Pas assez féministe?

Je suis féministe. Je le déclare haut et fort. Je m’insurge contre les publicités qui abusent du corps de la femme. Je participe à des débats publics sur la question du féminisme et de la condition des femmes en général. Je me sens représentée par la Fédération des femmes du Québec. J’adhère aux combats des groupes de femmes contre l’oppression des femmes sous toutes ses formes. Je considère qu’il est de mon devoir de dénoncer les attaques anti-féministes et masculinistes qui fusent de partout. J’ai participé activement à l’organisation de Journées féministes dans mon université. Je me considère féministe radicale. Lorsque j’aurai des enfants, je leur ferai connaître les luttes féministes et leur enseignerai que le combat se poursuit.

Pourtant, être féministe m’épuise.

Ce n’est pas que j’aie de la difficulté à en parler autour de moi, au contraire : dès que l’occasion se présente, j’en parle aux gens de mon entourage, j’en parle à mes collègues, j’en parle sur divers blogues et autres médias sociaux. Je regarde les jeunes filles que je croise dans la rue et dans le métro et je sais qu’en parlant avec elles je serais capable de leur faire comprendre que le monde dans lequel elles vivent est le produit de luttes de millions de femmes. Je suis certaine que je pourrais faire naître chez elles une lueur de féminisme et cette certitude me remplit d’espoir.

Le problème, ce qui draine toute mon énergie de militante, c’est lorsque j’assiste à des débats entre féministes, sur la question du féminisme, et que le message que je reçois est : « tu n’es pas assez féministe pour faire partie du groupe ». Effectivement, je ne suis pas une chercheuse sur la question féministe, je ne suis pas une activiste de première ligne et je n’ai pas de talent particulier pour la rhétorique. Je ne m’exprime pas très bien lors des débats et les mots ne me viennent pas spontanément lorsque je reçois des critiques. C’est pourquoi je me tiens loin de grandes tribunes et préfère vivre mon féminisme de façon plus discrète, un geste à la fois, un interlocuteur à la fois. Ce qui ne m’empêche pas d’avoir les mêmes idéaux que ces féministes flamboyantes qui dirigent le mouvement.

J’ai l’impression d’avoir la même vision du féminisme que ces femmes qui ont l’énergie de crier leur indignation haut et fort, à chaque semaine sur la place publique. Ces femmes étudient le féminisme, pensent le féminisme et le vivent dans toutes leurs actions. J’admire leur intelligence, leur courage et leur force de caractère. Je sais qu’elles font un boulot incroyable pour la visibilité des femmes dans la société et je respecte énormément leur travail.

Là où l’attitude de certaines d’entre elles me blesse c’est lorsqu’elles me font comprendre que je ne suis pas assez féministe – parce que je ne suis pas leur exemple à la lettre, parce que je crois que le féminisme se vit aussi dans les petites choses. Je n’ai pas leur verve pour m’exprimer, certes, et je n’ai pas lu des tas de textes académiques sur le sujet, c’est vrai. Malgré tout, j’ai une tête sur les épaules et un esprit critique suffisamment aiguisé pour comprendre les problèmes qui se posent aux féministes et vouloir y remédier. J’ai l’impression toutefois que certaines femmes se montrent paternalistes en me disant comment être féministe. N’est-ce pas là le plus grand des paradoxes?

Il existe des tas de façons d’être féministe, autant qu’il y a de féministes. Les grandes penseuses du mouvement sont les premières à le reconnaître. On a besoin de toutes les sortes de féministes : celles qui crient et créent les débats sur la place publique et celles qui font vivre le féminisme au quotidien. Pourquoi alors est-ce que certaines femmes, intentionnellement ou non, me culpabilisent et veulent me façonner à leur image? Pourquoi cherchent-elles à fermer toutes les voies qui ne vont pas exactement dans la même direction? Nous sommes pourtant toutes féministes et partageons toutes la même vision sociale. Pourquoi, dans ce cas, ne pas nous respecter mutuellement et ne pas nous appuyer?

Je resterai toujours féministe, la question n’est pas là.

Je trouve anormal de revenir chez moi honteuse, après une discussion entre féministes. Je devrais revenir gorgée de projets et d’espoir, comme lorsque je participe à des marches rassemblant différents groupes de femmes. Ce n’est pas le cas après avoir assisté à une soirée sur le féminisme dans les médias de masse. Je me sens coupable, pas assez féministe. Pourtant, la soirée offrait des présentations sur différents aspects du féminisme, différentes façons de le vivre et de le défendre. Le débat qui a suivi a soulevé plusieurs questions intéressantes et légitimes. J’ai cependant encore une fois sentie qu’on tapait sur la tête du trois-quarts des femmes présentes parce que leur militantisme n’était pas à la hauteur des attentes de certaines. J’aimerais que ces femmes qui critiquent les initiatives féministes qu’elles jugent – peut-être avec raison d’ailleurs – trop timides comprennent qu’on n’a pas toutes l’énergie de vivre notre féminisme comme elles et que notre façon de partager nos convictions est peut-être tout aussi valable que la leur.

J’aimerais aussi ne pas avoir eu besoin de me justifier en tant que féministe avant d’écrire ce texte. Pourtant, j’ai jugé qu’il était nécessaire de le faire si je souhaitais que mon point soit entendu.

Voilà, c’est dit.

Anne-Julie Néron

22 Comments

  • Andréane
    11 novembre 2010

    Merci Anne-Julie! J’ai l’impression que ton texte englobe tout à fais ma pensée sur une multitudes d’aspects et qu’il exprime ce que plusieurs d’entre nous ressentent. Il faut faire front commun et comprendre que le féminisme est une partie intrinsèque de nos vies peu importe notre façon de l’exprimer!

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  • SophieSexologue
    11 novembre 2010

    J’ai eu le même feeling que toi l’an dernier en revenant du colloque sur « 20 ans après la polytechnique »; c’est vrai que c’est frustrant et insultant ce feeling de n’en faire jamais assez…
    Bon texte!

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  • Valéroe
    11 novembre 2010

    Moi, je sors d’un cours où au contraire, on a conclu en disant que c’était la résistance quotidienne qui était la plus importante. Que les mouvements politiques déconnectés de leur base étaient voués à l’échec. Que l’action politique était souvent plus efficace dans à travers des gestes concrets que dans le parlementarisme.

    Alors chacun sa vision des choses. 🙂

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  • Elise Gravel
    11 novembre 2010

    Merci pour ce texte tout en subtilité et en nuances. En tant que participante et présentatrice, j’ai aussi trouvé que l’ambiance générale dans l’assistance était très lourde et négative et que les actions féministes que nous avons proposées ont été perçues comme des initiatives peureuses, trop timides, couardes, inadéquates, et selon certains commentaires, carrément nuisibles pour le mouvement féministe.

    Je suis revenue chez moi en me disant « Bon, apparemment, ça ne suffit pas. À quoi bon? »

    Heureusement, par la suite, j’ai reçu des tas de petits mots encourageants par courriel, sur Twitter, et ici, dans ce texte. J’ai compris alors que toutes ces féministes qui croient en la valeur des petits gestes du quotidien, qui ne se sentent pas la verve et l’énergie de crier leur colère sur toutes les tribunes, étaient là aussi, mais qu’elles parlent moins fort que les autres, et qu’elles n’en sont pas moins là pour assurer une solidarité entre toutes les voix féministes, les petites et les grandes.

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  • Noisette Sociale
    11 novembre 2010

    Peut-être n’as-tu pas la verve que tu voudrais avoir mais à tout de moins, tu possèdes une sacré plume!

    Il était très agréable de te lire et je dois dire que je me suis reconnue dans plusieurs passages de ton texte.

    Dis-moi, où sévis-tu sur la blogosphère en temps normal? As-tu un blogue régulier? Je serais bien intéressée à te relire. 🙂

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  • Valérie
    11 novembre 2010

    Je crois personnellement que l’on devrait davantage penser à comment réaliser toutes ces idées écrites et criées dans l’espace public. Je veux dire que j’ai l’impression, en quelque sorte, qu’il faut sortir du féminisme pour en concrétiser le projet. Dans la vraie vie, je ne suis pas dans une manifestation. Ni dans un rassemblement féministe. Je suis à l’école, au travail, en couple, en famille. Elle est là, ma vie. Je ne sais pas comment s’est passé ce débat dont il est question. Étant de Québec, je suis habituée aux trucs plus intimes. Il faut dire que chaque fois que je suis allée à Montréal, j’ai été étonnée, quand même, du réseau que j’y ai trouvé, et de la rigidité de certains dicours qui circulaient. En tout cas. Je t’encourage aussi à continuer d’écrire, Anne-Julie.

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  • Valérie
    11 novembre 2010

    Pour celles qui n’y étaient pas…
    Est-il possible savoir ce qui s’est passé, au juste?

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  • Tamara
    11 novembre 2010

    J’y étais et je trouve tout à fait à propos ce texte. Je ne suis pas étudiante en féminisme mais je me considère comme étant féministe. Pourtant, suite à cette conférence, je me suis sentie agressée par le négativisme de l’assemblée. Effectivement, on dirait que rien n’était assez militant pour ceux qui font des gestes féministes. Je ne crois pas que c’était le cas de toute l’assistance mais bon, une grande majorité certainement.

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  • Marilyn
    11 novembre 2010

    Pour répondre à Valérie brièvement,nous avons organisé une soirée-conférence sur « Le féminisme dans les médias de masse » ce mardi. La salle était remplie à capacité maximale (environ 180 personnes)venues entendre Marianne de jesuisfeministe.com, Élise Gravel de Nunuche, Marie-Claude Lortie et Stéphanie Mayer venue parler des antiféministes et masculinistes dans Châtelaine.

    Certaines personnes, lors de la période de questions, ont trouvé que les conférencières (j’ose m’avancer et dire ici surtout Marie-Claude Lortie)avait un féminisme bordeline. Et les commentaires étaient plutôt accusateurs, disant que ces personnes vivaient un féminisme trop caché. La célèbre phrase, je suis féministe mais…

    Bon, ça fait trois jours que je ne parle que de ça, à des dizaines de personnes, alors je suis un peu tannée.

    Mais si je peux m’adresser en tant qu’organisatrice de l’évènement et aussi pour défendre quelques personnes qui ont parlées à la période de questions (aussi mes professeur.e.s et ami.e.s) je dois avouer que « normalement » et je le mets vraiment entre guillemets, nos conférences s’adressent principalement à des étudiantes en études féministes, habituées aux théories et concepts assez avancés.

    (Les filles, si je vous ai invitée, c’est que je croyais en votre travail et que je le trouvais pertinent. Alors ne le prenez pas personnel)

    Évidemment, derrière Nunuche, je croyais aussi qu’il y avait une démarche féministe. Pour Marie-Claude Lortie, parler de nature féminine et d’intérêts féminins, ça ne passe tout simplement pas devant 180 féministes qui tentent, par tous les moyens, de défaire le mythe de cette idée de nature qui a justifié historiquement l’oppression des femmes. Je peux comprendre certain commentaires et je crois qu’ils sont tout autant pertinents puisque cela nous permet d’en parler (ici et ailleurs) et de découvrir encore et encore que le féminisme est multiple. Je suis une féministe radicale académique et oui, j’étais souvent en accord avec les interventions. Cela n’est pas une question de plus ou moins féministe. Cela est davantage une questions de perspective et de moyens utilisé pour arriver à une justice sociale: réformiste vs révolutionnaire et égalitariste vs radicale. On n’est sort jamais, c’est clair. C’est comme pour la prostitution.

    Mais j’ai organisé cette conférence pour que l’ont puisse entendre chaque voix et surtout constater que non, il n’y a pas de féminisme radical dans les médias de masse (c’était le sujet initial). Cela n’enlève rien aux conférencières. Seulement, elles étaient vues comme les porte-paroles et évidemment, cela se prend personnellement, alors que les interventions étaient sans doute davantage dirigées vers la SITUATION où le féminisme à mauvaise presse et qu’on en entent parler deux fois par année: polytechnique et le 8 mars. Et encore, c’est rarement positif.

    Voilà, en passant, la conférence a été filmé et pour les personnes intéressées, on pourra voir ce qu’ont peut faire.

    Merci de votre compréhension et en espérant que cela réponde à certaines interrogations.

    Solidairement,
    Marilyn : )

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  • Karine
    11 novembre 2010

    Anne-Julie, tu as totalement raison, en tant que féministe, nous ne devrions pas rabaisser celles qui n’ont peut-être pas le bagage académique et les termes fancy pour utiliser dans le bon contexte.

    Par contre, j’ai été très déçue de certaines interventions où l’expression féminisme radical a été utilisée pour parler d’un féminisme actif, politique et parfois, extrémiste. C’est ce qui, enfin je crois!, a mené certaines féministes radicales de poser des questions à la fin, mais aussi de s’identifier en tant que tel. De plus, vu que c’était un évènement organisé dans un contexte universitaire, je vais avouer que je m’attendais à davantage d’analyse de certaines des intervenantes quant à leur féminisme. Toutefois, j’ai bien apprécié ma soirée et je suis très heureuse d’avoir compris la super démarche d’Élise Gravel.

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  • Martin Dufresne
    11 novembre 2010

    J’ai beaucoup apprécié cette soirée même si j’en attendais plus. Mais comment peut-on avoir ressenti « qu’on tapait sur la tête du trois-quarts des femmes présentes parce que leur militantisme n’était pas à la hauteur des attentes de certaines »? C’est une énigme pour moi. Nous avons eu droit à trois présentations enthousiasmantes et une qui, même si elle décevait un peu, a tout de même été applaudie par la salle. Puis, il y a eu la période de questions, où certaines réponses ont décu, lorsque trois sur quatre des conférencières ont répété, plusieurs fois, à un auditoire surpris que le féminisme devait être « vendeur » et « sexy ». Ces étranges commentaires auraient pu être hués – on parle après tout de luttes et de choix personnels, qui n’ont pas à répondre à de tels critères. Ils ne l’ont pas été et même les commentaires les plus explicitement opposés à la perspective anti-FFQ/MMF de Mme Lortie ont été civils et polis.
    Mais surtout, en aucune façon n’y a-t-il eu culpabilisation des 3/4 des femmes présentes dans la salle comme « pas assez féministes ». Trois des conférencières ont plutôt eu tendance à leur faire sentir qu’elles l’étaient trop et resteraient éternellement boudées par les médias…

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  • Katherine
    11 novembre 2010

    Bonjour,

    Bravo à Anne-Julie dont le texte reflète sans doute le vécu de plusieurs participantes à cette soirée.

    J’y étais aussi et j’aimerais simplement apporter des éléments qui, à mon avis, jouaient dans l’ambiance lourde qui sévissait ce soir-là :

    – Une rancune palpable (que je partage) envers la chroniqueuse Marie-Claude Lortie, qui – en dépit du fait qu’elle soit féministe – a dénigré la Fédération des femmes du Québec à répétition dans son blogue depuis quelque temps. C’est justement ce qui blesse : une féministe qui au lieu de s’en prendre aux vraies cibles (systèmes sexistes, antiféministes etc.), s’acharne publiquement contre une organisation féministe, plutôt que d’utiliser le pouvoir et l’espace dont elle dispose pour faire avancer les droits des femmes de façon plus constructive;

    – Des attentes déçues de plusieurs participantes, dont moi, qui nous attendions à une soirée axée sur des pistes d’action pour faire en sorte que les médias de masse soient plus à l’écoute du féminisme. Or, les conférencières semblent s’être préparées en fonction d’autres questions, orientées davantage vers leur vécu personnel. Nous avons eu droit à des conférences intéressantes, mais présentant simplement, dans 3 cas sur 4, des parcours d’individues en lien, ou pas, avec les médias de masse.

    J’espère que ces éléments de perspective bien subjective apportent un grain de plus à la discussion sur cette soirée, somme toute pas mal stimulante! En ce qui me concerne, je suis contente de la soirée, qui m’a permis de connaître un peu plus Marianne Prairie et Élise Gravel.

    Dans ce sens, je suis reconnaissante aux organisatrices et j’en profite pour remercier Marilyn, qui a commenté le texte ci-haut.

    En solidarité,
    Katherine

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  • Elise Gravel
    12 novembre 2010

    L’invitation que nous (les présentatrices) avons reçue peut avoir prêté à confusion. Voici en quels termes on m’a présenté la rencontre:

    « Nous organisons le 9 novembre à 18h une conférence sur « Le féminisme dans les médias de masse ». Comme vous êtes présentement une voie alternative aux magazines féminins, nous avons pensé vous inviter afin de discuter avec nous de votre démarche, voire de votre posture féministe dans votre métier. »

    Si on avait précisé que je devais parler de la place du féminisme radical dans les médias de masse, j’aurais refusé l’invitation. Je ne me sens absolument pas qualifiée pour parler de féminisme radical. De la même façon, si on m’avait demandé de présenter une analyse de niveau universitaire des différentes pistes d’action offertes au mouvement féministe en ce domaine, j’aurais refusé l’invitation aussi. Je n’ai pas de Bac, je suis tout simplement une auteure de livres jeunesse et je n’ai aucune expertise en sociologie ni en communications.

    Je croyais qu’on m’invitait pour parler de ma démarche et de ma propre façon d’essayer de rendre le féminisme plus présent dans les médias. Je ne fais pas de recherche, je ne suis pas éditorialiste, je ne connais pas grand-chose en-dehors de mon propre travail. Si j’avais mieux compris les attentes de l’assistance, j’aurais suggéré qu’on invite quelqu’un d’autre. J’ai senti que je n’avais pas répondu au mandat, que je ne l’avais pas bien compris, et que je décevais le public qui s’attendait à quelque chose que je ne peux pas offrir.

    J’aimerais aussi répondre à Martin que je ne crois absolument pas que le féminisme « doit être sexy et vendeur ». Ce n’est absolument pas le propos que je voulais tenir, et je suis désolée si c’est ce qui a été compris. Par contre, je suis absolument persuadée que, malheureusement, les médias de masse ne s’intéressent qu’à ce qui EST sexy et vendeur et qu’il sera difficile pour le mouvement féministe radical de s’y tailler une place sans comprendre et utiliser son langage.

    Des participants ont souligné que plusieurs « ismes » ont réussi à se tailler une place dans les médias de masse: le masculinisme et l' »écologisme ». Je crois que ces deux « ismes » sont, justement, très vendeurs du point de vue des médias de masse: les masculinismes optent pour des actions sensationnalistes, brutales et extrêmement « médiatisables », et l’écologie n’a plus à faire les preuves de son pouvoir vendeur: il n’y a qu’à observer les innombrables entreprises qui utilisent le mot « écologique » pour faire ventre leur produit (et ça marche).

    Est-ce à dire que je crois que le féminisme doit suivre cette voie? Absolument pas. « Nous ne sommes pas à vendre », et je suis tout-à fait d’accord avec ce principe. Par contre, les médias de masse le sont, eux, et la question demeure: comment intéresser une industrie sensationnaliste et mercantile sans s’abaisser à utiliser son langage?

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  • Martin Dufresne
    12 novembre 2010

    Merci de ces précisions, Élise. Ta présentation a été chaudement applaudie mardi – et pour cause – et j’étais étonné que tu sois sortie déçue de la soirée.
    Découvert sur FB: Des États-uniennes discutent des tentatives d’appropriation du féminisme par la droite et les mass médias: http://www.ontheissuesmagazine.com/2011winter/

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  • Martin Dufresne
    12 novembre 2010

    Aussi: J’apprends sur la liste EFiGIES que les actes du colloque Perspectives étudiantes féministes, tenu à l’Université Laval à Québec au printemps dernier, sont sortis en format électronique et sont téléchargeables gratuitement à l’adresse suivante
    http://www.perspectives-etudiantes-feministes.org/

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  • Stéphanie Mayer
    12 novembre 2010

    Bonjour à vous tous et toutes,
    J’ai été l’une de ces conférencières pour cette soirée « Le féminisme dans les médias de masse ».
    Je tiens à formuler quelques commentaires, suite ma lecture des vôtres.
    Il me peine qu’encore aujourd’hui, nous-mêmes comme féministes nous acceptons de nous hiérarchiser, nous départager, nous cadrer, nous compartimenter. S’il y a un de ces combats (au sens propre et figuré) pour les féministes, – à mon avis – c’est de refuser que la différence soit hiérarchisée… car la hiéararchisation de la différence a été la première motivation à l’exclusion des femmes du politique.
    À mon avis, il nous faut nous-mêmes arrêter de réflechir qui est plus, moins, mieux féministes…. je crois que cela n’est que source de division, de colère et de peine. Je pense que malgré les différences d’intensité, de perspective, de lutte : être féministe s’est reconnaître qu’il existe des différences et des hiéarchies entre les femmes et les hommes dans la société et que peu importe les moyens utilisés pour s’y rendre, la motivation qui sous-tend nos actions est la liberté et l’égalité.
    Étant moi-même assise à l’avant, j’ai trouvé lourds et difficiles certains commentaires, mais je pense que ces espaces de discussion sont légitimes. Il nous faut autant apprendre à reconnaître nos différences dans l’action, dans la revendication, et dans la réflexion. Sur un continuum se décline une quantité impressionnante d’actions, comme peuvent l’être le travail magnifique que fait Élise Gravel, comme le blug super animé de Mariane Prairie sur lequel on échange aujourd’hui, tout comme les recherches universitaires sont pertinentes ont leur pertinence.
    L’essentiel de mon internvetion est de dire aux femmes féministes d’arrêter de penser qu’elles ne sont pas assez féministes. Certaines demandent à ne pas se faire dire qu’elles sont trop intenses dans leur résitance, tandis que d’autres aspirent à faire reconnaître la légitimité de leur façon de changer les choses au jour le jour. Ultimement,ça mène vers la même route… ça nous mène sur le même chemin, un pas de plus vers l’égalité et la liberté. Il est vain de penser qu’on marchera côte à côte, est-ce même nécessaire ? À chacune nos façons avec nos allié.e.s de travailler à changer les choses.
    C’est ce qui est pour moi le plus important, la reconnaissance de ce grand spectre « d’être au monde comme féministe ». C’est une lutte à travers laquelle on regarde le monde et qu’on décide d’agir dessus.
    C’est dans ces différences que je pense que nous sommes plus « fortes » !
    Moi j’aimerais que toutes les féministes qui étaient présentes et nos alliés féministes aussi partent avec l’idée après une soirée comme celle-là… à chacune sa façon d’être féministe, et qu’ici et là, des réalités, des enjeux, des réflexions convergent par notre soif de mouvement.
    Je vous salue chères féministes, et je pense que ce sont à ces intersections que nos alliances seront les plus profitables. Arrêtons maintenant de hiérarchiser nos féminismes… la hiérarchisation pour moi est bien une réflexion qu’il nous faut repouser.
    Nous sommes féministes, un point c’est tout.
    Longue vie à vos réflexions, à vos petites et grandes indignations et à chacune des petites graines de changements que nous semons,chaucne à notre manière…
    Je réalise que cette soirée m’a faite vivre également, une foule d’émotions.
    Salutations féministes.

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  • Anne-Sophie
    13 novembre 2010

    J’abonderai dans le même sens que Martin et Marylin qui se sont exprimés ci-haut.

    En tant que féministe qui milite très modestement dans le mouvement, et qui aimerait faire mieux, je n’ai pas trouvé que cette soirée confrontait et critiquait mon « pas assez de féminisme radical ». Au contraire, la verve, l’enthousiasme et l’éloquence de plusieurs, voire de toutes celles, et ceux, qui ont osé prendre le micro pour réagir, ont avivé ma flamme féministe et mes convictions.

    Bien que je sois toute reconnaissante du travail qu’accomplissent Mesdames Lortie et Gravel, et que je ne remette nullement en cause leur féminisme, il m’est apparu durant la conférence qu’il régnait une sorte de mésentente sur le sujet, mésentente surtout nourrie par les termes utilisés par certaines conférencières: féminin, séduction des hommes, féministes radicales rébarbatives, sexy, vendeur… Madame Gravel s’est reprise ci-haut pour ces deux derniers termes, et son interrogation à propos des médias de masse est très intéressante. Mais le point que je soulève ici est la susceptibilité JUSTIFIÉE des féministes quand vient le temps de choisir le vocabulaire approprié pour traiter du féminisme. Les mots ont un poids, ils sont lourds de signification et de conséquence. Si une féministe veut utiliser des termes qui sont majoritairement employés par le système d’oppression contre lequel le féministe se débat, elle devrait bien vouloir préciser la portée de son choix de vocabulaire. C’est pourquoi je suis sortie de la conférence avec cette interrogation: de quel féminisme parlait-on au juste?

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  • Alexandra
    15 novembre 2010

    Je n’y étais pas mais je trouve ton billet pertinent et c’est malgré tous quelque chose que j’ai déjà ressentis virtuellement parlant. Je pense aussi qu’ il ne faut pas sous estimer les plus « timides », car lorsque l’on désire une réelle solidarité féminine il va arriver un moment ou plusieurs cris timides peuvent faire bien plus de bruits … J’ai aprécié ta plume bise et à bientôt peut être

    Alexandra
    Féministe pour les mères

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  • Janik
    22 novembre 2010

    J’ai également participé à cette rencontre et ai pu palper certaines frustrations et malaises. J’en éprouvais moi-même.

    Je suis tout à fait d’accord avec Stéphanie en ce qui concerne l’accueil des autres féministes. Et à ce titre, je considère que chaque petit pas féministe est précieux.

    Ce qui a suscité de la frustration chez moi, toutefois, c’est d’entendre certaines pannelistes dire que le «féminisme militant» était soi-disant à l’origine de la «guerre des sexes», était «dépassé», «responsable» de son «propre échec» et qu’il fallait le remplacer par d’autres formules plus soft et discrètes – voire cachées. Bref, qu’il fallait domper la mobilisation activiste et s’en tenir à un féminisme qui ne se nomme pas trop et qui s’assure de ne pas froisser les hommes. Contentons-nous donc ainsi de l’approche «t’sais, j’suis pas sûre pis peut-être que je me trompe. C’est une impression comme ça. En tout cas, je veux surtout pas te déranger, mais j’ai l’impression, enfin il me semble que, je sais pas, c’est un peu irrespectueux quand vous parlez de grosses boules… j’sais que c’est pas votre intention pis que vous voulez pas blesser, mais… quoi, les calendriers de pompiers pis les gars qui se font traiter de niaiseux dans les annonces? Ah ouins, vous avez raison. Ouins, on capote peut-être un peu dans le fond… Ok, oubliez ça. Bin oui, j’suis peut-être un peu féministe, mais inquiétez-vous pas, je déteste pas les hommes…»

    Qu’est-ce qui me permet de faire une image si caricaturale? Tout simplement parce que ce qu’on reproche aux radicales et aux «militantes», c’est de faire dans la confrontation et que tout propos un peu plus affirmatif que le précédent serait considéré comme tel. C’est vrai que nous faisons dans la «confrontation», à la nuance près que nous ne nous promenons pas avec des sécateurs, que nous pouvons certes être en colère comme nous pouvons dire les choses tout doucement. Mais d’expérience, je le répète, ça ne prend pas grand chose pour être qualifiée de confrontante. Dites avec votre voix la plus douce et la plus posée: «je suis féministe, puis je considère que les femmes vivent des inégalités de la part des hommes» et vous en verrez les effets. Pis entre vous et moi, en-dessous de ça, il n’y a pas grand chose qu’on puisse dire qui secoue un peu les puces du système. Et dès qu’on fait dans la complaisance, il se niche dans l’inaction.

    Difficile, donc, de ne pas prendre ce «dompons l’activisme et adoptons la subtilité» comme une critique à l’emporte-pièce. Et ce, tout particulièrement dans un contexte où certaines féministes «soft» recherchent une légitimité auprès des hommes en piétinant les autres et en se disant «Ah, j’suis féministe mais inquiète-toi pas, j’suis quand même pas radicale». C’est comme si plusieurs femmes avaient intériorisé l’idée que nous étions plus biaisées et idéologiques que Mr.Dude tout le monde et qu’il fallait décupler d’auto-critique pour montrer patte blanche. S’il est important d’être capable d’auto-critique en soi, il est crucial de porter attention au contexte. Or, comme celui-ci donne dans le féminisme bashing depuis longtemps, il serait plus approprié de slaquer la poulie pis de ne pas faire d’overkill critique. D’autant plus que l’ultime ironie de la chose, c’est qu’il est faux de croire que les hommes antiféministes vont nous accorder plus de crédibilité parce qu’on critique d’autres féministes. Ils ne vont qu’en redemander jusqu’à ce qu’on ait retiré toutes les dents de nos revendications et qu’on les laisse «tranquille» dans leur petit confort de privilégiés. En témoigne l’attaque en règle de féministes «soft» contre la FFQ pendant la Marche mondiale des femmes. A-t-on davantage écouté les féministes, même «soft», par la suite? Que nenni. Les antiféministes ont ronronné de plaisir.

    Avec tout ceci, je ne suis pas en train de dire que les personnes qui sont confortables avec la stratégie subtile (comme Élise le fait) devraient laisser tomber. Bien au contraire. Je souhaite que nous soyons le plus nombreuses possibles à agir, chacune avec nos approches. Le problème est quand on considère qu’il n’y a qu’une seule et bonne approche (la soft ou la radicale), puis quand on discrédite publiquement et/ou hâtivement une approche alors qu’on ne la connaît que très peu et qu’on a pas pris la peine de s’en informer (la radicale plus souvent qu’autrement).

    Et l’ultime ironie, c’est que bien des radicales seraient en mesure d’offrir une explication à notre plus faible et erronée couverture médiatique. Ceci non pas seulement en matière de sexisme, mais aussi de capitalisme, de racisme et d’hétérosexisme.

    – Une radicale qui, avant de le devenir, cherchait justement une légitimité de «bonne féministe» en se défendant de l’être.

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  • Kim
    22 novembre 2010

    Bonjour Anne-Julie! Je crois que ta réalité est similaire à celle de plusieurs autres femmes dans notre charmante société. Elles cherchent à s’identifier en tant que féministe mais ne croient pas être à la hauteur du fait qu’elles ne participent pas aux luttes, aux débats et ne se lèvent pas sur leur chaise en criant “je suis féministe”. Toutefois, cela n’empêche pas qu’elles sont avant tout des femmes adhérant aux valeurs des féministes et voulant contribuer à la cause de leur propre façon. Il importe de préciser que ce n’est pas toutes les femmes qui ont la même énergie à attribuer au militantisme. Certaines sont mères et sur le marché du travail n’ayant que peu de temps pour elles-mêmes. Alors devrait-on leur refuser le statut de féministe même si elles n’ont pas tout leur temps à offrir au militantisme? Je crois bien que non, nous ne devrions pas leur nier ce statut.

    Cela étant dit, je crois tout de même qu’il est important de dénoncer les inégalités faites aux femmes par les hommes et d’être capable d’exprimer être féministe de façon confiante et fière. Une femme ne devrait pas avoir à cacher le fait qu’elle est féministe car elle a peur d’être étiquetée de façon négative et encore moins avoir à cacher qu’elle est féministe radicale de peur d’être vue comme “anti-homme”. Cependant, je ne crois pas que toutes les femmes sont capables de passer, du jour au lendemain, d’un statut non-féministe ou de je suis féministe mais… à ce féminisme plus radical et militantisme. Il est important d’y aller étape par étape et d’accueillir toutes femmes voulant offrir leur support au mouvement féministe en espérant qu’un jour, ces femmes seront celles qui prendront la relève en tant que féministes radicales.

    Je n’étais pas à la conférence mais merci à toi Anne-Julie pour avoir affiché ce commentaire et j’espère que ça va encourager les gens à réaliser que l’importance est d’être féministe et de tenter de sensibiliser son entourage à l’amélioration des conditions des femmes. Il est important d’avoir des féministes à tous les niveaux dans la société, d’accepter les différences entre les femmes et à partir de là travailler, de en collectivité afin d’améliorer les conditions de chacune de ces femmes!!!

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