Êtes-vous une « bonne » ou « mauvaise » victime ?

Nous ne sommes malheureusement pas surprises par l’abandon des charges à l’endroit de M.Strauss-Kahn, mais inquiètes quant au message envoyé à la société. Ce qui nous désole, c’est un système judiciaire qui détermine ce qu’est « une bonne » ou « une mauvaise » victime. Le système judiciaire québécois, en ce sens, ne diffère pas trop de celui des États-Unis.

Photo: Reuters

Le premier enjeu pour une victime d’agressions sexuelles est le plus souvent celui de sa crédibilité. Tous les jours dans les CALACS (Centres d’aide et de lutte aux agressions à caractère sexuel), nous recevons des femmes de tous les âges, de toutes les origines et de toutes les classes sociales, dont la parole est mise en doute pour le crime qui a été commis à leur endroit. Elles ont le malheur de ne pas avoir eu de témoins, d’avoir attendu trop longtemps avant de dénoncer le crime subi, ou encore de s’être retrouvées dans un endroit douteux de telle sorte qu’elles doivent justifier leur agression. Elles n’ont que pour seule défense, leur parole. Hélas, les preuves médicales ne détectent pas l’absence de consentement.

Parce qu’elle est très médiatisée, « l’affaire DSK », du moins en ce qui concerne les poursuites au criminel, découragera un grand nombre de victimes d’agressions sexuelles d’opter pour le processus judiciaire. Lors de la dernière campagne gouvernementale en matière d’agressions sexuelles, les Québécois furent étonnés d’apprendre que seulement 10% des cas d’agressions sexuelles sont déclarés à la police. Auriez-vous envie de porter plainte si vous risquiez de lire dans les journaux que vous êtes une « pauvre menteuse en quête de popularité et d’argent ». Madame Diallo a tristement servi de « bouc émissaire » à un système judiciaire qui n’aura finalement jamais entendu un seul mot de la bouche de l’agresseur.

Cette histoire aura eu le mérite de nous confirmer que le processus de guérison pour les survivantes d’agressions sexuelles, ne peut se traduire uniquement par le processus judiciaire, tel qu’il est. Malgré les réformes en droit pénal sur le « passé » de la plaignante, cela ne met-il pas en lumière ce que pensent plusieurs citoyens ? Que le droit criminel a été conçu sur des fondements racistes, sexistes et classicistes en accordant le droit à la justice aux seuls êtres dont la moralité est jugée appropriée et dont le portefeuille est bien garni. C’est la parole de l’un contre l’autre et souvent, le plus puissant gagne.

La guérison de milliers de femmes dans le monde continuera donc de passer par l’écoute et l’aide de celles qui leur accordent une « présomption de vérité ». La reprise du pouvoir sur elles-mêmes en dépend.

Rosa Pires, porte-parole
Regroupement Québécois des Calacs

7 Comments

  • Joëlle
    27 août 2011

    J’espère que ce billet aura une portée;
    Merci Rosa Pires.

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  • Joëlle
    27 août 2011

    On a l’impression que les agressions sexuelles sont encore et toujours tolérées dans notre société. Je me demande si dans la tête des gens ordinaire, on considère l’agression sexuelle comme un crime ou encore juste quelque chose de moralement grave…?

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  • Joëlle
    27 août 2011

    Parce que si on considère encore que c’est simplement quelque chose de moralement grave sans être nécéssairement un crime, normal qu’il y ait tant de résistance face à cette loi si on n’y croit pas trop et qu’on laisse volontairement des failles pour la contourner…

    Les mentalités changeront peut-être avec les prochaines générations si on se déciderait aussi à éduquer nos garçons correctement sur le sujet des abus sexuels, comme on le fait avec les drogues… Il y a tellement de viols chez les adolescents… Écoutez-les parler ensemble, « c’est hot violer une fille ». Parce que c’est à cet âge que ça commence… Et il n’y a pas trop problème pour récidiver!

    Loi, et aussi éducation.

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  • Joëlle
    27 août 2011

    Et là, je vous entends me dire « les drogues, justement, on voit ce que ça donne « l’éducation », pas grand chose!!! » Ouen, encore une autre affaire auqelle on croit pas vraiment et que la loi est très très souple lol

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  • Catherine L.
    30 août 2011

    Je suis malheureusement d’accord que cette histoire aura pour effet de décourager les victimes de dénoncer leurs agresseurs. Je trouve qu’il y a un problème social au niveau du traitement réservé aux victimes de crimes sexuels. Un accusé est innocent jusqu’à preuve du contraire, oui. Mais une victime devrait aussi être considérée innocente jusqu’à preuve du contraire. En quoi le fait que Diallo ait des contacts avec des trafficants de drogue prouve qu’elle ait inventé une histoire de viol? Les femmes qui fréquentent le milieu criminel n’ont-elles pas le droit de se faire violer et de dénoncer leur agresseur, elles aussi? Et depuis quand les victimes doivent avoir les mains blanches comme neige pour avoir le bénéfice d’être écoutée? Et puis, il y a cette fameuse phrase du téléphone « Je sais ce que je fais ». Suis-je la seule à trouver que, mise hors contexte de cette façon, cette phrase ne veut absolument rien dire??? Et pourtant, elle a été rapportée à maintes reprises dans les médias. Combien de fois ai-je entendu dire « Imaginez si les accusations sont fausses. Pauvre DSK, sa carrière est finie ». Et c’est vrai que ce serait terrible si tel était le cas. Mais ce qui me chicote est que, pas une seule fois, sauf en sortant de ma bouche, je n’ai entendu quelqu’un dire « Imaginez si les accusation sont véridictes. Pauvre Diallo, non seulement elle a été victime mais en plus elle a été traînée dans la boue publiquement ». Au moins dans cette cause, il n’a pas été question du passé sexuel de Diallo. Mais c’est peut-être seulement parce qu’ils n’ont rien trouvé de « compromettant ». Sommes-nous insensibles envers les victimes? N’est-ce pas plus facile de lancer la roche à une victime? Les gens ne recherchent-ils pas un semblant de justice dans le monde en accusant les victimes d’avoir mérité leur sort, ou alors d’avoir inventé de toute pièce? Où est l’humanisme? Où est la compassion? Où est l’empathie? Et ce sont ces mêmes personnes qui salissent les victimes qui iront se surprendre que seulement 10% des agressions sexuelles sont dénoncées.

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  • Guillaume Rivest
    31 août 2011

    Un juge tres lucide a expliquer dans le magazine l.Actualiter de quelque mois, ces quoi la prsesomption d’innocence. En gros ces que ces mieux de laisser passer 100 coupable que d’enfermé un seul inocent. Pkoi? Parceque dans plus de 90%, les coupable referon face a la justice, DSK en est la preuve meme. Il est citer pour d’autre accusation en france…pis la pas sur qui va sen sortir. Merci

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  • Imace
    16 septembre 2011

    Bonjour !

    Alors les 100 coupables dehors, c’est une rengaine aussi courante que stupide. On entend pas la même chose pour les autres crimes, après tout, vaudrait mieux laisser 100 assassins en liberté non ? C’est juste un leitmotiv des hommes qui s’identifient au coupable, et franchement, pour s’identifier à un violeur, faut avoir un grain.

    @ Catherine L : je crois qu’aux Etats-Unis, il est interdit de faire allusion à la sexualité de la victime d’un crime ou délit sexuel, ce qui expliquerait le silence des média.

    Pour DSK, j’ai du mal avec l’argument « imaginez s’il est innocent, ça va foutre sa carrière politique en l’air ». En posant le postulat que la dame était consentante, vous voudriez d’un président capable de baiser une inconnue en dix minutes dans une chambre d’hôtel et en se foutant éperdument de son plaisir ? Moi, pas tellement. Qu’il soit innocent ou coupable, il est visiblement furieusement misogyne et pour moi ça suffit pour le disqualifier quant à l’exercice d’un quelconque mandat public.

    Enfin, je suis d’accord avec vous sur le traitement de l’affaire. J’ai l’impression d’un schéma récurrent : indignation et compassion envers la victime, puis on découvre n’importe quoi chez elle qui en fait un être humain plutôt qu’une icône, et la compassion se change en mépris et suspicion. Et comme il n’existe pas un seul être humain qui n’ait rien à cacher, les victimes « déçoivent » toujours l’opinion. Quand est-ce qu’on comprendra qu’un procès n’est pas un concours de popularité et qu’on se fiche pas mal de savoir si la victime est attachante ou détestable ?

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