La Basse-Côte-Nord, là où il y a des femmes
Il y a un bout de terre du Québec que je ne connaissais pas, dont je n’avais jamais entendu parler : la Basse Côte-Nord. Vous connaissez ? Vous seriez parmi les privilégiées au courant de l’existence de cette population de 5000 âmes. Vous ne connaissez pas ? Vaut mieux tard que jamais à ce qu’il paraît…
De Kégaska à Blanc-Sablon, la Basse Côte-Nord c’est : 14 villages, 2 communautés autochtones, 80% d’anglophonEs. Pas de route terrestre entre chacun des villages l’été, seulement l’hiver lorsqu’il fait assez froid pour que les rivières gèlent. Bien sûr il est question dans les couloirs parlementaires du projet de prolongement de la route 138… depuis le début des années 2000. Il y a aussi le chantier hydroélectrique d’Hydro-Québec, la Romaine. On y reviendra. On ne peut passer sous silence que l’enclavement des villages de la Basse Côte-Nord a son lot de conséquences, comme par exemple la faible possibilité d’emplois (la Basse Côte-Nord a le plus haut taux de prestataire de l’assurance-emploi ; vive la loi C-38 !) et l’exode élevé pour aller se scolariser ou pour des opportunités d’emplois. C’est sans parler du phénomène communément appelé fly-in/fly-out qui consiste, pour les travailleuses et les travailleurs, à travailler une quinzaine de jours sur un chantier, repartir chez-elles/eux en ville, revenir sur le chantier, etc., etc. Ces allers-retours n’apportent rien en retombées économiques pour les régions et comportent des risques de violences pour les femmes.
Qui plus est, la Romaine, le Plan Nord et tous les autres ne viennent pas avec l’ajout de services dans le domaine de la santé et des services sociaux. Souvent trop rapides pour les communautés des régions rurales et éloignées, ces développements cristallisent certains facteurs communautaires favorisant les agressions à caractère sexuel : faibles sanctions de la communauté à l’endroit des agresseurs sexuels, tolérance générale des agressions sexuelles dans la communauté et faible soutien institutionnel de la part du corps policier et du système judiciaire. Tout cela (et même plus) facilite l’imposition de la part d’hommes d’attitudes, de paroles ou des gestes à connotation sexuelle contre la volonté des femmes… et ces dernières sont prises dans leur village ! Il va sans dire que si les agresseurs sont souvent un parent de la victime, les femmes ne la Basse Côte-Nord connaissent probablement le pedigree complet de la majorité des hommes de leur environnement.
La réalité que je souhaite décrier ici est la suivante : il manque d’intervenantes ! Des intervenantes à qui les femmes de ces communautés pourraient parler. Parce que parler à une amie dans un village de 100 personnes comporte des impacts. Parler c’est souvent plus facile que dénoncer, dans des endroits enclavés. Parce que dénoncer son père, son conjoint, son voisin pour un acte criminel comme une agression sexuelle, ça a des impacts. Surtout lorsque l’homme en question est connu et apprécié dans la communauté. Si les statistiques disent qu’une femme sur quatre et qu’un homme sur dix sont victimes d’agressions sexuelles au Québec, je suis prête à croire qu’en Basse Côte-Nord c’est une femme sur trois et un homme sur six. Je ne peux affirmer ce que j’avance puisque la majorité des agressions sexuelles ne sont pas dévoilées par peur de représailles de l’entourage ou de l’agresseur.
C’est aussi ça la réalité d’être féministe au Québec.
Alors, si au moins ce message pouvait être lue par une intervenante psychosociale en recherche d’emploi… Déménage tes pénates par ici, on a un emploi pour toi ! Les femmes y sont fortes, intelligentes, belles et solidaires (malgré tout…) !
Marie-Andrée Gauthier
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