Lectures à se mettre sous la dent
Quelques lectures inspirantes pour féministes en soif d’idées : Feminism FOR REAL, ouvrage dirigé par Jessica Yee, et La Servante écarlate de Margaret Atwood.
Mais qu’est-ce que le féminisme, réellement ? Ce recueil de textes est composé d’essais, de poèmes et de dialogues, tournant autour de la question suivante : et si le féminisme devenait en lui-même sa propre forme d’oppression ? Donnant la parole à des jeunes personnes queers, autochtones et certain.e.s non autochtones, Feminism FOR REAL explore des facettes pas toujours reluisantes des réalités du « Féminisme-avec-un-F-majuscule » ( le féminisme mainstream et/ou institutionnel ). Ouvrage rédigé en anglais, il n’est pas traduit en français, mais il vaut le détour parce que c’est un livre puissant, dynamique et propice à des réflexions critiques sur notre propre militantisme.
Ce livre décoiffe par sa forme et par son puissant appel à l’autocritique. En somme, il incite à remettre en question ses comportements et ses idées préconçues sur le féminisme et, précisément sur le féminisme autochtone (« Indigenous feminism ») . Plusieurs autres sujets sont traités, tels que les contraintes imposées par le féminisme académique/institutionnel, les médias et la pop culture, les contradictions de l’activisme et de la vie en tant qu’allié.e, les résistances des non-autochtones au féminisme autochtone, les débats sur le travail du sexe/prostitution, les identités trans et plus encore. Notons les collaborations, entre autres, de Latoya Peterson, AQSAzine, Shaunga Tagore et de Diandra Jurkic-Wall. D’ailleurs, la sortie de ce livre à l’hiver 2011 a suscité une p controverse sur les interwebs américains… À vous d’aller en lire plus!
La Servante écarlate, oeuvre célèbre de l’auteure canadienne Margaret Atwood, a été mon coup de coeur de l’été. Ce livre est une dystopie – c’est-à-dire une utopie négative – où l’écrivaine dépeint un monde totalitaire profondément patriarcal. Les femmes y sont hiérarchisées selon leur potentiel de reproduction… Dans Gilead, ce monde religieux, le personnage principal se rappelle d’un temps où les femmes pouvaient lire, rire et vivre de façon indépendante. Le roman grossit et exagère les défauts du patriarcat vécu aujourd’hui – on peut trouver des repères de notre époque dans les propos antichoix et religieux dans la propagande du régime gouvernemental de l’univers dystopique d’Atwood. Malgré la dureté de cet environnement fictif, ce livre est un pur bijoux de poésie. Atwood nous éblouit dans ses descriptions des relations interpersonnelles complexes des personnages, tous totalement entravé par la politique. Au fil de la lecture, nous sommes renvoyés à nos expériences du monde actuel et les mots d’Atwood continuent de nous habiter bien après la dernière page. Plusieurs questions sur les droits reproductifs et les relations hommes-femmes sont posées en filigrane de la lecture de La Servante écarlate. Un roman à savourer et à relire, dans toute sa splendeur lyrique et dystopique.
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Des incontournables de toute bibliothèque féministe qui se respecte. Avez-vous des suggestions de lectures ? Que pensez-vous de ces livres ?
Stéfanie Dubé
King Kong Théorie, par Viginie Despentes est selon moi un incontournable.
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Valérie
Un incontournable dans lequel il est écrit que comme nous risquons toutes, un jour ou l’autre, d’être violée, aussi bien être payées pour. Merci, »’néo-féminisme pro-sexe » ». C’est ce qu’on aurait dû faire lire à mme Diallo.
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Joëllita
Despentes exprime une pensée beaucoup plus complexe que cela. Elle-même survivante d’un viol, elle dit qu’elle refuse de changer son comportement pour se mettre davantage à l’abri, déclinant toute responsabilité pour la violence qu’elle a subie. Ce n’est pas à nous de changer de comportement (vêtements, sorties, etc.). C’est un livre qui n’a pas froid aux yeux, qui prend des risques, et qui fait réfléchir.
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stefanie
Joelitta a raison, il ne faut pas tout prendre au premier degré et parfois une seconde lecture n’est pas de trop…
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Valérie
Oui et comme beaucoup de femmes violées (environ 85 % d’entre elles), elle s’est faite happées par les industries du sexe et contribue à leur glorification. Tant mieux si ça l’a aidée, mais pour ma part, je n’ai jamais trouvée que de contrer la violence par la violence, violence sur soi, sur les autres, soit une option.
Qu’on le veuille ou pas, Virginie Despentes s’inscrit explicitement (voir Mutantes : féminisme porno punk) dans le courant du »néoféminisme pro sexe » (contrairement aux autres qui sont forcément anti-sexe…). Elle est est même une des principales théoriciennes.
Ce féminisme va à l’encontre de la conception de l’humain auquel s’enracine mon féminisme.
Ce n’est pas parce qu’une femme fait quelque chose que je me sens obligée de l’acclamer. Et je crois qu’à trop vouloir prôner ‘l’ouverture’, on finit par renforcer l’ordre que l’on souhaitait d’abord renverser.
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Valérie
Ne pas prendre au premier degré… Vous en connaissez beaucoup, des personnes qui fricottent avec le lobby des industries du sexe ‘au premier degré’?!?
Ce n’est pas un jeu. Il est question ici de vraies personnes.
Voir : le mémorial des pornstars décédées au cours des dernières années. Créé par the pink cross foundation, une organisation qui serait probablement jugée ringarde par les françaises, mais qui fait un travail formidable sur le terrain.
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Valérie
La société nous objectifie, nous déshumanise? Nous ne changerons rien, même que nous jouerons le jeu. Alors réduisons-nous nous-mêmes à un moyen dont les autres peuvent profiter à leur guise. Comme nous serons des objets de par notre volonté propre, nous serons libres, autonomes.
Voilà le discours de la mamzelle, qui s’enracine à l’individualisme et au matérialisme, qui sont à la source de problèmes que vivent plusieurs femmes dans le monde contemporain. Nous avons peut-être rejeté l’ordre traditionnel, mais nous l’avons remplacé par autre chose, tout simplement. Cette fois-ci, par-contre, impossible de rencontrer l’élite locale au presbytère du village. Celle-ci se réunit dans un pays ou dans un autre, derrière les rideaux opaques des clubs privés. La financiarisation de l’économie, sa mondialisation, est allée de pair avec sa criminalisation. Le rapport?! Les industries du sexe profitent aujourd’hui à bien des gens. Même General Motors profite de la porn. Pour que ces industries puissent croître encore, et encore, et encore, il faut faire exploser les barrière culturelles, idéologiques et religieuses qui servaient autrefois de rempart. Il faut créer une nouvelle idéologie qui légitime cette manière d’être au monde, idéologie nécessaire, je le rappelle, pour que l’utopie pornographique s’enracine à la culture populaire. C’est ici qu’intervient, entre autres, le »néoféminisme pro-sexe ».
La salvation ne passera pas par la soumission à ce nouvel ordre.
Désolée pour la suite de commentaires, mais on ne peut éditer, alors.
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Marie-Anne
Hé bien! Je ne pensais pas que mon billet deviendrait un débat sur les propos de Virginie Despentes, mais pourquoi pas ? Je pense aussi que King Kong Théorie est un incontournable des lectures féministes, que l’on soit d’accord ou pas avec le propos de l’auteure.
Ce que j’avais apprécié de ce livre, c’était son appel puissant au pouvoir réparateur des mots lors d’expérience traumatisante telle qu’un viol. Sinon, j’avais aimé aussi la dénonciation de l’hypocrisie des réactions des gens face à des personnes qui osent parler du viol ouvertement. Sans adhérer à tous ce que Despentes dit, je suis d’accord pour dire que son livre est un incontournable pour comprendre le féminisme pro-sexe actuel.
Dans la même veine, Sexe Inc., de Marie-Pierre Boucher, paru aux Éditions Poètes de brousse., rend accessible l’enjeu prostitution/travail du sexe. On peut entendre l’auteure ici : http://www.publications-universitaires.qc.ca/
(Ceci étant dit, mon commentaire ne visait pas à prendre position sur cet enjeu hautement controversé.)
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Marie-Anne
De plus, le site Pursuit of Harpyness analyse dans le détail le livre Feminism for real : http://www.harpyness.com/ Pour celles qui n’ont pas encore le livre et qui peuvent lire l’anglais.
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Marie-Eve
Bonjour à toutes
Je profite du sujet pour vous demander si vous connaissez une anthologie des textes fondateurs du féminisme. Je cherche des écrits de pensereures et penseurs de toutes les époques. Est-ce que quelqu’une a des suggestions?
Merci
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Marie-Anne
Suggestions :
– Geneviève FRAISSE, Les femmes et leur histoire, Paris, Gallimard, Folio Histoire, 1998,
– La pensée féministe au Québec : http://www.cybersolidaires.org/histoire/anthologie.html
– Les courants de pensée féministe: http://classiques.uqac.ca/contemporains/toupin_louise/courants_pensee_feministe/courants_pensee.html
Et sûrement plein d’autres qui ne me viennent pas à l’esprit tout de suite!
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Elise
Louky Bersianik est décédée cette semaine. Elle est l’auteure de L’Euguélionne, l’un des premiers livres féministes au Québec.
Je ne connaissais pas cette auteure (je suis née trop tard) et son livre n’est plus disponible. Je trouve ça dommage!
http://www.ledevoir.com/culture/actualites-culturelles/337676/louky-bersianik-sortir-de-l-oubli
PS: J’ai cherché où poster cette nouvelle, et l’article sur les lectures féministes me semblait approprié.
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Marie-Anne
Merci de souligner cette nouvelle, Élise. C’est pertinent dans ce billet. Triste nouvelle cette semaine.
Pour ce qui est de trouver les livres de Louky Bersianik, peut-être qu’aux éditions Sisyphe (http://sisyphe.org/editions/) elles pourraient t’aider et/ou te renseigner à propos des éditions de son livre.
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