La glorification à tout prix de Lena Dunham?
Le récit de Lena Dunham aura servi à mettre en lumière le manque d’éducation sexuelle des enfants qui, seuls face à leurs questions, se trouvent à commettre des actes «dérangeants», «tordus» et parfois à la limite du viol. La société au complet détient une part de responsabilité dans l’acte de Lena et doit se pencher de façon sérieuse sur l’éducation sexuelle qu’obtiennent des enfants. Toutefois, le plaidoyer de Judith Lussier dans son article : «Mollo sur la chasse aux sorcières» qui justifie et banalise les derniers propos de Lena Dunham est condamnable pour ces mêmes raisons.
Dans un livre autobiographique Not That Kind of Girl: A Young Woman Tells You What She’s « Learned », publié le mois dernier, Lena Dunham nous relate son parcours et quelques anecdotes personnelles expliquant son cheminement identitaire et professionnel. Se voulant, un récit satirique à la Tina Fey, Lena Dunham pousse la dérision un peu trop loin lorsque qu’elle nous explique, de façon humoristique, bien entendu, qu’elle a tenté d’ouvrir les parties intimes de sa sœur lorsqu’elle était âgée de 7 ans. Dunham décrit les techniques qu’elle a employées pour amadouer sa sœur, lui donner des friandises, comme celles de n’importe quel «prédateur sexuel». Bien entendu, ces passages du livre de Lena ont créé une polémique sans précédent pour la réalisatrice qui peine encore à trouver la sortie de secours.
Dans son plaidoyer, Judith Lussier dénonce cet acharnement médiatique envers la réalisatrice. Acharnement, qui selon cette dernière, n’est pas basé sur les propos ni le procédé stylistique (que l’on peut trouver douteux) de l’écrivaine et réalisatrice, mais plutôt sur sa nature de femme et sa contribution au féminisme :
«Lena Dunham dérange. Elle dérange lorsqu’elle exhibe son corps non conforme aux canons de beauté sur HBO. Elle dérange par son entièreté, son absence de limites et sa maladresse assumée. Elle dérange aussi, dans Girls, lorsqu’elle illustre la culture du viol en plaçant Adam, un personnage auquel on est attaché, dans une situation où le consentement de sa partenaire est ambigu. Lena Dunham ne fait pas que se dire féministe. Elle est féministe et incarne le féminisme dans tout ce qu’elle entreprend.»
Or, selon moi, ce n’est pas tant son engagement remarquable au féminisme qui dérange, mais plutôt le discours immonde de l’auteure pour justifier ses comportements. Dans le cas qui nous occupe, soit le texte de Lussier, l’étalement du parcours de Lena Dunham (dont je suis moi-même une grande fan) et de ce qu’elle représente, nous éloigne de son geste et ne sert qu’à brouiller, peut-être volontairement, le débat et discréditer les personnes qui condamnent ce texte. Je m’explique : dans ce cas en particulier, Lena Dunham ne dérange pas parce qu’elle est une femme anticonformiste tant par son corps, son esthétisme et par sa sexualité. Le discours de victimisation de Judith Lussier n’est donc pas justifié.
De plus, ce qui me dérange dans le récit de Lena, tel que justifié par Judith Lussier, c’est justement ce ton auto-dérisoire qu’elle utilise pour expliquer son geste, car son ton banalise l’agression sexuelle commis entre soeurs Pour les victimes d’abus sexuels semblables, ce ton est humiliant et dangereux. Dangereux car certaines personnes, par maladresse – je préfère le croire, glorifient ce geste comme étant un pas de plus dans la lutte contre l’hétéronormativité. Héritage sans contredit du patriarcat, l’hétéronormativité est un fardeau de plus pour tous ceux et celles qui luttent pour l’équité et l’égalité entre les genres, mais qui n’a pas sa place dans ce débat. De plus, cette lutte ne doit pas être faite par le biais de la glorification d’un échec de l’éducation sexuelle sociale et sur le dos des victimes. Encore une fois, ce geste banalise de façon imprudente les agressions sexuelles et peut, tel que Lussier le rapporte elle-même dans la première partie de son texte pour le cas de Jian Ghomeshi, confiner la victime au silence car la société, c’est-à-dire le « nous » collectif, ne condamne pas ce type de geste, et alimente ce discours de banalisation des agressions sexuelles.
Finalement, je ne peux que me demander si Judith Lussier aurait tenu le même discours si Lena Dunham était un homme? Cette dernière affirme aussi que sa cadette aurait supposément consenti à ses gestes, ce qui est un peu difficile à croire étant donné qu’elle fut âgée de 7 ans lors des faits et sa sœur de 2 ans. Il en demeure que ce n’est pas parce que Lena est une féministe exceptionnelle que son geste doit être balayé du revers de la main par les autres féministes, telles que Judith Lussier. Le texte de la blogueuse et écrivaine montréalaise entretient un double discours quant à la notion de l’agression sexuelle lorsque celle-ci est commise par une femme, et de surcroît féministe. Sans affirmer que les gestes de l’écrivaine et réalisatrice soient des agressions sexuelles, le danger vient de la banalisation et la défense des propos qui se situent dans la zone grise, comme ceux de Lena Dunham.
Pour toutes ces raisons, je suis profondément étonnée par la position de Judith Lussier vis-à-vis cet incident. Comme elle le résume si bien : «Il en va de la crédibilité du concept même de culture du viol, que d’aucuns n’hésitent à remettre constamment en question». La crédibilité de cette culture du viol et du mouvement féministe est alors brimée lorsque nous, féministes, devenons incapables de nous critiquer entre nous et défendons l’indéfendable.
Ikram Mecheri
Marie-Danièle Dussault
Merci.
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Amaria
Bof, je ne suis pas du tout d’accord avec ton article. Les enfants explorent leurs corps (n’as-tu jamais entendu l’expression « jouer au docteur ») et ceux des autres. Ici en Amérique du Nord, on a tendance à tout vouloir aseptiser, à occulter que les enfants n’ont pas de conscience corporelle (et sexuelle!), alors que c’est faux. En fait, très tôt les petites filles et les petits garçons découvrent leurs corps et se rendent compte qu’il y a des zones « spéciales »… et on devrait pas en faire tout un plat! Expliquer la limite à un enfant pris sur le fait (c’est à dire qu’on ne doit pas « tripoter » le corps des autres), oui, mais vouloir rendre la chose tabou, culpabiliser un enfant sur l’envie d’explorer le corps, et dans le cas de ton article parler d’agression sexuelle en décontextualisant sciemment ce qu’a écrit Lena, qui rappelons-le n’était qu’une enfant entrain d’explorer le corps d’un autre de manière plutôt innocente (sans connotation sexuelle), c’est anti-féministe. C’est Judith Lussier qui a raison.
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