La fille qui n’aimait pas les hommes

Dans les articles publiés récemment, il est souvent question de la radicalisation du mouvement féministe. Et pour moi, il était impossible de ne pas penser à Valérie Solanas. Féministe ultra-radicale et ultra controversée  dont les idées ont influencé les mouvements féministes des années 70.

Et Valérie Solanas n’a jamais fait dans la demi-mesure. Elle s’est rendue célèbre pour avoir tiré sur Andy Warhol parce qu’elle pensait qu’il avait « trop de contrôle sur elle ». Féministe, elle a choisi la prostitution pour subsister, non comme acte d’amour mais comme acte politique, de dépossession du corps (puisqu’elle n’a pu empêcher des hommes de se l’approprier). Elle a déclarée être lesbienne par haine des hommes. Et enfin, elle est l’auteure d’un texte qui déchaîne toujours les passions : le Scum Manifesto, un pamphlet violent et virulent pour l’éradication des hommes. Ce texte est devenue un symbole pour les féministes de l’époque et d’aujourd’hui. Pas pour ses idées destructrices mais pour la passion et la violence communicative avec laquelle elle dénonce une société où les hommes dominent. Pour exemple, les premières lignes de ce texte explosif :

Vivre dans cette société, c’est au mieux y mourir d’ennui. Rien dans cette société ne concerne les femmes. Alors, à toutes celles qui ont un brin de civisme, le sens des responsabilités et celui de la rigolade, il ne reste qu’à renverser le gouvernement, en finir avec l’argent, instaurer l’automation à tous les niveaux et supprimer le sexe masculin.

Il y a quelques mois, Sara Stridsberg s’est attaquée à ce personnage haut en couleurs. Et cela donne une fantaisie biographique, La Faculté des rêves, où la poésie flirte avec l’horreur et la grâce avec la folie. Un texte dont on ne ressort pas indemne. Un texte coup de poing où l’on découvre une fille et une femme d’une grande intelligence, mais abîmée par les hommes et qui ne parviendra jamais à se conformer au système.

“LA NARRATRICE : Je peux te tenir la main?

VALERIE : Non

LA NARRATRICE : Je peux m’asseoir à côté de toi quand tu dors?

VALERIE : Souviens-toi que je suis malade et que je vais mourir. Souviens-toi que je suis la seule femme ici qui ne soit pas folle.

A mes yeux, Valérie Solanas incarne la radicalisation du combat féministe dans ce qu’il a de meilleur et de pire. Son extrémisme a permis de transmettre sa force et sa passion de changer les choses. Son anticonformisme a amené une nouvelle vision du féminisme. Mais cela implique aussi du négatif. Son caractère incontrôlable effraie encore aujourd’hui. Et certaines personnes ont du mal à adhérer aux idées d’une personne trop révoltée pour s’adapter à la société.

Et pour vous, un féminisme radical est-il positif ou négatif, nécessaire ou gênant ?

Et qui ou quoi représente à vos yeux un féminisme radical?

12 Comments

  • Joëlle
    21 octobre 2010

    Tirer Andy Wharol? On parle de démilitarisation à la FFQ… Pas sûre que ce genre de radicalisme en rejoingnent beaucoup à l’heure où on déplore encore les actes qui ont servi la cause de Marc Lépine.

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  • Joëlle
    21 octobre 2010

    « …l’éradication des hommes. » ??? « …un symbole pour les féministes de l’époque et d’aujourd’hui. » ??? À cause de ses idées destructrices elle ne sera JAMAIS un modèle pour moi. Pour mettre les hommes à dos y’a pas mieux. Donc, pour répondre la question: négatif!

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  • Hector
    21 octobre 2010

    C’est les féministes radicales comme Valérie Solanas qui a fait fuir les femmes du mouvement féministe et qui fait qu’aujourdhui le mouvement est moribond et conspué par les femmes.

    Elle a eu une influence très négative sur le mouvement féministe.

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  • Marie-Anne
    21 octobre 2010

    Bravo Émilie de nous faire part de ce sujet puissant. Je suis d’accord avec ton propos : le radicalisme peut s’avérer nécessaire AUTANT que destructeur et négatif. Il y a et aura toujours des franges radicales dans tous les mouvements…faut pas se mettre la tête dans le sable et croire qu’elles n’existent pas…

    J’ai toujours pensé que le SCUM Manifesto avait une portée SYMBOLIQUE immense, bien que je ne sois pas d’accord avec les propositions de ce texte (ouf! une chance !). La force de son propos décoiffe, intrigue, trouble, angoisse, irrite, rend en colère, donne des gifles dans la face et je pense que c’était ce qu’elle voulait. Tout autant que son geste POLITIQUE envers Andy Warhol était complètement sordide, son texte a un propos évocateur, exagéré, mais FORT.

    Donc pour moi, le radicalisme, parfois oui ÉVIDEMMENT,NÉCESSAIREMENT et parfois non, pas obligé, dépendant des contextes.

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  • Valérie
    22 octobre 2010

    Pour moi, il y a deux sortes de radicalisme : le radicalisme de la position, et le radicalisme des moyens employés, qu’on pourrait généralement réduire à «violence». Étymologiquement parlant, «radicalisme» signifie «aller à la racine». Dans cette optique, je suis tout à fait pour le radicalisme. J’en ai assez de m’attaquer aux symptômes. Seulement, s’il y a différentes formes de féminisme, il y a aussi différentes formes de radicalisme. Le mien n’implique pas d’éliminer les hommes. 🙂

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  • Joëlle
    22 octobre 2010

    Ce que je trouve négatif, ce n’est pas le radicalisme mais la violence. Il me semble qu’un radicalisme peut se faire en employant des moyens radicaux de façon pacifique. Parce que ce que nous désirons profondément, c’est l’égalité entre les sexes, et la paix? Et non la division entre les deux sexes?

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  • Emilie
    22 octobre 2010

    @ Joëlle et Hector
    Bien sûr que Valérie Solanas a des idées très radicales et choquantes qui ont eu des effets négatifs. Mais ce qu’il faut comprendre c’est qu’à l’époque et encore aujourd’hui, des féministes (qui étaient pour l’égalité et non pour l’éradication des hommes) ont repris le texte non pas au sens premier (au grand désespoir de Valérie Solanas) mais comme un pamphlet qui les encourageait dans leur combat (pacifique) pour leur droits.

    @ Valérie
    Merci pour cette précision étymologique. Je trouve toujours ça très intéressant et enrichissant pour le débat!

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  • Stéphanie
    22 octobre 2010

    Jamais je ne pourrais approuver un féminisme qui ferait des hommes les ennemis naturels, héréditaires et éternels des femmes! Ce courant a fait beaucoup de tort au mouvement féministe et c’est ce qui vient spontanément à l’esprit de certains hommes lorsqu’on leur demande ce qu’ils pensent du féminisme.

    Bien sûr nous avons tous(tes) la responsabilité de nous informer et quand on choisi volontairement de ne pas le faire, c’est certain qu’on est sûr de ne pas voir ébranler nos positions! Les deux sexes ont des carcans à faire sauter chacun de leur côté et cette libération fera le plus gand bien à tous(tes)!

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  • Joëlle
    22 octobre 2010

    Quand même, par curiosité j’ai commencé à parcourir le Scum Manifesto sur Google books. Je comprends mieux sa colère maintenant, qui est relative à la dureté de son vécu personnel et ce dès l’enfance. J’ai compris aussi que contrairement aux modèles qu’on cherche à imiter, Valérie Solanas est plutôt l’exemple de l’expérience qu’il ne faudrait pas répéter.

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  • Bernard
    23 octobre 2010

    Pas besoin de remonter dans les années 70 pour des féministes radicales.

    Voir l’article dans le magazine The Atlantic

    http://www.theatlantic.com/magazine/archive/2010/07/are-fathers-necessary/8136/

    qui nous dit que les pères sont inutiles et que deux femmes sont mieux pour éduquer un enfant que le couple traditionel d’un homme et une femme.

    L’article finit en nous disant que

    « La mauvaise nouvelle pour papa, c’est que malgré la perception générale, il n’existe objectivement rien de nécessaire à propos de sa contribution. La bonne nouvelle c’est que nous avons appris à le tolérer »

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  • Noix
    24 octobre 2010

    Je ne suis pas d’accord avec la traduction proposée.

    L’article est très intéressant et offre une nouvelle analyse sur la manière dont on conçoit l’importance de la famille et de son hétéronormativité. L’auteure mentionne qu’on compare généralement dans les études des familles hétérosexuelles nucléaires à des familles monoparentales gérées par des femmes. L’absence du père comme figure parentale est loin d’être la seule variable qui change dans ces deux modèles. Les statistiques qu’elle donne montre plutôt que c’est la division des tâches qui permet d’avoir un effet positif chez les enfants, et qu’avoir deux mères, selon une analyse de certains indicateurs, pourraient même peut-être plus positif. (« The quality of parenting, Biblarz and Stacey say, is what really matters, not gender. »)

    Cela dit, l’auteure ne propose pas que l’on devienne toutes des mères lesbiennes, mais plutôt que l’on s’interroge sur comment on se sépare les rôles genrés, comment on accepte certains aspects de la famille traditionnelle comme « normal ». Il s’agit d’une critique aux mères qui, tout en affirmant vouloir partager des tâches avec les pères, leur refusent tout un pan d’autorité parentale.

    La dernière phrase, en ce sens, dit plutôt que le rôle du père n’est pas par essence nécessaire. Le fait d’avoir un homme dans la maison ne rend pas la famille tout d’un coup plus stable. Comme ils disent dans les info pubs: Certaines conditions s’appliquent.

    Pour faire le lien avec le débat présent, j’ai l’impression qu’on s’accroche beaucoup aux formules qui frappent, qu’on cite beaucoup hors contexte et qu’on amalgame trop souvent toutes les tendances dans un seul mouvement. D’un côté, il faut regarder l’ensemble d’un texte/ouvrage, et de l’autre, comprendre dans quel contexte socio-politique l’auteure se positionne. Le refus des hommes par certaines féministes (une minorité cela dit), se veut une contestation du patriarcat dominant qui teinte absolument toutes les institutions et relations. Même en étant critique face à ce qu’elles proposent, on peut se nourrir de leurs analyses et reconnaître comme valables certaines de leurs observations.

    Quant à la radicalité, je m’en revendique selon sens étymologique, et ce, dans toutes les luttes sociales dans lesquelles je m’implique.

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