J’aurais voulu être une femme pour pouvoir crier qui je suis
Mais c’est quoi être une femme quelque chose que l’on est ou quelque chose que l’on devient?
Une question au coeur du débat féministe depuis longtemps.
Je n’ai pas la réponse à vrai dire mais récemment j’ai visionné deux reportages qui m’ont amené à réflechir à cette question.
La particularité de ces documentaires était leur angle d’approche.
Un angle un peu en marge.
« Dans les marges ». Du genre et du sexe (et non pas de la sexualité).
Le premier, programmé sur arte mais actuellement indisponible sur le web, traite de l’intersexualité (personne n’ayant pas de sexe biologique « défini »). Ce reportage a une approche assez scientifique parfois assez froide et rigide. Mais plusieurs choses m’ont particulièrement marqué.
Pendant plusieurs années pour ne pas dire décennies, on a imposé « chirurgicalement » aux enfants intersexués un sexe à la naissance et on les a élevés selon le sexe qui leur avait été choisis. Cette démarche a été impulsée par les travaux du Dr John MEYNE qui pensait que le genre n’était pas déterminé par le sexe mais par l’éducation. Or, de nombreuses personnes intersexuées s’insurgent désormais contre ce système qui a eu une influence néfaste voir dévastatrice sur leur vie. Ils ne se sentaient pas en phase avec le sexe qu’on leur avait attribué. Aujourd’hui, la science suppose que le genre ne serait défini ni par le sexe biologique, ni par l’éducation mais par le cerveau.
En parallèle, le reportage suivait la vie d’une personne intersexuée d’environ cinq ans que les parents élevaient de façon neutre, la laissant choisir si elle était un garçon ou une fille. Or l’enfant ne semblait pas déterminée à choisir un genre. Le reportage laissait entendre que le choix venait généralement avec l’adolescence.
Le second programmé sur France 4 traite de la transexualité. Ce reportage a une approche plus humaine et plus ouverte. Deux choses étaient particulièrement intéressantes. La première est de voir des hommes et des femmes élevé(e)s selon leur sexe biologique se sentir d’un autre sexe. La seconde est un couple dont l’un est transgenre, c’est-à-dire qu’il a un sexe d’homme, vit avec une femme mais alterne le genre masculin et féminin.
Ces deux reportages m’ont interpellé. À mes yeux, le genre était une « construction sociale ». Et je pense que la société nous inculque des valeurs (la douceur, la maternité, la sensualité… en ce qui concerne les femmes) sur lesquels on construit notre genre et donc notre personnalité. Mais il est intéressant et déconcertant de prendre conscience que l’être humain peut se définir homme ou femme sans forcément prendre en compte le sexe biologique ou l’éducation. Si l’on envisage cette hypothèse, le genre social peut être déconstruit mais il resterait autre chose qui nous ferait nous sentir homme ou femme.
Le genre est-il seulement social? seulement biologique? Seulement cérébral? Ou peut-être un mélange de tout cela…
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Marie-Élaine
Merci, Émilie, d’ouvrir la conversation sur jesuisféministe autour des enjeux trans.
Pour ma part, en tant que femme cissexuelle, même si je peux parler de ma propre identité de genre – un peu construction sociale, un peu la biologie, le cerveau… sais pas – je ne peux absolument pas parler d’expérience de ce que vivent les personnes trans (ou genderqueer ou intersexuées, même si ce sont des choses différentes). Alors j’écoute ce qu’elles ont à dire, je lis leurs témoignages, je m’expose à leurs analyses, à leurs théories, et je me laisse la chance de connaître leurS véritéS.
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Janik
En tant que personne qui est «née intersexe» (car la catégorie intersexe est également une construction) et qui a connu la «normalité» par le biais du bistouri, j’en ai plein le cul de l’insistance sur l’idée de catégories «hommes» «femmes» nettes et distinctes. Idem pour la «masculinité» et la «féminité», qui sont des package-deals de manipulation et de légitimation du pouvoir.
Parlons des vraies choses. Que sont des vêtements «féminins» et «masculins»??? Qu’est-ce qu’un comportement «féminin» et «masculin»??? On peut aimer des vêtements délicats. Aucun problème. On peut aimer roter sa bière. Idem. On peut aimer se maquiller. Idem. On peut aimer faire griller sa bouffe sur un barbecue. Idem. Mais c’est quoi le but de mettre du «féminin» et du «masculin» là-dessus? C’est quoi qu’on cherche à dire au juste?
Pis je partirai même pas sur les histoires de côté, elles défient toute logique.
Pis
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Stéphanie
@Janik
J’approuve ton commentaire à 200% (même si c’est mathématiquement impossible! 🙂
À l’époque de Louis IVX, les hommes riches, pourtant considérés comme virils, se fardaient le visage, portaient des moumouttes à bouclettes, du rouge à lèvre, des « mouches » en forme de coeur dans le visage, des talons hauts, de la dentelle, etc.
De toutes façon, la nature n’a pas inventé les vêtements et après avoir perdu leur fourrure, nos ancêtres se sont contentés de rester tout nus jusqu’à ce que leur migration au nord leur donne envie de se foutre des peaux de bêtes sur le dos et je suis convaincue qu’il n’y en avait pas « pour lui » et « pour elle »! 😀
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Émilie
@ Janik et Stéphanie,
Justement, une des questions que je me pose, c’est si on déconstruit ou trouble (pour reprendre les termes de J.Butler) tout ce genre social (plutot inutile je suis à 300% d’accord 😉 ) est ce qu’il restera un genre, quelquechose qui n’est pas construit par notre société mais qui serait inhérent à nous?
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Stéphanie
@Émilie
Je l’ignore mais même si notre identification à un genre provenait à 100% de nous, est-ce donc si important d’en avoir un? Ce serait déjà bien que chaque personne assume ses goûts sans se casser la tête à savoir si elle entre bien dans la petite case la plus proche…
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Emilie
@Stephanie
Je ne dis pas qu’il est important d’en avoir un.
Ce qui m’intéresse ce n’est pas d’attribuer un genre à une personne ou de légitimer l’idée de genre. Mais oui, il est important pour moi d’essayer de comprendre ce que c’est exactement que le genre (est ce que ce n’est justement qu’une question de normes sociales?) et ce que ca représente pour les gens.
Et à mes yeux, si l’on souhaite déconstruire le genre il est important de se poser ce genre de questions.
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J.
Ce blog fourmille de choses passionnantes. 🙂
Je suis aussi entièrement d’accord et enthousiasmée par le commentaire de Janik.
Je pense, Émilie, que tu tombes dans le piège positiviste (oh! le gros mot) de confondre un concept et les manifestations concrètes qu’on veut bien lui attribuer. Dire que le genre est un construit social ne signifie pas que l’on peut éduquer quelqu’un dans un genre pré-sélectionné. Car attention! ce n’est pas la réalité que l’on construit, c’est le concept qui permet d’appréhender et de définir ces réalités.
Dire que quelqu’un est devenu une femme alors qu’on l’avait élevé en petit garçon, c’est construire le genre. Dire que l’on a tous un côté féminin, c’est aussi construire le genre. etc.
Si tu veux déconstruire le genre, tu peux essayer de construire autre chose à la place; parfois c’est en construisant que l’on comprend comment déconstruire. Tu pourrais commencer à tenir des propos comme: « quand Ulysse était petit-e, sa mère l’habillait toujours en vert, alors tout le monde dans la rue le prenait pour un-e zaboubik. Mais en grandissant ille a commencé à lire sur le bol des toilettes, un comportement typique de karafok. En même temps, il lisait des romans d’aviation; ses parents se sont mis à s’inquiéter de ses goûts en matière de transport… Parce que bon, ils n’étaient pas aérophobes, mais il y a une limite! On ne voudrait pas que ses propres enfants se mettent à voyager en avion… »
Ça a peut-être l’air de ne vouloir rien dire, et pourtant c’est exactement similaire à ce qu’on fait à propos du genre. On en parle, on en dit des choses comme si tout cela avait du sens, alors que ça n’en a pas, autrement qu’en vertu d’une habitude sociale discursive. Les études linguistiques sont très éclairantes à ce sujet. Par exemple, en breton, il n’y a qu’un mot pour désigner les couleurs bleu et vert. La preuve que le bleu et le vert ne sont pas tant des réalités positives que des construits sociaux. Ça ne veut pas dire que tu transformeras du bleu en vert en lui appliquant seulement le mot « vert », ni qu’en cessant de mettre un mot sur une chose, cette chose cessera d’exister. Il y a clairement une réalité positive du monde; seulement, ce n’est jamais celle dont on parle. (Il faut arrêter de penser que le monde est complice de notre connaissance, disait Foucault.)
En d’autres termes encore… le lien n’est jamais nécessaire, mais toujours arbitraire, entre un signifiant et son signifié. Ce lien de sens ne s’impose que par un ensemble de processus sociaux (d’où la notion de « construit social »).
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Emilie
STOOOOOP!
Je pense qu’il y a un malentendu. je n’ai PAS d’avis sur la question du genre, je suis en phase de réflexion. Je pensais que mon article était clair à ce sujet (nombreux points d’interrogation, le terme hypothèse…). Une amie m’a dit que cela venait certainement du titre qui prêtait à confusion. Alors je m’explique, il s’agissait d’un clin d’oeil à une chanson et le j’aurais voulu être une femme signifiait pour moi j’aurais voulu savoir ce que ça veut dire.
Je vous demanderais donc s’il vous plait d’arrêter de me coller des étiquettes ou de me dire que je crois tel ou tel choses, ce n’est pas le cas. Actuellement, JE M’INTERROGE.
Voilà alors maintenant que j’ai mis cela au clair, je vous remercie par contre tous et toutes pour votre participation au débat qui me permet d’avancer dans ma réflexion et de me poser de nouvelles questions. Et j’espère qu’il en est de même pour vous.
Et pour te répondre J., J’aurais plutôt tendance à être d’accord avec toi. Mais je crois que notre société a besoin de créer des généralités, des concepts pour communiquer, pour vivre en société.
En lisant J. Butler, j’adhérais vraiment à cette idée de déconstruire les genres. Et mon copain me DEMANDA si socialement le genre féminin et masculin n’existait plus est ce que la société ne créeraient pas de nouvelles catégories basées entre autre sur les pratiques sexuelles.
Qu’en pensez vous?
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Valérie
Pour Butler, même le sexe est une construction…
Personnellement, à chaque mois, j’ai mal au ventre au point d’en vomir. Je n’ai pas l’impression que ce soit une construction. Et je me sens toujours un peu marde d’avoir à me justifier au travail. En tk.
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Joëlle
« Et je pense que la société nous inculque des valeurs (la douceur, la maternité, la sensualité… en ce qui concerne les femmes… »
Chez les animaux, les genres n’ont pu être faussés, donc il y a certainement une base de vérité derrière tout ça? Ce ne serait pas plutôt l’humain qui aurait caricaturé le genre qui nous est propre au fil du temps?
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Janik
@Joëlle: c’est notre regard sur les animaux qui est faussé. On a projeté nos propres croyances et angoisses sur leurs comportements.
Si tu veux en savoir plus, je te suggère la lecture de «Biological Exuberance», de Bruce Bagemihl ou de «Des Harengs et des tigres» de Guillaumin. Il y a d’autres auteurs qui se sont penchés sur la chose, mais il s’agit des premiers qui me viennent à l’esprit.
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