Téhéran, capitale de la chirurgie plastique

Sous le régime des ayatollahs, les femmes iraniennes doivent se vêtir modestement et porter le hijab. Les femmes iraniennes se doivent également porter des vêtements peu ajustés, omettre de se maquiller et ne poser aucun acte pouvant les rendre désirables aux yeux des hommes, tel que chanter, danser, ou fumer le qerlyan (narguile) en public. En revanche, nombreuses sont les Iraniennes qui posent quotidiennement des gestes de défiance sous la loi islamique.  Montrer quelques mèches de ses cheveux, orner ses lèvres de rouge à lèvres, porter des vêtements moulant constituent de véritables actes de résistance. En fait, il n’est pas rare de croiser dans les rues de Téhéran de jeunes femmes maquillées à la manière des starlettes américaines. Il n’est pas non plus rare de croiser des jeunes femmes au nez orné d’un bandage…

Téhéran est l’une des capitales mondiales de la chirurgie plastique. La rhinoplastie (chirurgie visant à modifier la structure externe du nez) constitue l’une des modifications corporelles les plus populaires auprès des femmes iraniennes avec près de 90 000 opérations pratiquées annuellement à Téhéran seulement.

Crédit: Zed Nelson. Photo tirée du projet Love Me.

De ce fait, si les femmes en Iran se voient soumises à de rigides normes sociétales patriarcales, notamment institutionnalisées par la république islamique, elles se voient également soumises à une autre forme d’oppression : les diktats de la beauté. En revanche, lorsque la chirurgie plastique est pratiquée, ce sont les femmes qui perpétuent cette forme d’oppression. En effet, ces femmes modifient leur apparence afin de répondre à des pressions sociétales et de plaire au regard de l’homme…

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Quel est votre point de vue sur la chirurgie plastique? La chirurgie plastique est-elle une forme de reproduction de la société patriarcale? Si oui, les femmes embrassant la chirurgie plastique posent-elles un geste antiféministe ou doivent-elles être considérées comme étant des victimes de pressions sociétales?

7 Comments

  • Marie-Noelle
    3 novembre 2010

    J’évite la question par manque de temps à faire toutes les nuances nécessaires, mais j’encourage tout le mone à visiter le lien du projet Love me qu’Edenne a mise sous sa photo. Très intéressant.

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  • J.
    3 novembre 2010

    La chirurgie plastique est-elle une forme de reproduction de la société patriarcale?

    La chirurgie plastique en tant que telle ne l’est pas, mais elle le devient sans doute dans de nombreux cas; il faut étudier le contexte. Ici, cela m’en a tout l’air. Qu’elle concerne des femmes ou des hommes, la chirurgie plastique a souvent comme but de corriger/renforcer les traits physiques jugés « masculins » ou « féminins » (ainsi un nez proéminent est désormais jugé « masculin » et doit être rendu « féminin » chez une femme). Il s’agit donc de se soumettre et de mieux correspondre aux stéréotypes/canons de genre (culturels, historiques et arbitraires).

    Ce qui est rigolo avec les nez refaits, c’est qu’on peut généralement dire de quand ils datent, s’ils sont le produit de la mode d’une époque.

    Par ailleurs, la chirurgie plastique est un acte de réappropriation du corps par l’esprit (ce n’est pas incompatible avec la soumission aux normes de genre). Cela ouvre un autre débat. Pour ma part, je l’avoue, je ne suis pas très « interventionniste ». Je crois que notre corps nous appartient davantage qu’il n’appartient à quiconque d’autre, mais pour autant il ne nous appartient pas réellement, dans la mesure où nous n’avons sur lui qu’un contrôle limité et largement imaginaire. Je ne crois pas à faire de notre corps tout ce que bon nous semble. Pas que cela soit mauvais ou immoral, mais simplement une illusion, un mensonge. C’est quand même ça qui est chouette avec le corps, c’est qu’il n’abdique jamais; et même lorsqu’à la mort il nous lâche, ce n’est pas un abandon, c’est sa revanche, son dernier mot. On peut se changer le nez et les seins et les menstruations (même si c’est une autre question), le corps triomphe, il dépasse et déborde nos efforts de le contenir, de le normaliser, de le dompter. La lutte des diktats de la beauté contre notre corps est donc une lutte inégale et perdue d’avance. Malgré les artifices et les médicaments, nous restons toutes informes et douloureuses. Il n’y a pas de choix véritable dès que le corps est concerné, enfin oui, la mort, la destruction du corps (et pourquoi pas?).

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  • Joëllita
    3 novembre 2010

    Merci, Edenne, de nous faire découvrir le projet très troublant de Zed Nelson, « Love Me ». À propos de cette question de l’empire de la beauté et de la chirurgie plastique sur les femmes, il y a aussi le roman de Nelly Arcan, « À ciel ouvert », très troublant lui aussi.

    Il me semble que si ces manipulations extrêmes (je pense à la vaginoplastie, mais aussi à toutes les mesures de contrôle de poids) nous semblent révoltantes, elles demeurent quand même ambiguës : soumission à un idéal ridicule imposé de l’extérieur ou acte indépendant de prise de contrôle sur ce qui nous échappe (le corps malade, qui vieillit, qui grossit, qui meurt) ? Pour moi, chez ces femmes, il y a à la fois l’humiliation et la révolte.

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  • Emilie
    3 novembre 2010

    Merci pour la découverte de ce reportage troublant…
    En ce qui concerne l’Iran et les femmes voilées, je me souviens d’un fait marquant que j’ai pu constaté en travaillant dans un grand magasin de vêtements en France. J’avais été impressionnée par le nombre de femmes voilées en partie ou intégralement (généralement en noir ou bleu marine) et qui venaient acheter des tonnes de fringues. Et c’était on ne peut plus coloré, fashion voir sexy. Preuve que le virus de fashionista, de la consommation et la pression sociale ne s’arrêtent pas à un voile.

    Il me semble que la chirurgie esthétique est plutôt un des paroxysmes de la « consommation de la beauté ». De nos jours, on est persuadé (on nous persuade) que la beauté ne peut se contenter du naturel: elle doit s’acheter. Il faut du maquillage, des vêtements, le coiffeur, l’esthéticienne et tant d’autres.
    Et parfois, il serait peut être plus difficile mais plus important d’apprendre à s’accepter et à s’aimer.

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  • Edenne
    4 novembre 2010

    * C’est au regard de la photographie de Zed Nelson « Love Me » qu’il m’est venu l’idée de traiter d’une réalité m’ayant frappé lors de mon voyage en Iran, soit celui de la double oppression des femmes iraniennes.

    *

    Je vous invite à jetez un coup d’oeil aux clichés de Nelson, lesquels interrogent cette obsession mondiale pour une beauté plastique, occidentale, aseptisée. Troublant et nécessaire projet artistique.

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  • Thomas
    3 juillet 2011

    Pour être allé en Iran, je me permets quand même de dire que les hommes se font autant opérer du nez que les femmes en Iran.

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