Le Parcel : le colis suspect du marketing pseudoféministe
Lancé il y a quelque mois, Le Parcel a récemment fait beaucoup parler sur les réseaux sociaux. Moyennant 15$ par mois, l’entreprise californienne vous fera parvenir par la poste votre sélection de 30 produits hygiéniques féminins (tampons, serviettes et protèges-dessous), parmi les grandes marques du marché. Le colis inclura également du chocolat, un produit de beauté et un cadeau surprise. Dans le cas de la vidéo promotionnelle, le cadeau surprise est le genre de montre cheapo qu’on peut trouver à la pharmacie du coin.
L’image de la marque est féminine et agréable. Le graphisme est dominé par les couleurs pastel et le blanc, les polices rétro et les pictogrammes. L’approche est plutôt minimaliste : le site internet de l’entreprise ne comporte pas de section « à propos ». On présente sans détour le fonctionnement de la patente et si ce n’est pas assez clair, on le répète en utilisant plus de mots à la section FAQ.
On expose la raison d’être de Le Parcel à coups de slogans comme PMS – not so hard when chocolate covered ou Nature’s gift stinks, so we give you a better one. Le Parcel a récemment retiré son slogan le plus controversé: No more akward stares at the checkout. Autant de prémisses erronées.
Alors, décortiquons ces mythes, un par un :
1. S’assurer d’avoir sous la main des produits d’hygiène féminine au début des menstruations est un tracas;
Parce que sans Le Parcel, se retrouver à la pharmacie en fin de soirée est inévitable (et extrêmenent pénible)? Pour éviter ce calvaire, tu pourrais acheter plusieurs boîtes des tampons/serviettes quand ils sont en solde. On va si souvent à la pharmacie, autant d’occasion d’en acheter quand on y pense… Oh, et en passant: Si t’as besoin de tes nananes, tes échantillons gratuits ou de ton maquillage, ils en ont au même endroit : à la pharmacie. Il y a toujours des limites à vouloir se simplifier la vie…
2. L’achat de produits d’hygiène féminine est une expérience gênante – également pour les témoins de cet acte;
Un marketing de la honte. Pourquoi faudrait-il être gênée? Pourquoi les autres devraient-ils nous regarder de travers? Nous ne sommes plus dans les années 1950. On encourage un malaise devant l’achat de produits hygiénique qui pourrait très bien s’étendre à bien d’autres achats : pillule contraceptive, condoms, pillule du lendemain, traitements pour les infections vaginales, tests de grossesse. Le papier de toilette, tant qu’à y être? Pas très « éducation sexuelle » comme approche.
3. Les menstruations sont synonyme d’inconfort : syndrome pré-menstruel, crampes, etc.
En effet, on pourrait bien s’en passer. Mais une solution plus directe à ces inconforts ne serait pas une meilleure idée? Des cachets, par exemple? Non, pas assez sexy.
4. La femme a envie de chocolat avant et durant ses règles;
Création de besoin? Réponse à de faux besoins? Personnellement, lorsque j’ai des crampes, j’essaie de ne pas me surmener, de porter des vêtements confortables, d’adopter des postures confortables. Je prends des cachets, je me coule un bain chaud, j’utilise une compresse. Je m’accorde du temps pour relaxer et éviter d’être irritable.
5. La femme aime les produit de beauté et les cadeaux surprises.
Le principe des bébelles de boîtes de céréales, version pour femmes. On reproduit des stéréotypes féminins. Tant qu’à y être, pourquoi ne pas inclure une revue à potins? On veut nous faire gober que le chocolat et le maquillage sera un baume sur ce malaise mensuel. La consommation et le fait de se sentir belle va nous remonter le moral. Et on le sait, la bébelle, c’est la tendance de l’heure : celui des cadeaux qu’on reçoit en prime lors des commandes chez Sephora en est un bon exemple. On devient accro aux surprises, au colis reçus par la poste, qu’on perçoit comme des cadeaux.
Une attitude pseudoféministe attrayante
Sur les réseaux sociaux, Le Parcel peut donner l’impression d’être l’œuvre de féministes engagées. Sur son compte Twitter, on peut y lire : Proud sponsor of women everywhere. Empowering women everywhere by passing along their motivational stories. En effet, certains de leurs tweets encouragent le partage des histoires de femmes grandes et fortes. On retwitte des citations philosophiques inspirantes. Mais de là à parler d’autonomisation à même la biographie du profil Twitter de l’entreprise? Par ailleurs, à la suite des demandes de clientes, l’entreprise a précisé qu’on peut demander de recevoir moins de 30 items par mois, et qu’au lieu de réduire le coût mensuel, elle remettra les sommes économisées à des refuges pour femmes. Mais quelle est la valeur qu’ils attribuent à 5 tampons? L’entreprise parvient à donner une image engagée, à faible coût.
J’ai bien peur que cette image pseudoféministe et cute de Le Parcel, (et les bébelles, bien sûr!) soit la recette parfaite pour duper de nombreuses jeunes femmes. Ou peut-être est-ce l’enrobage chocolaté qui aide à faire passer la pillule?
Le Parcel semble effectivement recevoir un bon accueil. Le concept mis de l’avant par l’entreprise est vu comme une idée novatrice. Les éloges affluent sur Twitter : « Enfin! Pourquoi personne n’y a pensé plus tôt? ». Mais dîtes-moi, qu’y a-t’il de si novateur à perpétuer le tabou de la menstruation?
Opportuniste et irresponsable
En plus d’encourager cette logique malsaine, Le Parcel se faire un profit très facile. On nous refile la facture de notre idiotie.
Faisons le calcul : la semaine dernière, un paquet de 36 tampons d’une grande marque était en solde à 7,99$+tx dans une des grandes pharmacies du Québec. Le Parcel s’approvisionne certainement au prix du gros, donc à prix encore plus bas. Le chocolat qu’ils incluent coûte environ 1$ à la pharmacie du coin. Les produits de beauté sont, de toute évidence, des échantillons qu’ils obtiennent gratuitement. Il y a fort à parier que ces échantillons ne conviennent pas à la plupart des peaux, des teints, des goûts ou des besoins. Si la plupart des clientes reçoivent des « surprises » qui ne leur conviennent pas, elles les foutront simplement à la poubelle. On encourage donc la surconsommation et le gaspillage, dans une économie où les ménages sont surendettés.
Alors, pour le bilan : pas très économique, pas très responsable, pas très écolo, pas très féministe.
Quand j’ai eu mes premières menstruations, à l’âge de 13 ans, je n’était pas à l’aise à l’idée de m’acheter des serviettes. C’est tout à fait normal. Mais je suis heureuse que Le Parcel n’existait pas dans mon temps, car si j’y avais adhéré, je ne serais sûrement pas la même personne aujourd’hui. Je doute que la jeune cliente chez Le Parcel deviendra la femme épanouie, responsable, qui connaît son corps et qui est bien dans sa peau et dans sa sexualité. Non. Tu peux continuer à rêver, toi qui fuis le malaise des regards à la pharmacie, tu ne compteras pas parmi les grandes femmes dont Le Parcel partage l’histoire sur son compte Twitter.
En conclusion, peut-être que je prends ça trop au sérieux? Pourquoi analyser si sévèrement quelque chose qui se veut peut-être léger? C’est comme les revues qui se disent féministes et qui nous conseillent de chasser les blues de janvier à coups de magasinage mode et de masques hydratants. Pourquoi s’acharner à les critiquer? Après tout, l’équipe derrière Le Parcel doit bien être consciente que du chocolat et du maquillage n’allégeront pas le SPM ou les crampes. Mais ce qui me dérange, c’est qu’en même temps, elle se frotte les mains en disant « exxceeeellent ».
Reste que c’est l’ensemble de tels exemples futiles qui façonne la façon de penser et d’agir des adolescentes et des jeunes femmes. Le tout est plus grande que la somme de ses parties. Voilà pourquoi j’ai peur que bien des femmes choisissent de devenir clientes de Le Parcel.
Qu’en pensez-vous?
AnneMarie
Je suis super contente de lire cet article aujourd’hui. Exactement, »Alors, pour le bilan : pas très économique, pas très responsable, pas très écolo, pas très féministe. »
Et non, tu n’as pas tort de prendre au sérieux quelque chose qui ce veut peut être léger. Tu n’as pas tort de prendre ça au sérieux. La façon dont les adolescentes vieillissent, c’est sérieux. Et ce genre d’exploitation de produit, de faux »empowerement », de coup de marketing, justement ne doit pas être ignoré.
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Melanie
C’est rassurant de voir que je ne suis pas la seule à m’inquiéter!
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Emilie D.
Cet article rejoint plus ou moins tout le mal que je pense des magazines dits « féminins » qui, sous couvert d’émancipation de la femme, lui rappellent régulièrement qu’elle ne sera émancipée que si elle se conforme d’abord à certaines règles (maquillage, chocolat… ;-)).
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3vespers
2demagogue
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