Ode à la résilience
Dans mon précédent billet, je vous présentais brièvement Minnie, ma courageuse élève-mère. J’aimerais aujourd’hui que vous preniez le temps de la connaître.
En septembre 2009, Minnie faisait un retour à l’école après 5 ans d’absence. Lors de la naissance de sa fille Lena, en 2004, elle avait choisi d’interrompre son cheminement scolaire pour aider sa mère à s’occuper de sa fille et surement pour plusieurs autres raisons. La poursuite des études secondaires après l’âge de 16 ans au Nunavik n’est pas pratique commune. Si on s’arrête un instant et qu’on freine notre élan de scandalisation, on peut facilement comprendre les motifs entraînant l’abandon scolaire.
Tout d’abord, il faut garder en tête que les Inuits sont, d’abord et avant tout, un peuple de nomades qui, par définition, vivent selon leurs instincts, la nature, les variations du climat, la quantité de nourriture disponible, etc. De plus, entre le moment de leur naissance et leur leur première rentrée officielle, ilsjouent dehors quand ils le veulent, mangent quand ils ont faim, rentrent à la maison quand ils ont froid, écoutent la télévision s’ils en ont envie et dorment s’ils sont fatigués. Hors, l’école, ses règles, son espace restreint, son horaire, ce n’est rien de naturel pour un Inuit. Souvent, à 16 ans (et quelques fois, bien avant), quand la loi ne les oblige plus à clouer leur derrière sur un chaise de plastique orange, ils retournent vivrent selon leurs envie et essaie de se trouver un boulot dans le village. Minnie est partie à 15 ans. À 20 ans, elle était de retour, motivée, travaillante et rêvant d’un avenir meilleur.
Autre facteur de risque d’abandon, le phénomène de la fille-mère. Au « sud », il y en a encore beaucoup, au « nord » il y en a trop.
Il m’est impossible de passer outre le facteur « je suis blanc, j’ai donc raison, je suis le meilleur et le plus fort et le fait que j’aie colonisé ton coin de pays me donne le droit de tout faire et même de te faire disparaître si le coeur m’en dit ». Je m’abstiendrai de vous dépeindre le portrait global entourant l’adoption du Traité de la Baie-James en n’optant que pour le facteur suivant: les blancs ont retiré aux Inuits ce qu’ils avaient d’autonomie. En débarquant dans le « nord », les blancs ont donné argent et maisons aux Inuits, leur procurant un confort qu’ils n’avaient alors jamais même imaginé. Comment peut-on juger le peuple inuit maintenant, de vivre au crochet du gouvernement, d’attendre avec impatience leurs redevances des mines de la Raglan, de dépenser en quelques heures leurs prestations versées par Makivik ? Comment peut-on juger le fait que ce peuple ne soit pas porté à travailler fort à l’école pour ensuite se trouver un bon emploi ? Ne ferions-nous pas la même chose ?
Parallèlement, que ce soit au Nunavik ou plus près de chez vous, il est prouvé qu’un enfant grandissant dans une famille où les parents n’ont pas terminé leurs études secondaires a de fortes chances de suivre les traces de ses parents. Je n’ai pas de sources concrètes qui me viennent à l’esprit, mais mon bacc a été ponctués de lectures, de discussions, d’examens et de visionnement de reportage sur le sujet. Dans la famille de Minnie, personne n’a encore jamais gradué et ce, même si la majorité des membres de sa famille ont fréquentés l’école*. Le 15 juin dernier, Minnie a terminé ses études secondaires. Elle a cumulé assez de crédits pour recevoir son diplôme du MELS. Malgré que le français soit sa troisième langue et qu’elle ne le parle pratiquement jamais à l’extérieur des murs de l’école. Malgré le fait qu’elle a accouché en mars et que la fin de sa grossesse lui a fait manqué plus d’un mois de cours. Malgré son découragement des dernières semaines. Malgré tous les malgrés que j’ai déjà énuméré et les autres qui ne nous consernent pas. Minnie est une graduée, fière graduée, mère graduée, Inuite graduée.
J’éprouve beaucoup de fierté envers cette élève qui peu à peu devient une amie. Mais surtout, j’éprouve des litres et des litres d’admiration pour son courage sans borne, pour avoir pris la peine de rêver (chose quasi inexistante chez mes élèves) et d’ainsi, se tracer un chemin. Pour avoir refuser de faire partie de cette génération sacrifiée par le conflit de valeur omniprésent dans les villages du nord.
Minnie, tu es un exemple. Et pas seulement pour ton peuple, pour nous toutes.
* à Tasiujaq, l’école Ajagudak a ouvert ses portes à la fin des années 1970 (1978 si je ne m’abuse).
Tasiujaq se prononce Tassouyak
Ajagudak se prononce Ayagoudak
Caro
Bravo!!!
Oui cette élève a beaucoup de courage, mais c’est aussi, je crois du moins, en grande partie grâce à sa prof qui l’encourageait!
Si sa détermination pouvait être contagieuse!
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