpliste et infantilisant. Les femmes me répondent souvent qu’elles ne se sentent pas opprimées ou exclues dans ce langage masculinisé, et c’est là où je bloque, où les bras me tombent un peu malgré le fait qu’elles puissent bien penser ce qu’elles veulent. Je ne sais plus quoi dire, j’hésite parfois entre me résigner et vraiment lever haut la main pour souligner l’absence du féminin dès que je le peux. Mais surtout, vous, qu’en dites-vous? Comment vous sentez-vous?

53 Comments

  • Luc
    18 avril 2009

    T’as un lien de sang avec Michel Brûlé toi? Les résidents des États-Unis d’Amérique utilisent le terme américain parce qu’il n’est pas vraiment possible en anglais de créer un autre gentilé que celui-là… United Statian comme pendant anglais d’américain ne se tient pas du tout. De toute façon, les américains s’appellent ainsi depuis bien longtemps, avant même que nous ne soyons canadiens, alors que nous étions encore des sujets britanniques.

    Il est si facile et si réducteur d’accuser une langue de tous les maux, c’est souvent une bonne façon d’escamoter de réels problèmes. Les manipulations langagières sont dangeureuses, plus on dénature le langage et on le coupe de ses racines historiques, plus on s’expose à se faire manipuler par ceux qui on le pouvoir de nous l’imposer. Pourquoi parle-t-on encore de Guerre en Irak par exemple? N’est-ce pas parce que l’expression beaucoup plus juste « Occupation militaire de l’Irak » est politique si boiteuse qu’elle ôterait tout support à cette opération? Arrangeons-nous donc pour qu’Orwell et son 1984 ne devienne jamais une œuvre prophétique…

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  • Vincent
    19 avril 2009

    Je ne connaissais pas Michel Brûlé jusqu’à votre comparaison de moi lui étant parent.

    Mais, c’est intéressant votre comparaison car, bien que ça fait de l’ombre sur le sujet du billet, sur mon commentaire et sur les gens d’Amérique du Sud qui ne se sentent pas du tout impliqués lorsqu’on parle des Américains, ça m’a permis de connaitre une personnalité de plus.

    Évidemment qu’États-Unien-ne-s ne peut se traduire littéralement en anglais, il faudrait donc trouver une autre traduction. The Unifieds, c’est tout! Ça aurait l’avantage politique, du point de vue du gouvernement, de mettre un frein aux mouvements séparatistes du Vermont et du Texas en beurrant épais le patriotisme jusqu’au tréfonds de leur âme. Ça aurait aussi l’avantage de redonner le terme «américain» à l’Amérique.

    Parallèlement, il est bien de constater que le mouvement féministe poursuit un débat entamé depuis longtemps qui pose la question: «est-ce la pensée qui structure le langage ou le langage qui structure la pensée?» Ne trouvant mon compte dans aucune des deux positions, j’aime à croire que tous les deux s’entre-influencent. Alors, s’il est possible d’influencer certaines préconceptions d’un peuple par ricochet d’un changement de vocabulaire et espérer que la jonction des efforts sur tous les plans apporte un réel changement, pourquoi ne pas le faire? Je veux dire, personne n’y perd rien, à part les parents qui se sentiraient désemparés lorsque viendrait d’aider leurs enfants dans leurs devoirs.

    Mais ça, ça ne serait pas nouveau! 🙂

    Bonne journée!

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  • Hélène Naud
    26 mai 2009

    En fait, le mot Homme désignait tous les hommes. Ce sont les « vir » qui l’ont volé, tout comme les États-Uniens ont volé le mot Américains aux habitants des trois Amériques.

    Mais le mal est fait. Aussi, utiliser « être humain est un compromis acceptable.

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