Misogynie 2.0: harcèlement et violence en ligne #femmesurleweb
« Suivant la logique de la misogynie en ligne, le droit d’une femme à la liberté d’expression est beaucoup moins important que le privilège que s’accorde un homme de la punir pour s’être exprimée librement. »
Laurie Penny, Cybersexism
Nous sommes féministes. Nous partageons nos idées sur le web. Et nous sommes unies par l’expérience de la misogynie latente qui ronge Internet, les médias sociaux, notre vie publique, notre vie privée.
Lorsque nous prenons la parole sur le web, surtout pour dénoncer la violence sous toutes ses formes que subissent les femmes, le retour de bâton s’associe à une pluie d’insultes et de menaces : « Conne », « J’vais te venir dessus », « Féminazie », « Ostie, j’te fourrerais avec ta p’tite jupe», « Sale chienne », « Grosse truie », « Je te cockslaperais jusqu’à ce que tu fermes ta yeule », « Tu mérites de te faire gang raper », « Tu ne devrais pas avoir le droit de te reproduire », « Impossible qu’elle se fasse pénétrer par un homme sans qu’elle crie au viol », « Fermez don’ vos gueules… pendant qu’elles ferment encore! » Ceci n’est qu’un échantillon du refrain entonné ad nauseam par les graphomanes misogynes qui sévissent sur la Toile. Ces mots témoignent d’un sexisme, d’un antiféminisme, voire d’une haine des femmes si répandue qu’ils frôlent désormais la banalité.
Le cybersexisme est omniprésent dans les conversations en ligne. Il imprègne les fils de commentaires sur les réseaux sociaux et sur les blogues, partout où les femmes prennent la parole dans l’espace public virtuel. Il prend diverses formes : paternalisme, infantilisation, « mansplaining », surveillance, attaques personnelles, « slut-shaming », « fat-shaming », diffusion publique de données personnelles, attaque à l’intégrité physique, menace de viol et de mort, etc. Cette violence misogyne prend une consonance particulière quand elle s’exerce avec des accents racistes, islamophobes, xénophobes, transphobes ou lesbophobes.
De telles attaques cherchent intentionnellement à humilier et à effrayer les femmes pour les exclure du débat public, les museler ou les réduire à la plus simple expression du préjugé culturel et des stéréotypes de genre auxquels on les associe.
Certes, cela n’a rien de nouveau : le sexisme précède l’écran. L’écran offre toutefois des possibilités de techniques nouvelles à l’expression de la haine envers les femmes. Les canaux sont multiples : mots-clics, sites web, tribunes médiatiques, pages Facebook, événements… Souvent, l’anonymat permet à la misogynie de se répandre en toute impunité.
Les recours sont restreints. Répondre aux commentaires sexistes demande beaucoup d’énergie. L’antiféministe de fond moyen considère toute réaction sur le web à ses propos comme l’acte d’une hystérique. Retirer leurs commentaires ? Il s’en trouvera pour parler de censure : comme si la liberté d’expression incluait l’injure et les discours haineux. Porter plainte ? Quoiqu’une menace soit toujours virtuelle, une menace issue du web sera traitée avec peu de sérieux. Tout se passe comme si le cybersexisme était socialement acceptable, normal, et qu’y réagir était la pire des choses à faire : « ignore-les », « t’as pas la couenne bien dure », «t’as pas le sens de l’humour», «parlez-en en mal, parlez-en en bien, mais parlez-en ». La violence bien réelle que subissent les femmes dans l’espace virtuel est banalisée, et les auteurs de cette violence disculpés.
Nous déplorons cette situation et demandons à ce que la prise de parole des femmes de tout horizon soit respectée. Le web et les réseaux sociaux sont des lieux hostiles aux femmes, surtout lorsqu’il s’agit d’exprimer des idées féministes. Pourtant, ces lieux d’expression sont de plus en plus déterminants : nous en éloigner est brimant et limitatif. Nous souhaitons qu’une discussion collective s’engage afin de faire du web un lieu respectueux pour chacune.
Aussi, il nous appert que les comités éditoriaux des médias sur les plateformes numériques jouent un rôle crucial dans la lutte contre le cybersexisme. Nous les interpellons aujourd’hui en soulignant leur responsabilité sociale dans la création d’un environnement sain pour le débat. Nous suggérons l’adoption de politiques concernant les contenus publiés et une pratique adéquate de la modération favorisant le dialogue entre collaboratrice et lectorat. La cyberviolence est un phénomène grave, qui, combiné au sexisme, nuit à la diversité éditoriale.
Rappelons également que le Code criminel canadien contient des dispositions relatives aux discours haineux reposant sur des motifs liés à la race, l’origine ethnique, l’orientation sexuelle, l’appartenance religieuse, mais aucune sur la discrimination sur le genre. Il n’y a pas d’outil pour contrer la propagande haineuse à caractère sexiste, notamment sur Internet. Il est temps que les femmes disposent d’outils légaux pour se défendre et que des modifications soient apportées à la Loi.
La violence misogyne, l’intimidation et le sexisme en ligne doivent être traités avec le même sérieux que n’importe quelle autre forme de discours haineux. Ce n’est présentement pas le cas. Donnons-nous les outils pour dénoncer cette tendance. Ensemble, nous pouvons faire en sorte que la violence sexiste 2.0 soit renversée au Québec.
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Mots-clics à suivre: #femmesurleweb et womanonline
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Signataires :
Ericka Alneus
Dalila Awada
Isabelle Baez
Magenta Baribeau
Marie-Andrée Bergeron
Mélissa Blais
Marie-Anne Casselot
Léa Clermont-Dion
Alexa Conradi
Marielle Couture
Sissi de la Côte
Martine Delvaux
Elise Desaulniers
Toula Drimonis
Emilie E. Joly
Catherine Gendreau
Véronique Grenier
Roxanne Guérin
Marilyse Hamelin
Johanne Heppell
Marie-Christine Lemieux-Couture
Sarah Labarre
Sophie Labelle
Aurélie Lanctôt
Widia Larivière
Valérie Lefebvre-Faucher
Judith Lussier
Ikram Mecheri
Rim Mohsen
Isabelle N. Miron
Mélodie Nelson
Emilie Nicolas
Françoise Pelletier
Geneviève Pettersen
Elizabeth Plank
Marianne Prairie
Sandrine Ricci
Caroline Roy Blais
Annelyne Roussel
Tanya St-Jean
Carolane Stratis
Josiane Stratis
Kharoll-Ann Souffrant
Emmanuelle Walter
Cathy Wong
Lora Zepam
Blogues:
Assignée garçon
Feminada
Françoise Stéréo
Je suis féministe
Je suis indestructible
La semaine rose
Mauvaise Herbe
Mots dits (Journal Mobiles)
Elisabeth Reichel
SACHA GUITRY » Si les gens qui disent du mal de moi, savaient exactement ce que je pense d’eux , ils en diraient d’avantage!
Je pense qu’il n’y a pas de limites à la méchanceté et la bêtise humaine…
Et je suis d’avis de bloquer ces commentaires sexistes par des moyens légaux en même temps que cesser de prendre cela personnel.
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APAQ
Journée internationale pour les droits des femmes : la putophobie est aussi de la misogynie !
À l’occasion de la Journée internationale pour les droits des femmes, 45 figures féministes québécoises dénoncent dans un texte collectif [i] « la misogynie latente qui ronge Internet ». Elles ajoutent que « cette violence misogyne prend une consonance particulière quand elle s’exerce avec des accents racistes, islamophobes, xénophobes, transphobes ou lesbophobes ». Nous sommes évidemment d’accord avec elles. Mais nous tenons à souligner deux choses.
En premier lieu, il manque une violence misogyne à cette liste : la putophobie. Or, sur les réseaux sociaux comme ailleurs, le stigmate de la putain est souvent utilisé à des fins sexistes et misogynes. Mais en deuxième lieu, ce qui nous surprend le plus ici, c’est la dénonciation partielle qui est faite des agents de la misogynie. En effet, la misogynie n’est pas l’apanage des masculinistes qui naviguent sur l’Internet. Car s’il on considère que la transphobie, l’islamophobie et la putophobie peuvent être des armes de la misogynie et du sexisme, il s’agit alors de reconnaître aussi qu’une partie non négligeable des féministes sont misogynes. Évidemment cela exige de la réflexivité.
Nous avons pris connaissance de l’avis transphobe de l’organisation « Pour les droits des femmes du Québec (PDF Québec) » à propos de l’application du projet de la loi 35 sur le changement de nom et de mention de sexe [ii]. Ce groupe « féministe » qui défend une version ethnocentriste de la laïcité et un modèle unique d’émancipation n’en est pas là à sa première violence : il cumule tout ce qu’il y a de plus abject dans le féminisme néocolonial conservateur. Mais nous en avons personnellement eu l’expérience aussi récemment avec une génération plus jeune de féministes, sur le groupe privé Facebook « Féministes solidaires et en colère », où le flot d’insultes putophobes y régnant a poussé toutes ses travailleuses du sexe féministes à le quitter définitivement.
Alors c’est formidable de dénoncer les misogynes anonymes des réseaux sociaux et de réclamer plus de régulation juridique. Mais l’impact réel de ces trolls sur le sexisme systémique et la misogynie structurelle reste superficiel. Pour combattre ces violences, il serait aussi temps de dénoncer celles et ceux qui, avec leurs pouvoirs académique, médiatique et politique oppressent beaucoup de femmes – surtout lorsque le capital académique, médiatique et politique que l’on détient nous permet d’être entendu.es, écouté.es et respecté.es. À l’image du Collectif du 8 Mars pour ToutES en France [iii], nous avons besoin d’un 8 mars pour TOUTES au Québec !
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[i] « Misogynie 2.0: harcèlement et violence en ligne », Le Devoir, 6 mars 2015 : http://www.ledevoir.com/…/misogynie-2-0-harcelement-et…
[ii] Nadeau, Jessica. « Confusion réglementaire, grogne identitaire », Le Devoir, 3 mars 2015 : http://www.ledevoir.com/…/reglement-sur-les-transgenres…
[iii] «Le Collectif 8 Mars pour ToutEs s’est créé à l’occasion du 8 mars 2012 pour faire entendre un féminisme non-excluant, qui donne la parole à toutes les femmes dans toute leur diversité : gouines, trans, putes, sans-papiers, femmes voilées, femmes handicapées… » : https://www.facebook.com/Collectif8MarsPourToutes
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