Saga du niqab : la suite

Le projet de loi québécois qui interdirait le port de vêtements faciaux pour recevoir des services gouvernementaux commence à faire couler de l’encre sur des blogues (non francophones) en-dehors de la province.

Ces derniers jours, Racialicious et Bitch ont publié des textes sur le sujet, rédigés par des blogueuses antiracistes canadiennes bien connues : Thea Lim et Jessica Yee. Je vous invite à lire leur perspective, qui tranche avec le consensus médiatique et féministe québécois mainstream. Le blogue Muslimah Media Watch a aussi abordé la question.

Vous pouvez également aller faire un tour sur le site de la Coalition Non au Bill 94. On y suggère plusieurs ressources et des moyens d’appuyer le droit de nos soeurs musulmanes à l’auto-détermination et à l’autonomie corporelle.

p.s. Vous remarquerez, chères lectrices et chers lecteurs, la quasi-totale absence de liens vers des sites francophones. Je n’ai tout simplement pas trouvé d’analyse similaire articulée en français (ce que je trouve extrêmement dommage).

p.p.s. Il y a toujours la FFQ, dont j’aime bien le principe de « non-interdiction/non-obligation » (appuyé par Québec solidaire). Mais elle s’est prononcée en faveur du projet de loi.

10 Comments

  • Marie-Anne
    8 avril 2010

    Quelle est ton opinion à toi, dans tout ce débat ? Justement, ici, c’est un espace de débat, alors il serait intéressant de prendre position. Il y a eu sur Sisyphe – en français – des articles sur le sujet, mais abordé sous l’angle de la laïcité, et non du même point de vue de Jessica Yee et Thea Lim.

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  • Marie-Élaine
    8 avril 2010

    Haha! Et moi qui croyait avoir été habile en évitant une prise de position trop claire qui allait créer la polémique…

    En fait, je m’interroge beaucoup sur ma propre position dans le débat. J’entends les arguments faits des deux côtés: le voile intégral est un frein à la laïcité et un symbole de l’enfermement des femmes [VS] la légifération du port de symboles religieux est une tactique pour viser un groupe en particulier, elle favorise la discrimination et mine le droit et l’accès de toutes les femmes à l’éducation, aux soins de santé, etc.

    Cependant, il y beaucoup de choses qui sont claires pour moi :
    1) Je n’aime pas le fait qu’on positionne les femmes qui choisissent de se voiler comme étant AUTRES.
    2) Je déplore l’absence de leur point de vue dans la sphère publique.
    3) Je ne suis pas convaincue de la pertinence d’une loi limitant le port du niqab quand tout au plus 30 femmes au Québec portent ce vêtement.
    4) Je trouve inquiétant que le gouvernement veuille commencer à proscrire certaines façons de se vêtir.
    5) Je m’élève contre la panique morale voulant que les islamistes soient en train d’envahir le Québec et d’investir le mouvement féministe.

    D’autres ressources qui ont alimenté ma réflexion :
    Le péril musulman : un édito de Lysiane Gagnon dans La Presse
    : un texte d’opinion de Micheline Dumont paru dans Le Devoir
    Le documentaire Mes soeurs musulmanes de Francine Pelletier, qui a été présenté à Télé-Québec en mars dernier

    Alors voilà, en gros. Je dois aussi dire que j’ai été profondément marquée par les théories sur l’antioppression auxquelles j’ai été exposée dans mes cours en études féministes et en communications à Concordia.

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  • Marie-Élaine
    8 avril 2010

    Correction :
    Le texte de Micheline Dumont s’intitule Le foulard et l’égalité et se trouve ici.

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  • basbrun
    8 avril 2010

    Les gains des femmes des derniers 40 ans ne se sont pas fait avec des lois qui leur interdisait de faire le souper et de rester à la maison. C’est en leur ouvrant les portes des écoles et du marché du travail qu’elles ont fait ces gains. Pourquoi ne pas utiliser les mêmes outils avec les nouveaux arrovants? Xénophobie?

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  • Elyse
    11 avril 2010

    Époque très étrange que nous vivons, quand d’une part on parle des « dangers » de l’hypersexualisation, de l’autre, on parle d’interdire le port du niqab (et on discute du port du hijab). Côtoyant sur une base plus ou moins régulière des femmes voilées (hijab), je me suis fait les réflexions suivantes :

    1) On semble en effet utiliser les femmes voilées comme exutoire de la patate chaude qu’est la question de l’immigration et de la xénophobie (comme le soulignait à juste titre Madame Dumont, on sort le principe «fondamental» de l’égalité hommes-femmes à peu près que dans ce cas). Le voile est-il un signe ostentatoire de leur religion ou de leur différence?
    2) Les religions sont toutes, à plus ou moins grande échelle, misogynes, catholicisme inclus (et comment).
    3) C’est beau, la laïcité, mais que fait-on de la liberté de culte?
    4) Parmi les femmes voilées qui prennent la parole (elles sont fort peu nombreuses), ce sont surtout des Québécoises de naissance ou des Québécoises issues de l’immigration à un très jeune âge (donc très bien « intégrées »), à part peut-être dans le cas très médiatisé du niqab au Cégep Saint-Laurent.
    5) Pour ce qui est de ces musulmanes qui prennent la parole, le port du voile est pour elles un geste pieux, et n’est en rien un signe de répression ou d’inégalité. Une d’entre elles m’a déjà partagé son irritation devant la signification qu’on lui «imposait» («Est-ce que je peux moi-même donner une signification à ce geste» sont plus ou moins ses mots.)

    La loi contre le port du niqab me semble exagérée, entre autres à cause du faible nombre de femmes qui le portent. Je soupçonne qu’on veuille dire ou faire quelque chose à ce propos pour satisfaire l’opinion publique (on pourrait également interdire aux zèbres de se teindre les zébrures en vert…). Ainsi, le débat reste théorique et semble motivé par le principe de précaution.

    Or, si j’étais musulmane, je ne porterais pas le voile. Le fondement du port du voile est de cacher le corps de la femme (ses cheveux, son visage) de la vue des hommes pour ne pas générer le désir, et l’objectivise par la même occasion. Dans la société occidentale, la femme n’échappe pas non plus à cette objectivisation. Les femmes cherchent à être sexy, à en montrer juste assez pour attirer l’attention… des hommes. C’est à mon sens les deux côtés d’une même médaille : attirer le regard des hommes ou s’y dérober.

    Pouvons-nous faire complètement abstraction du regard de l’autre? Bien sûr que non. Jusqu’à quel point laissons-nous le regard de l’autre dicter notre conduite?

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  • Nicole Nepton
    12 avril 2010

    L’Institut Simone de Beauvoir vient de publier une déclaration à propos du projet de loi 94 : : http://bit.ly/auaGCa
    Si vous êtes d’accord avec celle-ci, vous pouvez l’appuyer, ce que j’ai fait entre autres pcqu’on ne libère personne de force. Au lieu d’adopter un projet de loi inutile en se gargarisant de discours sur l’égalité hommes-femmes supposément non négociable au Québec, le gouvernement du Québec devrait agir sur les causes du chômage très élevé des immigrant-es au Québec (cf http://bit.ly/byKAk4).

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  • Pandore
    12 avril 2010

    Si les femmes voilées peuvent être utilisées par des gens qui veulent justifier leurs préjugés, même celles qui se voilent librement peuvent l’être par des fondamentalistes musulmans qui s’en servent comme prétexte pour nier la répression ayant cours dans plusieurs pays ou même dans des familles musulmanes occidentales et où le voile n’est pas un choix.

    En outre, les femmes musulmanes ne devraient pas être les seules à pouvoir exprimer une critique du voile musulman sans se faire traiter de xénophobes. Plusieurs féministes de religion ou de culture musulmane dénoncent le voile régulièrement, sans même prendre tout les détours que nous prenons, mais ça passe mieux à cause de leurs origines. Il y a clairement là une différence de traitement injustifiable dans un pays qui se vante de sa liberté d’expression.

    Lorsqu’on parle de l’obligation de recevoir ou de donner des services de l’état à visage découvert, je trouve cela tout à fait raisonnable et je ne vois pas en quoi une loi qui rejette de la même façon la burqa, la cagoule ou le masque de gardien de but peut constituer une discrimination religieuse. Nous n’avons même pas le droit de sourire sur nos cartes d’assurance maladie pour ne pas altérer l’apparence de notre visage! C’est juste normal de devoir s’identifier visuellement. On ne parle pas d’interdire une couleur, le maquillage ou une marque de vêtement.

    Le mouvement féministe ne doit absolument pas céder à la tentation de la pensée unique. Comme pour le dossier sur la prostitution, il y a beaucoup de dissension dans le mouvement féministe au sujet du voile mais le sujet est tabou et je suis sûre que le peu de réactions qui s’observe ici s’explique par la crainte de se détacher de ce qui est considéré comme le « bon » féminisme, le féminisme « tolérant ». Tant que cela se fait dans le respect des autres, toutes les opinions devraient avoir voix au chapitre. La liberté d’expression ne peut survivre qu’à cette condition.

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  • Marie-Anne
    12 avril 2010

    @ Pandore
    Merci de ton intervention ! Je suis d’accord avec ce que tu dis : les femmes sont utilisées pour servir les intérêts des deux côtés du débat. J’en suis venue à des conclusions similaires dans mon article sur la laïcité. Je pense que ces sujets-là sont difficiles ; il n’est pas évident d’avoir une position claire, mais cela ne devrait pas nous empêcher d’en discuter, que l’on soit de culture musulmane ou non.

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