Affaire Ghomeshi : un système judiciaire conçu par les hommes, pour les hommes

Le verdict de l’affaire Ghomeshi est tombé. Sans trop de surprise, on apprend qu’il a été acquitté faute de « preuves suffisantes ». Une telle décision le rend-il innocent ? Évidemment que non. Les propos du juge de l’affaire lui-même semblaient aller dans cette direction.

D’autres avant lui, je pense à DSK ou Polanski pour n’en nommer que quelques uns, s’en sont pas mal sortis aussi. Qu’ont ces hommes en commun ? L’argent, le pouvoir, la célébrité mais aussi une forme de mépris envers les femmes en croyant que ces dernières existent pour assouvir leur besoins et fantasmes sexuels. Que révèle cette affaire sur la parole des femmes, et la compréhension du viol ?

Le plus dramatique dans ces feuilletons médiatico-judicaires, selon moi, c’est que nous avons affaire à des systèmes judiciaires (dans le monde) qui sont le reflet et le relais des rapports de pouvoir qui désavantagent les femmes où qu’elles soient. Il semble qu’à travers le monde, les femmes ne font pas confiance aux systèmes judiciaires, puisque 90% des agressions sexuelles demeureraient non dénoncées.

Pourquoi ?

Il y a la peur de manquer de crédibilité : « on ne me croirait pas». C’est cette crainte que l’aveu de la victime, dans sa blessure, ne soit pas cru, ne soit pas accueilli, qui étouffe la dénonciation. Cette peur est assez fondée car Il y a un caractère économique, du pouvoir de l’agression sexuelle.

Je m’explique.

Ces hommes puissants engagent des avocat.e.s puissant.e.s qui n’hésitent pas à recourir aux méthodes les plus douteuses, moralement, pour déstabiliser et intimider les plaignantes. De plus, nous vivons dans un monde où les systèmes judiciaires ne prennent pas en compte les formes subtiles de la violence exercée sur les femmes, surtout quand celles-ci s’imbriquent au psychologique. En effet, le dispositif judiciaire prétend vouloir entendre un récit clair et cohérent mais rien n’est mis à disposition des victimes pour qu’elles se sentent suffisamment en confiance pour que leur esprit  puisse reconstituer l’événement tragique. Car oui  entendons-nous bien, raconter, témoigner d’une agression sexuelle c’est, entre autres, la gestion d’un post-trauma dont on arrive à retracer le début, mais dont on ne voit pas la nécessairement la fin.  En ce sens, l’expérience de l’émotivité est légitime. On se sent confus.e.s.

Ainsi, comment exiger de victimes qui sont meurtries dans leurs corps et esprits de narrer un drame, qui peut plonger la mémoire dans un coma tumultueux, en toute supposée ‘cohérence’ et ‘logique ’ ? Comment exiger une telle injonction?

Le problème c’est que nous sommes censées trouver refuge dans des systèmes judicaires qui n’accordent pas suffisamment d’importance à la dimension de l’affect dans la construction du récit. Donc oui, quand ils [juges] utilisent leurs lunettes de logique dénuée de toute émotivité, c’est probable que le récit leur paraisse ‘farfelu’, que le puzzle de l’histoire ne se complète pas. Cependant, refuser de prendre en considération l’aspect émotif, ambigu, inhérent aux témoignages des victimes ne rapproche pas nécessairement les juges de la ‘véracité’ de l’événement. Au contraire, peut-être même que cela les en éloigne.

En répétant ce genre de jugement, en ne sanctionnant pas l’agresseur, en refusant de nommer les drames psycho-sexuels par soi-disant manque de ‘preuves’, empruntant ainsi un langage sexiste conçu par et pour les hommes, les systèmes judiciaires du monde révèlent indirectement leur biais idéologique patriarcal.

L’affaire Ghomeshi n’est que l’attestation qu’une fois de plus, tout a été mis en place pour affaiblir la parole des victimes.  #Ibelievesurvivors.

Lamiae B.

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