Suggestion de lecture: « Yes Means Yes! »

Ayant récemment ajouté un spécimen à la section « Féminisme et idées connexes » de ma bibliothèque personnelle (en fait, c’est plus une étagère), et ayant adoré ce livre, je désire vous faire part de mon enthousiasme.

Le livre en question s’intitule Yes Means Yes: Visions of Female Sexual Power & a World Without Rape, publié aux éditions Seal.

Il s’agit d’une oeuvre collective, éditée par Jessica Valenti (auteure de Full Frontal Feminism et de He’s a Stud, She’s a Slut and 49 other double standards every woman should know) et Jaclyn Friedman, deux bloggueuses de longue date sur le (super!) blogue Feministing.

Parmi les autres plumes connues de la blogosphère et de la scène féministe qui ont contribué à cet ouvrage, on compte Margaret Cho, Samhita Mukhopadhyay (aussi une bloggueuse de Feministing), Latoya Peterson (bloggueuse sur Racialiscious), Jill Filipovic (bloggueuse sur Feministe et contributrice au Huffington Post), Hanne Blank (auteur de Virgin: The Untouched History, un autre livre fantastique!) et Cara Kulwicki (bloggueuse sur The Curvature et Feministe).

Les textes contenus dans ce livre sont variés et reflètent une grande diversité de points de vue, qui découle naturellement de la grande diversité chez leurs auteurs: des jeunes femmes blanches et privilégiées, des femmes queer, des femmes de couleur, des femmes immigrantes, des femmes ayant un surplus de poids, des académiciennes, des travailleuses du sexe, des femmes qui étaient des hommes avant, des hommes tout court…

Tous ces textes, pourtant, se recoupent sur un point: il est nécessaire, afin d’éradiquer la violence sexuelle contre les femmes, de valoriser la sexualité féminine, et d’encourager les femmes à la développer sainement. Le titre de l’ouvrage « Yes Means Yes », est un twist sur le mantra « No Means No », utilisé pour évoquer le principe en droit selon lequel lorsqu’une personne manifeste son absence de consentement à des activités sexuelles, c’est une crime de continuer cette activité. Or, cette approche met la responsabilité sur la victime (donc principalement, sur la femme)  de manifester son non-consentement. Cette approche rejoint donc le stéréotype voulant que si une femme ne se défend pas physiquement contre des avances sexuelles, c’est qu’elle y consent. Cette approche nie aussi le fait que les victimes d’agressions sexuelles puissent se sentir figées par la peur.

En optant plutôt pour l’approche « Yes means yes! », on admet que le consentement, ce n’est pas nécessairement l’absence d’un « non » sans équivoque, mais une affirmation de désir sexuel. Un « oui » enthousiaste et affirmatif ne veut pas dire autre chose que « oui »!

(On doit noter qu’il s’agit d’un livre américain, et que dans la majorité des états south of the border, le droit criminel définit encore le viol comme la pénétration pénis-dans-vagin, contre le consentement ET par la force. Ce qui implique que la victime doit non seulement manifester un « non » sans équivoque, mais qu’elle doit aussi résister physiquement et que l’agresseur doit avoir fait usage de violence extrinsèque à celle du viol lui-même. Au Canada, tout contact sexuel en l’absence de consentement est en théorie une « agression sexuelle » – on a laissé tomber la terminologie restrictive de « viol », i.e. pénis-dans-vagin d’une femme de plus de 14 ans, qui n’est pas mariée à l’agresseur, en 1985), mais en pratique, l’approche américaine a encore la vie dure, surtout en l’absence de « violence ».)

Cette idée de « yes means yes » est reprise dans le détail dans plusieurs textes du livre, mais on retrouve également des idées sur comment changer la culture des relations hétérosexuelles pour que le consentement, et non la « conquête »,  en devienne le point central. On discute de comment les préjugés raciaux sont utilisés pour « déduire » qu’une femme a consenti à des actes sexuels. On décrie le préjugé selon lequel le viol est un « compliment » pour les femmes laides ou « grosses ». On propose une nouvelle approche aux cours d’éducation à la sexualité qui parlerait du consentement, du plaisir sexuel féminin et de la violence conjugale (sérieux, mes cours de « FPS » de secondaire 3 dans mon école catholique n’identifiaient même pas le clitoris par son nom sur les schémas, mais on savait bien clairement comment le gars était supposé bander et prendre son pied). On fait un parallèle entre la morale contrôlante de la droite religieuse à l’égard de la sexualité des femmes et l’hypersexualisation de la société nord-américaine. On parle de stratégie de résilience pour les victimes d’agression sexuelle. Et partout, on valorise la sexualité féminine et l’affirmation du désir sexuel chez la femme.

Bref, une lecture recommandée à 100%. C’est bien écrit, ça se lit comme un charme. On rit, on pleure, on réfléchit. Une lecture féministe jeune, rafraîchissante et optimiste.

À lire absolument!

5 Comments

  • Stéphanie L
    22 janvier 2009

    Ça semble être un livre très intéressant! C’est tellement vrai que le consentement ne devrait pas être présenté simplement comme l’absence de « non ». Le problème, c’est que dans tout les romans, émissions de télé et films, (pas seulement pornos!) on présente le consentement de la femme comme étant implicite. Ça va de soi qu’elle a envie d’être caressée, d’être déshabillée et d’être pénétrée! Elle n’a pas besoins de demander quoi que ce soit ou d’indiquer ses préférences.

    J’ai toujours trouvé que ce n’était pas une bonne leçon de vie à donner aux jeunes que de leur montrer que les hommes peuvent se coomporter comme si le corps des femmes leur appartenait et qu’il était tout naturel qu’ils se « servent » ainsi. La sexualité ne devrait pas être la recherche exclusive de son propre plaisir et les hommes devraient voir non comme un dû mais comme un privilège le fait qu’une femme accepte de s’unir à eux physiquement.

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  • Caroline
    26 janvier 2009

    Merci de cette suggestion, Catherine! En ce qui concerne le commentaire de Stéphanie, je reviens du Mexique et les autorités mexicaines ont commencé à faire de la publicité dans le métro de México afin de faire comprendre aux hommes que LE problème est qu’ils pensent que le corps des femmes (qui prennent le métro avec eux) leur appartient. De plus, il n’est pas rare de voir ces nouvelles pub qui disent que l’égalité des hommes et des femmes commence à la maison et qu’il faut écouter l’opinion de sa conjointe et de ses filles… malheureusement, il n’est pas spécifié si après avoir écouté on n’impose pas tout de même sa façon de faire les choses.
    Mais, ça me donnait espoir. Un jour il sera possible de prendre le métro de México sans qu’aucune femme, ni mexicain, ni étrangère, à bord ne se fasse toucher par un homme, sans son consentement.

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  • Fanie
    2 février 2009

    Merci beaucoup de cette suggestion, Catherine. Je trouve ça intéressant que les textes ne sont pas seulement écrits par des « féministes blanches et hétérosexuelles » (Ce que je suis! :-p) C’est super intéressant d’avoir les opinions de la réalité d’autres gens.

    J’aime beaucoup le tître du livre, c’est tellement évocateur!

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  • Sebas
    8 mars 2009

    Je suis 100% d’accord que « no means no » ! C’est ce que j’enseigne à toutes les femmes…

    Par contre, est-ce que vous aimez la censure des opinions?

    Ce message est censuré par le blogue féministe de Marie-Claude Lortie.
    —» http://blogues.cyberpresse.ca/lortie/?p=1307#comment-19830

    Chères féministes, continuez à censurer l’expression DÉMOCRATIQUE de nos opinions… mais ne vous étonnez pas lorsque les gens deviennent de plus en plus anti féministes.

    Voici le message censuré:

    Bravo à ceux qui attendent le verdict avant de suivre les condamnations journalistes AVANT le procès. Parfois j’ai l’impression que nous retournons au moyen âge… lynchage public sans procès…

    Faudrait que les journalistes parlent aussi de tous ceux qui sont accusés faussement. Sinon tout ça n’est que de la propagande biaisée.

    Pour chaque cas horrible d’abus réel, il y a plusieurs cas de fausses allégations. Ce sont aussi des abus horribles qui “laissent des traces à vie”. Qui en parle? (à part les rares exceptions?). Qui dénonce le fait que ces fausses allégations sont rarement punies par le ministère de la justice ?

    A tous ceux qui ne comprennent pas ce que j’essaye de transmettre comme message: Dites-moi -à long terme- ce qui risque d’arriver aux VRAIES victimes si les journalistes et le ministère de la justice continuent dans cette voie de 2 poids 2 mesures ?

    ***

    S’INTERROGER SUR LA PLACE DES HOMMES DANS L’ENSEIGNEMENT PRIMAIRE

    [ Mercredi 28 Avril, numéro 23 ]
    Au cours de l’émission du 27 avril 2004 Ici l’Ontario de Radio-Canada (Ontario), Madame Claire Maltais de l’Université d’Ottawa et directrice du programme de formation à l’enseignement est interviewée sur la sous-représentation des hommes dans l’enseignement primaire.

    Selon Claire Maltais, il faut sérieusement s’interroger sur cette problématique dans le cadre d’une société caractérisée par un fort taux de divorce où les enfants sont peu ou pas en contact avec des hommes. Dans un environnement où les pères sont de plus en plus nombreux à ne voir leurs enfants qu’un week-end sur deux, les enfants, selon Madame Maltais, manquent de repères masculins.

    Pour elle, il s’agit d’un problème qui trouve ses racines essentiellement dans la vision que la société a du partage des rôles liés aux genres. On privilégie davantage une femme pour s’occuper des enfants même au niveau scolaire. Les conditions de travail et salariale serait une des autres causes et la sous représentation des hommes qui doivent s’intégrer à un environnement majoritairement féminin en est une autre. ***********Finalement, une dernière raison et non la moindre est celle du climat général où les hommes craignent les fausses accusations d’abus de plus en plus fréquentes, allant même à leur recommander de ne jamais rester seul.***********

    ***

    Fausses accusations d’abus sexuel

    Le nombre d’accusations d’abus sexuels sur des enfants a augmenté en flèche depuis le début des années 1990. Depuis, en fait, que l’obligation légale de corroboration du témoignage d’un enfant (pour que ce témoignage soit recevable) a été abolie en 1988.

    Cette abolition fut une bonne chose, estime Me Jean Dury, « l’ancienne règle de corroboration a entraîné des injustices flagrantes à l’endroit d’enfants qui ont été réellement victimes d’abus sexuels ». Elle a cependant eu cette conséquence fâcheuse: celle de créer un accroissement majeur du nombre de plaintes à caractère sexuel portées par des enfants contre des adultes, spécialement contre le personnel des écoles et les enseignants. **********Et plusieurs se sont révélées non fondées. « Ce n’est pas vrai qu’il y a au Québec 500 professeurs qui sont pédophiles! »*********, s’indigne Me Dury.

    http://www.barreau.qc.ca/publications/journal/vol33/no12/enseignant.html

    Trouvez-vous que mon message est sexiste, haineux, exagéré, etc ?

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  • Spangle
    5 avril 2015

    Ce livre a l’air très intéressant, et je pourrais sans doute le lire car je me débrouille bien en anglais. Mais ce n’est pas le cas de tout le monde ! En France notamment (et des gens vous lisent, ici, au pays des droits de l’homme et du moyen-âge). Existe-t-il une traduction en français ?
    Sinon je profite de l’occasion pour vous dire que je kiffe votre blog et que je m’y retrouve bien au point de vue des idées.

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